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Financement : pourquoi la vie politique française a tant de mal à se renouveler
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Scléroses en plaques

Face aux poids lourds du secteur tels que l'UMP, le PS ou le FN, les nouveaux entrants sur le marché de la vie politique française sont clairement désavantagés, et voici pourquoi.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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En politique comme ailleurs, l’argent est le nerf de la guerre. Il suffit de suivre l’actualité et sa succession d’affaires pour l’apprendre : les dirigeants des partis français sont régulièrement accusés (et pour certains, condamnés) pour avoir enfreint les lois sur le financement de la vie politique qu’ils ont souvent contribués à faire adopter. Ces lois plafonnent les dons privés et organisent un système de financement public. Le tout étouffe le renouvellement de la vie politique.

En France, les dons des entreprises à des activités politiques sont interdits. Il est donc exclu qu’un grand groupe ne finance la campagne d’un candidat, par exemple. Les dons des particuliers sont, pour leur part, très strictement encadrés : la loi du 11 mars 1988 établit qu’ils ne peuvent dépasser 7 500 euros par an (et 4 600 euros par candidat en période électorale, régime rendu plus strict par l’actuelle majorité). Pour ceux qui en ont les moyens, il faut donc choisir sa cause avec soin.

L’Etat ayant l’habitude de subventionner ce qu’il contraint par ailleurs, un financement public complète ce régime. Il est fondé sur les résultats aux élections législatives et le nombre de parlementaires (il faudrait aussi mentionner les financements européens, dont bénéficie le FN par exemple). D’une certaine façon, il peut être aussi considérer qu’un autre financement existe pour ceux qui sont élus puisqu’ils bénéficient des moyens mis à leur disposition par les administrations (secrétariat, indemnités de fonction, etc.). Cette prise en charge (parfois normale, souvent excessive) contribue à soulager financièrement, de fait, les acteurs en place : un député peut faire envoyer un courrier par l’Assemblée, alors que son concurrent ne le pourra pas, par exemple.

Pour faciliter les campagnes, les candidats peuvent bénéficier d’un remboursement publics de leurs frais (plafonnés eux aussi très strictement), dès lors qu’ils obtiennent plus de 5% des suffrages.

Ce régime a un effet très clair : il préserve la rente des acteurs déjà en place et contraint (voire interdit) le renouvellement des formations politiques françaises.

Si l’on comprend bien, le financement public privilégie les acteurs dominants déjà en place : le PS aujourd’hui, qui a remporté les élections de 2012 ; l’UMP en 2007, etc. Ces mêmes partis bénéficient donc de moyens importants pour préparer les élections de 2017, qui détermineront la prochaine répartition des fonds publics. Autre atout en leur faveur : ils distribueront les investitures pour ces élections, garanties pour atteindre les 5% des suffrages (et obtenir des prêts bancaires par exemple).

Les nouveaux entrants sont, pour leur part, clairement désavantagés. D’abord, ils ne bénéficient pas de financements publics, puisqu’ils ne disposent pas encore d’élus. Ensuite, ils ne peuvent bénéficier que de moyens financiers limités pour organiser leurs campagnes : les donateurs privés sont très contraints par la loi avec des plafonds particulièrement bas. Si demain un millionnaire souhaitait financer une formation alternative par goût de l’engagement pour son pays (comme cela se fait ailleurs), il ne pourrait lui donner que 7 500 euros, ce qui permet de financer bien peu de choses…

Les tenants du système en place répliqueront que tout parti peut accéder aux financements publics dès lors qu’il réalise des résultats importants. Cette logique est clairement fausse, car pour pouvoir réaliser lesdites performances, il faut déjà avoir financé sa campagne… ce qui n’est pas évident sans étiquette connue, sans investiture, sans possibilité d’avoir recours aux financements privés.

Le régime français de financement des partis politiques organise donc une série de barrières à l’entrée techniques qui ont pour effet d’empêcher l’émergence de nouveaux acteurs qui pourraient contribuer à renouveler la vie politique française. Il garantit à l’inverse des rentes aux partis en place.

Cette sclérose oligopolistique n’est pas de nature à stimuler l’innovation politique : les acteurs en place ne sont pas menacés par les nouveaux entrants qui ne peuvent rien leur contester… Cela explique probablement une grande partie des difficultés des formations citoyennes à émerger (on pourrait d’ailleurs analyser également le plafonnement des dépenses de campagne qui a certainement un effet semblable). Cela explique certainement aussi l’atonie du débat politique français, son caractère vieilli et son absence de renouvellement.

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