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Mettons fin au salariat !
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Solution radicale

Alors que la crise n'en finit plus de remuer la situation économico-politique de l'Europe entière. Eric Veraeghe, ancien membre du MEDEF, propose une idée radicale : "réfléchir à la fin du salariat, héritage de l’Ancien Régime complètement obsolète".

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Bien-sûr, il y a cette crise financière qui n’en finit pas de ricocher, et qui empoisonne la vie des démocraties occidentales. Bien-sûr, il y a cette décomposition fulgurante de l’esprit républicain, dans un climat d’affaires et d’outrance verbale qui inquiète les gens de bonne volonté. Bien-sûr, il y a cette crispation qui traverse la société française, et cette hantise qui exacerbe l’agressivité et l’immobilisme au moment où il faudrait confiance et innovation.

Mais si l’on pensait aux lendemains de toute cette épouvante ? Et si nous passions un peu de temps à nous concentrer sur les vrais sujets : la reconstruction d’une cohésion sociale, l’apaisement des tensions, et la recherche d’une organisation de la production qui garantisse à tous prospérité et plein emploi ?

C’est dans cet esprit que je propose, dans mon livre Au coeur du MEDEF, de réfléchir à la fin du salariat, héritage de l’Ancien Régime complètement obsolète. L’idée peut paraître provocatrice, et appelle quelques commentaires en réponse aux incompréhensions qu’elle peut susciter.

Le salariat, forme obsolète de la production

Consciemment ou non, plus personne aujourd’hui ne se satisfait du salariat. Les employeurs considèrent que le coût du travail salarié est trop élevé et le jugent contraire à la compétitivité de leur entreprise en situation de mondialisation. Les salariés sont écrasés par des charges grandissantes, leur rémunération stagne, et ils n’ont pas accès à une part suffisante de la richesse qu’ils produisent.

Ce malaise est exacerbé en phase d’hyper-financiarisation comme nous la connaissons aujourd’hui. L’exigence de rentabilité imposée par les actionnaires conduit à sacrifier peu à peu toutes les marges de valeur ajoutée dégagées par les entreprises à la rémunération du capital.

En fait, le travail tel qu’il fut inventé à la fin du XVIIIe siècle, sous forme de contrat de louage à durée indéterminée, ne répond plus aux exigences contemporaines. On notera d’ailleurs qu’il fut dès l’origine conçu comme une façon de préserver le lien d’Ancien Régime entre le paysan et le domaine où il produisait. Il est l’expression moderne et implicite de cet attachement obligé de l’individu à un maître, qu’on l’appelle seigneur ou patron.

Mettre en place une vraie sécurité sociale professionnelle

D’une certaine façon, le bon sens consisterait aujourd’hui à briser le carcan juridique qui empêche le salarié de négocier la part de la valeur ajoutée qui lui revient, et qui s’appelle le contrat de travail. En instaurant une prime obligatoire liée aux bénéfices de l’entreprise, Nicolas Sarkozy n’a d’ailleurs pas l’intuition d’autre chose : rendre au salarié la richesse qui lui revient.

Remplacer le contrat de travail par un contrat de service négocié au cas par cas, avec des formes juridiques encadrées, constituerait une façon plus directe, et plus souple, d’obtenir le même résultat.

Cette idée est évidemment anxiogène, dans la mesure où elle exposerait les salariés devenus contractants libres à de très fortes fluctuations. Pour juguler ce phénomène, il serait donc impératif de mettre en place une véritable sécurité sociale professionnelle, qui mutualiserait le coût de cette exposition aux risques. Cette sécurité sociale professionnelle, fondée sur une mise à disposition gratuite d’outils destinés à favoriser l’insertion sur le marché du travail, serait un acteur majeur de lutte contre le chômage. Elle regrouperait à la fois les fonctions d’indemnisation, de placement, et de formation ou reconversion professionnelle.

Sa mise en place rapide permettrait d’ailleurs de dégonfler l’angoisse des salariés français et d’apaiser des inquiétudes grandissantes qui sont mauvaises pour la démocratie.

Mettre en place l’allocation universelle

L’idée de l’allocation universelle gagne progressivement du terrain, à droite comme à gauche, et elle constitue probablement l’idée centrale de notre reconstruction sociale future.

Elle repose sur un principe élémentaire: il faut verser mensuellement à chacun la part de produit intérieur brut dont il est le producteur naturel tout au long de sa vie. Le PIB agrège en effet l’ensemble de la valeur produite chaque année dans un pays, sans se soucier de la répartir entre ses auteurs. Cette valeur produite annuellement comporte pourtant une forte part d’externalités positives dues à la société elle-même.

L’exemple le plus simple à comprendre est celui de la gastronomie française. Qui peut nier que chaque Français est porteur d’une part de la valeur patrimoniale de cette gastronomie ? Sans la protection que chacun d’entre nous apporte à l’art de la table, au bien manger, sans le respect immense dont chaque Français témoigne pour le vin, pour la terre, pour la tradition culinaire, notre gastronomie n’existerait pas, la France n’aurait pas la notoriété mondiale qui lui vaut d’être la première destination touristique de la planète, et la marque «France», liée au luxe et à l’art de vivre, se vendrait moins bien.

Quoi de plus normal, dès lors, que de faire bénéficier chaque Français d’une part du PIB qu’il génère par sa participation individuelle à la prospérité collective? Les économistes estiment que cette part s’élève à environ 15% du PIB, soit près de 5.000 euros par Français chaque année.

Avec la crise, il y a urgence

Ces quelques éléments futuristes entreront probablement dans la perception commune dans les années à venir. Il est salutaire de les aborder aujourd’hui, car survivre à la crise ne peut tenir lieu de projet collectif.

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