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Faites-vous partie de ceux qui achètent de l’eau sans gluten et autres absurdités d’étiquetage alimentaire ? Car voilà pourquoi ça n’est que du marketing dénué de sens
©Reuters

Etiquetage

Aux Etats-Unis, il est tout à fait possible de trouver dans les rayons des supermarchés des bouteilles d'eau garanties sans gluten. Même si l'information prête à sourire, la philosophie des industriels derrière a de quoi irriter le consommateur.

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico : Que cela soit aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, ​les étiquettes alimentaires​ et autres bannières publicitaires font parfois état d'informations absurdes, la BBC relatant le cas d'une eau "premium", sans gluten, sans OGM, et bio, alors qu'aucune autre eau minérale ne pourrait prétendre l'inverse. Ces pratiques existent-elles en France ? En quoi ces pratiques peuvent-elles révéler une réponse aux angoisses des consommateurs ? 

Alexandre Delaigue : Ces pratiques existent aussi en France. Typiquement si vous allez acheter une raclette pour ce soir dans un supermarché il n'est pas exclu que vous trouviez une étiquette "sans gluten". C'est relativement étrange car après tout un étiquetage du type ne devrait concerner qu'une infime partie de la population qui est vraiment allergique au gluten ou a du mal à le digérer.

D'autres informations peuvent paraître curieuses comme le fait qu'il y ait marqué "attention liquide chaud" lorsque vous achetez un café dans un établissement type Starbucks. C'est là une question d'asymétrie d'information. Dans le domaine de la nourriture et surtout maintenant que l'on a créé toute une industrie de l'alimentation et que l'on mange des produits qui ont été élaborés et qu'on ne connaît pas toutes les phases de l'élaboration, on a besoin de chercher des informations. On signale donc énormément d'informations à des populations qui bénéficient déjà d'une nourriture qui n'est pas particulièrement toxique.

Aujourd'hui on a l'impression qu'il y a des menaces à peu près partout alors qu'en réalité les réglementations en matière alimentaire sont extrêmement strictes et, en conséquence, les risques que l'on prend sont extrêmement faibles.

Mais il faut bien trouver le moyen de résoudre cette asymétrie d'information. Quand on ne peut pas deviner la provenance ou les manières dont les éléments ont été élaborés vous essayez de vous raccrocher à d'autres types d'informations et c'est là qu'on va vous rajouter soit des labels qui contiennent véritablement une information vérifiée sous forme d'un carnet des charges ou alors on va chercher des informations qui tentent d'y ressembler du type "sans gluten" qui semble être une information mais peut fausser le rapport du consommateur au produit qu'il achète.

Dans quelle mesure cette technique de fausse transparence peut-elle conduire à une modification des habitudes des consommateurs n'ayant d'autre effets que de faire monter les prix pour des caractéristiques dépourvues de sens ? 

Ici il y a plusieurs choses. D'abord on se retrouve dans une situation dans laquelle on fabrique des malades imaginaires. On se retrouve maintenant avec des effets nocebo. A partir du moment où les gens voient la mention "sans gluten" ils peuvent finir par penser que le gluten est mauvais pour la santé et s'inquiéter de choses qui, en réalité, ne devraient pas les préoccuper.

Après, ce type d'étiquetage va être utilisé pour faire de la discrimination tarifaire et faire payer cher à des gens des produits qui n'ont pas de qualité particulières qui représenteraient un avantage.

Les théories de l'économiste George Akerlof concernant l'asymétrie d'information entre producteurs et consommateurs ont pu servir de base à un meilleur étiquetage des produits, permettant de réduire cette asymétrie. Dans quelle mesure cette tendance a-t-elle pu conduire au résultat actuel ? Quels en sont les autres effets "pervers" ? 

Aujourd'hui nous sommes rentrés dans une logique dans laquelle la fourniture d'informations est moins faite dans le but d'aviser les consommateurs que de se couvrir face à des risques de procès. C'est bien pour cela que l'on vous met des mentions "attention récipient chaud" sur des cafés que vous venez d'acheter. Ce n'est pas là pour vous informer c'est là pour protéger le producteur d'un éventuel scandale.

Dans la même logique c'est pour cela que l'on se retrouve avec des dates de péremption pour les produits qui répondent à des réglementations sanitaires pour éviter le moindre problème et qui conduit au fait que le consommateur jette ce qu'il a acheté alors que cela reste dans les faits consommables.

Au final nous sommes passés d'une période (pas du tout satisfaisante elle non plus) dans laquelle il n'y avait pas du tout de réglementation et où les marques donnaient des informations nocives (rappelez-vous des publicités qui disaient que "les docteurs vous recommandent de fumer telles cigarettes) dont nous sommes sortis avec dorénavant une réglementation et un encadrement juridique satisfaisait qui permet d'informer le consommateur. Mais peut-être que maintenant nous sommes rentrés dans une période où  le trop plein d'information finit par avoir un peu le même effet que la publicité mensongère du passé.

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