Faire payer les non-vaccinés pour les soins à l'hôpital : ce risque majeur que fait peser Martin Hirsch sur la cohésion nationale <!-- --> | Atlantico.fr
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Le président de l'AP-HP, Martin Hirsch, quitte l'Elysée à Paris le 18 septembre 2018, après la présentation du "plan pour l'hôpital" par le président français.
Le président de l'AP-HP, Martin Hirsch, quitte l'Elysée à Paris le 18 septembre 2018, après la présentation du "plan pour l'hôpital" par le président français.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Covid-19

Invité sur le plateau de C à Vous sur France 5, le mercredi 26 janvier, le directeur de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Martin Hirsch, est revenu sur la question de la gratuité des soins pour les non-vaccinés. Il a déclaré ne pas vouloir "qu'un jour on se dise que les dépenses de santé explosent parce qu'il y a toute une partie de comportements dits "irresponsables" qui remettent en cause la solidarité de tous".

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Martin Hirsch a suscité la polémique en évoquant la possibilité de faire payer les soins pour les non-vaccinés. Que pensez-vous de ses propos ?

Antoine Flahault : Les hôpitaux subissent une tension importante avec peu de répit depuis le début de la pandémie et les directeurs des institutions de santé entendent des remontées de soignants très en colère contre les personnes non vaccinées qui en viennent à saturer les services de santé depuis les urgences jusqu’aux réanimations en passant par les services conventionnels. De nombreux malades atteints d’autres pathologies voient leurs interventions déprogrammées depuis de longs mois. Lorsque l’on voit l’efficacité des vaccins, il est clair que le refus du vaccin aujourd’hui est une négligence coupable qui est en train de priver d’autres patients d’une médecine de qualité dont ils ne peuvent bénéficier en raison des traitements apportés aux patients du Covid non vaccinés. C’est malheureux et cet état de chose est préoccupant. Mais dans ces moments de crise sanitaire, il est plus que jamais nécessaire d’être solidaires et de prendre en charge tous les patients selon les mêmes règles pour tous. En Europe, depuis l’après-guerre nous bénéficions d’un système de sécurité sociale et d’assurance maladie qui protège tous les résidents en leur offrant un accès aux soins de même qualité. Le système assuranciel public français ne donne pas de malus à ceux qui ont des comportements qui peuvent nuire à leur santé. L’accidenté reçoit les mêmes soins aux mêmes coûts qu’il soit la victime fauchée sur le bas côté de la route ou le coupable au volant d’un véhicule en excès de vitesse sous l’emprise de l’alcool. Le traitement d’un cancer du poumon est pris en charge de la même façon chez le fumeur invétéré et chez la personne victime du tabagisme passif causé par son entourage.

Toute notre société est fondée sur ce principe de solidarité qui ne regarde pas l’origine de la maladie et ne porte pas de jugement sur les comportements qui ont pu la causer. Par ailleurs l’épidémiologie sociale et environnementale ont permis de montrer que de nombreuses pathologies que l’on pensait être dues à des comportements de santé étaient en réalité le plus souvent pluri factorielles, liées aux conditions socio-économiques et/ou à un environnement défavorable. L’obésité, le surpoids, l’alcoolisme ou le tabagisme surviennent plus souvent dans les classes sociales défavorisées, moins éduquées, et dans des quartiers difficiles ou des environnements insalubres. Enfin, les personnes non vaccinées ne le sont par refus du vaccin que dans une certaine proportion. Une autre partie d’entre elles sont parfois des personnes étrangères n’ayant pas compris les messages de prévention dans notre langue, ou encore des personnes handicapées physiques ou mentales ou isolées n’ayant pas été atteintes par les campagnes de vaccination. On n’imagine seulement pas leur demander de contribuer financièrement aux soins qu’ils reçoivent en cas de formes graves de Covid. D’autres encore, sans être antivax, ont été influencées par ces mouvements radicaux très présents sur de nombreux médias sociaux et paient un lourd tribut sanitaire à la désinformation. Ce serait plutôt aux désinformateurs à qui l’on pourrait demander des comptes aujourd’hui. Enfin rappelons, qu’en l’absence de vaccination rendue obligatoire par la loi, les personnes non vaccinées ne commettent aucun acte délictueux ou illégal, rendant la base juridique d’un déremboursement des soins très fragile. Dans tous les cas, le règlement des frais médicaux par les patients non vaccinés ne résoudrait en rien le problème de la saturation actuelle des hôpitaux ni celui des déprogrammations des interventions médico-chirurgicales que subissent les autres malades.

Que savons-nous de la part que les non vaccinés occupent dans les hôpitaux et en service de réanimation ?

On sait aujourd’hui que la vaccination avec trois doses réduit de 99% le risque de décès et à 97% le risque d’hospitalisation. En France, par rapport aux non-vaccinés, le taux d'hospitalisation des vaccinés (trois doses) est 20 fois moins élevé chez les 20-39 ans, 14 fois moins élevé chez les 40-59 ans, 10 fois moins élevé chez les 60-79 ans, et 5 fois moins élevé chez les plus de 80 ans (d’après Santé Publique France, au 16/01). Les hôpitaux reçoivent donc aujourd’hui essentiellement des patients non vaccinés ou alors des patients incomplètement vaccinés (par une ou plus rarement par deux doses), ou sinon des patients vaccinés mais immunodéprimés par leur maladie ou leurs traitements ou immunosénescents par leur âge.

Quels seraient les dangers de faire ainsi ce tri de patients sur le plan éthique mais aussi sanitaire ?

Il y a plusieurs risques à vouloir chercher à stigmatiser les personnes non vaccinées au point de ne plus rembourser leurs soins. Le premier est celui de la cohésion sociale qui est un ciment dont notre société a plus besoin que jamais. Nous avons suffisamment d’occasions de clivages créées par cette pandémie pour ne pas en ajouter encore. Le second est un risque de retard aux soins de ces personnes qui pour éviter de débourser des sommes importantes négligeront de se faire soigner à temps avec des conséquences délétères pour leur santé.

Dans la situation actuelle, quelle pression les hôpitaux peuvent-ils encore supporter ?

Nous avons probablement la chance que le variant Omicron soit moins virulent que les précédents et la charge hospitalière, en particulier sur les soins critiques est moins forte. Le système de santé est certes sous tension, et le phénomène est amplifié par l’absentéisme important crée par le virus au sein du personnel soignant, car le niveau d’hospitalisations s’approche désormais de celui des vagues précédentes pour les hospitalisations conventionnelles mais reste encore très inférieur pour les soins critiques. La situation ne devrait pas s’améliorer très rapidement et pourrait même s’aggraver encore pendant le mois de février puis se détendre ensuite.

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