Faire grève, c'est garder la foi dans la capacité d'action des gouvernants<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Europe
Faire grève, c'est garder la foi dans la capacité d'action des gouvernants
©

Tous ensemble ! Tous ensemble ! Hey !

Angleterre, Grèce... les grèves se multiplient en Europe, mais débouchent finalement sur peu de changement politique. Reste qu'en descendant dans la rue, les peuples montrent qu'ils croient encore dans la faculté des gouvernants à faire quelque chose pour lutter contre la crise.

Florent Blanc

Florent Blanc

Florent Blanc est docteur en sciences politiques, diplômé de Sciences-Po Paris et de Northwestern University. En poste à l'École de la paix, il est également chercheur associé à la Chaire Tocqueville d'études de sécurité de l'Université de Louvain.

Voir la bio »

Cet automne 2011 est décidément celui des peuples. Alors que de l'autre côté de la Méditerranée les peuples continuent d'affirmer leur désir de pouvoir enfin peser sur les choix faits en leur nom, du coté européen, après le mouvement des Indignés, ce sont les Grecs depuis plusieurs semaines et les Britanniques depuis mercredi, qui se mobilisent pour faire part de leurs inquiétudes face aux mesures de rigueur annoncées.

La métaphore du corps malade

L'information quotidienne note chaque palpitation des places financières internationales, prend le pouls des analystes des agences de notation, et surveille le rythme des déplacements officiels entre la France et l'Allemagne. La crise de l'automne 2011 voit le retour des discours sur la maladie – celle de l'Europe économique et politique – pour laquelle le diagnostic vital, de l'aveu des cassandres, est déjà engagé. Le politique est donc mis en demeure de trouver, dans l'urgence, les origines des maux de l'Europe et d'y apporter un traitement de choc.

L'argumentaire dominant est classique : puisque le pronostic vital est engagé, le temps du politique doit être raccourci, les décisions prises dans l'urgence et la contestation suspendue. Le corps malade ne pourrait ainsi souffrir de la prise en compte de l'avis de ceux que la saignée risque d'affaiblir plus encore. Vraiment ?

Équation de crise et division du corps social

L'Europe en est là. La chute des gouvernements en Grèce, en Espagne et en Italie rappelle une quête de leadership, dont les options politiques sont annoncées comme limitées. Les discours catastrophiques ont fait émerger une équation simplificatrice : la crise de la dette étant celle des liquidités et des possibilités de crédit, la solution est celle de la cure d'amaigrissement budgétaire à marche forcée. La recette n'est en rien nouvelle mais les gouvernements plaident l'absence de choix alternatif. Vraiment ?

La mise en œuvre d'une telle "pilule" est l'objet de choix : réduction des niches fiscales, annonce de l'augmentation de la cotisation des plus riches (voir l'appel de Warren Buffet), remise en cause du service public, mise au travail forcé des bénéficiaires de prestations sociales, réformes du système de santé publique… La liste est longue, et témoigne d'un processus de division de la société. Il ne serait plus question de "prendre à ceux qui ont déjà trop", mais tout simplement de s'attaquer "à ceux qui ont juste un peu plus". A l'intérieur du panier, les crabes ne s'attaquent pas à la main qui les y a mis, mais à celui qui semble un peu mieux placé pour échapper à une fin inévitable.

Le contrat sociétal d'un avenir meilleur

Alors, puisque les sociétés européennes ne sont pas des paniers de crabes, mais des espaces de dialogue démocratique, les citoyens conservent le droit de protester sur la place publique et même de se mettre en grève.

"Comment osent-ils faire valoir leur droit de grève alors que l'économie est au plus mal et que toute résistance est désormais vaine ?" A ces discours emplis d'une certaine dose de mépris, opposons une interrogation salutaire. Qu'expriment ces mouvements de contestation ? Un sentiment de colère ? Certainement. De crainte ?

Oui, mais avant tout, ces mouvements marquent l'inquiétude d'une rupture d'un contrat sociétal de progrès selon lequel l'avenir d'une société est dans la quête d'une amélioration continue des conditions de vie des individus qui la composent. Quand les plans de rigueur menacent de faire oublier cette idée de progrès partagé, les rues s'emplissent.

Au-delà de son efficacité : la grève comme renforcement du politique

La grève n'apporte pas de solution. Ce n'est pas son but. Par contre elle témoigne, à chaque fois, d'une confiance apportée dans les processus de consultation et de négociation politique. Pour autant qu'elle marque une défiance à l'égard des politiques, qu'elles soient mises en place ou seulement envisagées, l'arrêt de travail et la manifestation publique qui l'accompagne généralement, ne peut qu'être comprise comme une participation politique, et une volonté de trouver une solution commune.

Face aux discours qui font de cette crise de la dette la cause d'une dépossession de la capacité de choix des responsables politiques, les Européens qui choisissent de renoncer à une ou plusieurs journées de rémunération pour manifester leur colère et leur crainte, marquent en réalité leur confiance dans la capacité du politique à trouver une solution qui cherche à éviter le sacrifice des catégories sociales les plus fragiles. Mais qui pourrait le leur reprocher ?

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !