Extrême-droite, écologie, animalisme et véganisme : une histoire -et un présent- bien plus compliqués que ne veut le voir la gauche écolo<!-- --> | Atlantico.fr
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Des militants de l'association Vegan Impact organisent une manifestation contre l'abattage massif d'animaux, devant le Conseil d'Etat, le 1er novembre 2018 à Paris.
Des militants de l'association Vegan Impact organisent une manifestation contre l'abattage massif d'animaux, devant le Conseil d'Etat, le 1er novembre 2018 à Paris.
©FRANCOIS GUILLOT / AFP

Racines idéologiques

La participation du journaliste et militant écologiste Hugo Clément à un débat organisé par Valeurs Actuelles a provoqué un déluge de réactions indignées à gauche.

Drieu Godefridi

Drieu Godefridi est juriste (facultés Saint-Louis-Université de Louvain), philosophe (facultés Saint-Louis-Université de Louvain) et docteur en théorie du droit (Paris IV-Sorbonne).

 
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Atlantico : La participation du journaliste et militant écologiste Hugo Clément à un débat organisé par Valeurs Actuelles a provoqué un déluge de réactions indignées à gauche. Par exemple, Sandrine Rousseau a estimé que "L’écologie ne peut pas être d’extrême droite. L’écologie, c’est la coopération, l’égalité, la solidarité". La gauche oublie-t-elle trop rapidement une partie des racines de l’écologie ?  A quel point a-t-il, historiquement, des discours écologistes à l’extrême droite ?

Drieu Godefridi : Se faire taxer d’extrémisme par Sandrine Rousseau, c’est l’hystérie freudienne en phase critique avec entonnoir sur la tête qui se moque du rhume, mais passons. Les racines de l’écologisme radical plongent, en effet, dans un spectre peu suspect de gauchisme : le romantisme allemand, le malthusianisme anglais, ensuite le national-socialisme allemand, jusqu’aux différentes déclinaisons contemporaines de la ‘deep ecology’, dont l’Américain Paul Ehrlich. Qualifier tout uniment l'écologisme de branche de l’extrême droite serait, bien sûr, tout aussi absurde que l’instituer en douce fleur de la gauche morale. Le vrai, comme j’ai tenté de le montrer dans l’ « Écologisme, nouveau totalitarisme » (Texquis, 2019), est que l’écologisme est une idéologie spécifique, qu’il faut se garder de cantonner dans les catégories et modes des idéologies communiste, fasciste ou socialiste. Ainsi, l’écologisme n'est-elle pas un marxisme, même si elle en partage les méthodes, la haine de l’économie de marché, de la propriété, de la liberté individuelle. L’écologisme se définit d’abord et avant tout comme une idéologie antihumaniste qui, considérant l’homme comme un virus pour son environnement, procède à sa dégradation ontologique — la deuxième chute, en termes bibliques. Cette dégradation de l’homme au niveau de l’amibe, de l’insecte, du virus est sans précédent dans l’histoire occidentale et ouvre la porte au pire, un enfant le voit.

Dans quelle mesure cela continue-t-il d’irriguer idéologiquement une partie de l’extrême droite française et européenne ?

Les théoriciens du national-socialisme allemand vantaient les mérites de la ‘bête aryenne’ face à ce qu’ils considéraient comme la sophistication dépravée du Juif. Le droit national-socialiste fut l’un des premiers à reconnaître des privilèges et capacités proprement juridiques aux animaux. Le malthusianisme est également très en vogue à l’extrême droite du spectre politique, cette idée que la ‘prolifération' de l’humanité menace l’environnement. La surpopulation obsède les extrémistes de droite écologistes, quand tous les indicateurs objectifs indiquent pourtant que l’humanité est entrée dans un redoutable hiver démographique. Dans son ouvrage séminal The Population Bomb, le théoricien écologiste radical américain Paul R. Ehrlich identifie les populations indiennes, pakistanaises à un asphyxiant grouillement d’insectes, à stériliser de force, renouant ainsi avec le racisme radical de Thomas Malthus et des théoriciens écologistes allemands des années trente.

« Il est à noter que près d’1/3 du mouvement Vegan ou animaliste provient du RN / de l’extrême-droite en pointe sur la question. Il n’y va pas uniquement pour évangéliser : c’est une cible primaire, non secondaire » indiquait Nicolas Vanderbiest, PDG de Saper Vedere, sur Twitter. Dans quelle mesure le discours écologiste, animaliste et ou vegan est-il effectivement partagé par une partie de la population susceptible de voter pour l’extrême droite ou s’identifiant comme tel ?

Je suis plus réservé sur ces questions alimentaires. Nombre de nos contemporains posent des choix alimentaires distincts de leurs convictions politiques. Ce qui est propre aux écologistes, est de forcer leurs choix alimentaires sur l’humanité entière — à commencer par le rejet de la viande, qu’ils haïssent et dont tant se gobergent discrètement — quand ils échouent à convaincre. C’est ce geste autoritaire au sens strict qui caractérise l’écologiste, non le contenu en tant que tel du régime alimentaire. Personnellement, je suis un grand amateur de viande, mais il ne me viendrait jamais l’idée de forcer mes goûts et préférences sur autrui. Nombre de mes amis ne mangent que peu ou pas de viande : good for them !

Parmi la part de la population sensible à un ou des discours écologiste, quelle part est proche de l’extrême droite ? Sur quelles thématiques en particulier ? 

Préservation de la nature et protection animale sont des thèmes légitimes qu’il ne faut surtout pas laisser à l’écologisme, dans sa branche gauchiste, folklorique délirante (Sandrine Rousseau) ou fascisante. L’écologie est une science, la science de l’homme dans son environnement. Cette science est légitime, nous devons être à son écoute, car l’articulation de l’homme à son environnement est comme un équilibre instable, qui toujours gagne à de nouvelles adaptations, de nouveaux ajustements. Ce qui caractérise l’écologisme est la soumission de l’Homme à Gaïa, sa dégradation au rang de virus nuisible, à réduire, au besoin par la force. Les auteurs qui, à l’instar de Michel Houellebecq, redoutent et réprouvent à juste titre la soumission de l’homme par l’islam, devraient s’aviser que la soumission de l’homme à Gaïa, par l’écologisme, est encore plus impitoyable, sans rémission, ni pardon.

Pourquoi la gauche feint-elle de ne pas voir les liens d’une certaine partie de l’écologie avec l’extrême droite et donc de la possibilité de tenir un discours écologiste dirigé à une plus forte base électorale ? 

Le gauchisme écologiste se crée de lui-même une vision angélique et pure, à l’antithèse de ce qu’ils se représentent comme l’extrême droite diabolique. Pourtant, à maints égards, leurs convergences de fond avec la droite extrême la plus radicale, sont parfaites : exécration de l’humanité en tant que telle, phobie d’une surpopulation démentie par les données objectives, aversion pour le pluralisme démocratique, mépris de la liberté, volonté de forcer leurs choix idéologiques dans tous les compartiments de l’activité humaine, velléité de contrôler l’individu par tous les moyens disponibles. Les héritiers idéologiques les plus cohérents de l’écologisme national-socialiste, à cet égard, sont les écologistes de l’extrême gauche contemporaine. Ce qui n’est, somme toute, qu’un retour aux affinités historiques des totalitarismes de gauche et de droite au XXème siècle, qui s’embrassèrent follement, unissant leurs forces face à ces démocraties libérales qu’ils abhorraient — le parti communiste français nous en est témoin — avant, bien sûr, que M. Hitler ne se charge de mettre un terme à ce couple fusionnel. En Occident, l’écologisme est le totalitarisme du XXIème siècle.

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