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Nicolas Sarkozy, 
chef pompier de l'Europe
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Au feu !

La crise qui enflamme l'Europe attise la combativité du président français. La preuve : pour éviter toute aggravation de la crise grecque, Nicolas Sarkozy a proposé à ses partenaires européens la mise en place d'un plan d'aide à Athènes, avec notamment des prêts étalés sur 30 ans.

Jean-Thomas Lesueur

Jean-Thomas Lesueur

Titulaire d'un DEA d'histoire moderne (Paris IV Sorbonne), où il a travaillé sur l'émergence de la diplomatie en Europe occidentale à l'époque moderne, Jean-Thomas Lesueur est délégué général de l'Institut Thomas More

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Atlantico : Que pensez-vous de l’action de Nicolas Sarkozy sur la scène européenne ?

Jean-Thomas Lesueur : Nicolas Sarkozy a de grandes qualités de pompier, qui se sont notamment révélées lors des différentes crises européennes de ces dernières années. Il a ainsi été incontestablement efficace tant lors de la crise diplomatique et militaire entre la Géorgie et la Russie que lors des crises financières de 2008 ou celle qui menace aujourd’hui la Grèce et la zone euro. En étant à la manœuvre, il a manifestement réussi à conquérir un leadership auprès de ses partenaires. En revanche, je pense qu’il n’a aucune idée de l’Europe qu’il veut.

Vous pensez donc que Nicolas Sarkozy n’a aucune vision ou idéal européen ?

Oui, on l’a vu très clairement au moment du traité de Lisbonne sur la constitution européenne qu’il a finalement remanié et fait voter par le parlement 2 ans après le non français au référendum sans fondamentalement qu’aucune leçon n’en ait été tirée. L’Europe avance cahin-caha et fait même du surplace. La présidence française de l’Europe de 2008 a été la confirmation de cela, car il s’agit surtout d’une Europe essentiellement intergouvernementale où l’esprit communautaire a à peu près complètement disparu. On peut s’en réjouir ou s’en plaindre, mais c’est un fait. En revanche, l’idée de la construction européenne comme dépassement de la politique française et comme horizon d’enthousiasme et de mobilisation notamment de la jeunesse, est totalement étrangère à Nicolas Sarkozy.


Comment expliquez-vous l’interventionnisme et le volontarisme européens du président français ?

Nicolas Sarkozy n’est pas du tout un intellectuel, un visionnaire ou un conceptuel. Il est un homme qui aime faire et retrousser ses manches. De ce point de vue là, c’est sans doute un pragmatique plus qu’un dogmatique. Mais ce sont d’authentiques qualités quand il s’agit d’éteindre un incendie. Deux exemples sont particulièrement parlant : comme lorsqu’il est directement intervenu lors de la crise géorgienne, en emportant dans ses bagages le président de la Commission européenne Manuel Barroso - alors en vacances – pour se rendre à Moscou. Encore plus flagrantes ont été ses interventions lors de la crise financière de 2008 ou lors de la crise actuelle qui secoue la Grèce et menace la zone euro. Et il sauve les meubles autant que faire se peut, notamment avec l’Europe qui est celle d’aujourd’hui.

L'Europe d'aujourd'hui, justement, connait-elle une simple crise économique ou politique ?

Précisons avant tout qu'il est assez facile pour les analystes comme moi de juger avec le recul nécessaire contrairement aux dirigeants dont le timing n’est pas le même de celui de n’importe quel observateur. En tout cas,il est évident que le travail de réflexion de fond n’a pas été fait sur l’Europe que l’on voulait et sur la structuration européenne que l’on souhaitait. Nous n’avons pas tranché alors que deux versions restent possibles.

Le premier modèle consiste à considérer l’Europe comme un grand espace de libre-échange avec des noyaux avancés, des pays volontaires mais il faut alors préciser que l’idée fédérale est définitivement derrière nous et que la souveraineté politique reste aux mains des Etats, c'est-à-dire que l’on sait où se trouve la souveraineté et qu’il n’y a pas de souveraineté partagée. Dans ce cas là, il faut fermer les institutions de Bruxelles, supprimer les milliers de fonctionnaires et le parlement européen. Il s’agirait donc de la mort de l’idéal d‘intégration. Ce modèle de zone de libre-échange à l’intérieur de laquelle il peut y avoir des pointes avancées, c’est le modèle que les Français appellent le modèle à l’anglaise.

L’autre modèle c’est l’idée fédérale, ce saut qualitatif politique porté par les courants fédéralistes européens depuis 60 ans qui progressent à petits pas mais toujours dans le dos des peuples. Toute la construction européenne s’est faite en réalité de façon a-démocratique sans que les peuples soient réellement consultés, sans qu’on leur explique les implications de ce qu’ils votaient, sans leur dire très clairement vers quel chemin l’Europe se dirigeait. Je pense que cela a largement atteint sa limite quelque part entre le traité de Maastricht et le traité de constitution européenne de 2005. Si l’on veut faire de l’Europe une machine politique et démocratique, il faut s’adresser aux peuples qui doivent avoir le dernier mot. Et c’est cela que l’on ne veut pas entendre et que l’on ne sait pas faire à Bruxelles.



La France peut-elle espérer se faire entendre grâce au porte-voix européen et peser dans les relations internationales ?

Il s’agit d’une vieille idée née bien avant Nicolas Sarkozy, celle d’une Europe devenue substitut de puissance pour la France qui toute seule n’est plus une puissance qui compte. En fait, même si le président français est celui qui parle le plus fort et apporte les solutions au sein du collège européen des 27 pays membres, cela ne fait pas pour autant de la France le pays phare de l’Europe. Regardez lorsque le président américain Obama a demandé il y a quelques jours à l'Europe de mettre de l'ordre dans ses affaires et de ne parler que d'une seule voix...

Qu’en est-il du couple franco-allemand sous la présidence Sarkozy ?

Aujourd’hui à Berlin, Nicolas Sarkozy a l’image d’un agitateur et d’une cigale. Les Allemands sont en fait essentiellement préoccupés par la crise de la dette souveraine en Europe – menaces de la crise en Grèce comme dans la zone euro - où les dimensions politiques et internationales sont moins importantes. Ils attendent de leur partenaire français des signaux forts de remise en ordre de leurs finances publiques parce qu’il s’agirait aujourd’hui du plus grand signal envoyé aux marchés.

Il n’y a qu’un seul bon élève européen et il est allemand. L’Allemagne souhaiterait ainsi que la France, même s’il on est à un an de l’élection présidentielle et c’est là le problème, annonce la baisse de la dépense publique et un plan de quelque 100 milliards d’euros d’économie sur 5 ans par exemple. C’est bien ce qu’on fait les Allemands entre 2003 et 2008 en baissant spectaculairement de plus de 5 points la dépense publique.

Nicolas Sarkozy ne préfère-t-il pas jouer l’unité de façade pour éviter tout risque d’écroulement de l’Europe ?

Je sais pas si l’Europe va s’écrouler, elle est en tout cas indispensable à la survie de l’euro et au maintien de la note triple A de la dette française. Ce n’est pas pour rien que depuis un mois ou deux, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel décident de se montrer ensemble trois fois par semaine ! Je pense qu’aujourd’hui, la solidité de façade du couple franco-allemand sert de réassureur sur les marchés à la dette française : les marché se disent que tant que l’Allemagne semble prêter du crédit à la France, la situation est tenable. Nicolas Sarkozy et les autorités françaises (dont la Banque de France) ont besoin d’envoyer des signaux fussent-ils uniquement de communication qu’il n’existe aucune mésentente entre les deux voisins sur ces sujets-là. Cela est impératif et indispensable.

Il est évident que le couple franco-allemand, même s’il est largement mythifié par les Français reste néanmoins une institution de poids en Europe, et dans la crise que l’on traverse il faut maintenir une unité entre les deux plus gros pays. Mais il ne faudrait pas donner l’impression à nos partenaires que les deux plus gros pays décident pour l‘ensemble des 27 pays membres : c’est toute l’ambiguïté de l’Europe à 27, tout le monde sait que l’on ne peut pas décider à 27 en même temps on s’est fixé des règles du jeu où tout le monde est censé être égal au moins en dignité, peut être pas en % de voix mais en dignité. Oui, il faut écouter Malte et les Lettons, cela chagrine peut être Nicolas Sarkozy, mais il a soutenu ce principe et le traité qui l’institue.

Nicolas Sarkozy peut-il transformer son volontarisme européen en atout de campagne pour 2012 ?

Ca va dépendre de qui il aura en face de lui. Même s’il devrait pouvoir se prévaloir d’une expérience internationale (et surtout européenne) sans commune mesure avec l’adversaire qu’il aura en face de lui, on sait qu’une élection présidentielle dans n’importe quel pays se joue rarement sur les sujets internationaux ; on le voit bien aux Etats-Unis où la campagne va essentiellement aborder les questions nationales comme le chômage et de ce point de vue, les européistes ou les grands partisans de l’UE se leurrent toujours sur l’importance du sujet dans la tête des citoyens. Enfin, l’Europe est importante en ce que je pense que le seul sujet de la présidentielle reste la préservation ou non de la note triple A de la dette française : s’il y a dégradation le lendemain ou dans les jours, semaines ou mois qui suivent l’élection présidentielle, la France peut craindre le pire.

Evidemment je dis que cela sera le sujet de la campagne, mais en réalité ça n’est pas cela qu’on va dire aux gens. Il s’agit véritablement de toute la problématique de la préservation ou non du modèle social français, de faire maigrir l’Etat, de réduire son champ d’intervention, de remettre de l’ordre dans les finances publiques, c’est cela le vrai sujet. Pour le dire autrement, le sujet ne sera pas les finances publiques mais plutôt ce que l’on disait sur l’Alsace entre 1870 et 1918 : « y penser toujours, n’en parler jamais ».

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