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Les eurobonds sont-ils un pis-aller nécessaire pour faire plier l'Allemagne sur le vrai sujet : le rôle de la BCE
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Eurobondissements

Lors de la réunion des chefs d'Etat de l'UE, François Hollande a réussi à imposer le sujet des eurobonds (ou euro-obligations) malgré la réticence d'Angela Merkel. Ne sont-ils pas l'arbre qui cache la forêt et étouffe la thématique majeure de la résolution de la crise de l'euro, à savoir le rôle de la BCE ?

Frédéric  Farah

Frédéric Farah

Frédéric Farah est économiste et enseignant à Paris I Panthéon Sorbonne.

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« Grexit , psychodrachme », les commentateurs de la situation économique actuelle  ou les autorités européennes ne manquent pas d’imagination pour forger des sigles ou  des appellations nouvelles. Mais l’heure n’est pas à la recherche de la bonne formule et l’imagination doit être mise ailleurs pour penser des solutions à la crise. Les bourses paniquent, la bourse de Milan a clôturé hier avec une baisse de 3,6 %, celle de Paris de 2,6  %. L’Euro  reculait par rapport au dollar. La monnaie est politique, entendons bien le politique. Au sens de J Freund le politique est « une instance de la vie sociale à travers laquelle la communauté humaine, défend son identité et affirme son existence collective, détermine  et poursuit des buts communs et résout des conflits ». Deux lignes de front se dessinent : une ligne Allemande qui prône la rigueur, en partie reprise par M Barroso qui est prêt à offrir à Athènes le soutien de  l’UE dans la mesure où les engagements Grecs sont tenus en matière d’assainissement budgétaire.  Madame Merkel a été claire sur le sujet «  les eurobonds n’aident pas la croissance et sont par ailleurs interdits dans les traités européens  qui interdisent la mutualisation des dettes » L’Allemagne offre son refus car elle ne veut pas voir la charge de sa dette alourdie par les autres, et bénéficie de taux d’intérêts favorables. Hier l’émission de  4,5 milliards de titres de la dette allemande à deux ans a fait l’objet d’une ruée et l’emprunt s’est fait à 0% et le rendement de l'obligation allemande à 10 ans (Bund), qui fait référence sur le marché, reculait à 1,363% contre 1,383% mercredi à la clôture. L’Italie à l’inverse a vu en une année les investisseurs étrangers liquider plus de 290 milliards de titres de la dette italienne. Selon l’agence de notation Fitch, ils en  détenaient dans leur portefeuille plus de 800 milliards de titres de la dette  aujourd’hui environ 510 milliards. L’Allemagne risquerait de supporter un taux d’intérêt plus élevé si elle acceptait les eurobonds. En somme, les allemands ne veulent pas supporter une nouvelle asymétrie pour faire profiter aux Etats du sud de l’Europe de la réputation allemande, alors qu’eux devraient supporter la faiblesse d’Etats endettés.

En face, un front composé de la France de l’Espagne et de l’Italie qui milite pour une européanisation des dettes, et souhaite la mise en œuvre de mesures favorables à la croissance comme les « projects bond » censés financer des projets de long terme.

  Le sommet européen d’hier risque au mieux de retarder l’échéance de l’implosion de la zone, mais pas d’apporter de solution durable. Faut-il aller vers les eurobonds ? C’est un pis-aller. Les eurobonds  n’apporteront pas de solution durable aux problèmes de fonds qui affectent la croissance des pays du sud : chômage de masse, compétitivité en berne, endettement  privé très important  en Espagne. A la veille de la crise de 2007, l’Espagne était en matière de déficits et de dettes publiques dans les  normes du Pacte de stabilité, mais son endettement privé s’élevait à plus de 271 % de son PIB. Attention, les eurobonds concernent un endettement public alors que la dette globale d’une nation doit tenir compte des dettes privées  (ménages ,entreprises). Par ailleurs desserrer la contrainte des marchés financiers est certes un pas en avant, mas il ne faudrait pas tomber dans les ornières du passé. La détente monétaire consécutive à la naissance de l’Euro, a permis à la Grèce, à l’Espagne, à l’Espagne de bénéficier de taux d’intérêts équivalents à l’Allemagne,  mais non sans risque comme nous l’avons vu au cours de la crise. les Eurobonds ont pour eux la force du fédéralisme, mais à ce compte, il conviendrait de confier le budget au parlement c’est-à-dire l’initiative en la matière et revoir le budget européen. Mais qui serait partisan du saut fédéral européen aujourd’hui ? Mais existe-t-il un peuple européen ? Les eurobonds, s’ils voient le jour, auront  une force économique certes, mais la force du symbole aussi pour dire que l’Europe existe. C’était certes une hérésie économique que le choix de Kohl d'un ost-mark pour un mark de l’ouest , mais il s’agissait de la réunification.

Le véritable enjeu pour l’heure est de poursuivre l’émancipation de la BCE des statuts qui étaient les siens afin qu’elle devienne non sans risque le garant des dettes des Etats et assumer une politique de change. Pour l’heure  elle évite le risque de système. La BCE utilise un ensemble de mesures non conventionnelles pour assurer la liquidité nécessaire. Dans le jargon bancaire il s’agit ici du LTRO (long term refinancing operation). Ce sont des prêts à long terme d’une durée inhabituelle de 3 ans. La BCE a donc alloué 529 Md€ sous forme de prêt à 3 ans à 800 banques. Avec la première vague du LTRO du mois de décembre, une nouvelle opération au mois de mars a porté à1000 Md€ le montant des liquidités que la BCE a injecté dans le système financier. C'est un montant considérable qui représente 72% du montant total des obligations bancaires qui arrivent à échéance en 2012 et 2013. Le contexte pourrait pousser à une troisième LTRO. Mais cette action de la banque centrale s’est accompagnée d’une action en faveur des dettes publiques, non sans risque, puisque la BCE détient plus de 231 milliards de créances douteuses d’Etats dans son bilan. Elle tendrait à devenir ainsi une bad bank qui recueille des créances pourries. Une évolution qui peut apparaître dangereuse

La vraie question n’est pas seulement dans la mise en oeuvre de pare-feux, aussi importants soient-ils, mais de penser au futur dans deux directions. L’une de court terme en se  rappelant que ce que doit la Grèce a ses créanciers est de l’ordre de 400 milliards d’euros, le refus d’un sauvetage de la Grèce risque d’être beaucoup plus lourd pour l’ensemble de la zone.  Sur le long terme la banque européenne d’investissement doit continuer à jouer un rôle clef pour la croissance.  À la fin de l’année dernière, l’encours des prêts de la BEI s’élevait à près de 395 milliards d’EUR, soit un montant supérieur à l’encours cumulé des prêts de l’ensemble des autres institutions de financement multilatérales. Elle entreprend des actions en faveur des PME et a agi aussi dans la direction de projets  soucieux d’envisager  de promouvoir une «  économie verte ». La BEI a une stratégie face à la crise qui épouse 4 axes soutien aux projets des régions agir dans le sens du développement durable, soutenir les microentreprises et le microfinancement.  L’un des maîtres mots pour demain est l’investissement, banal à dire mais  il convient ne pas l’oublier. L’Union comme le monde fait face à quatre défis à relever : la montée des inégalités, les désordres de la finance mondiale, le défi énergétique et le chômage de masse. Il ne faudrait pas la crise grecque emporte ce projet européen, peut-être est-ce moins la crise que l’acharnement doctrinal et idéologique de certains qui nous conduit vers le fossé.

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