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Été meurtrier : la sud de l’Europe va-t-il faire exploser l’Euro ?
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Lente agonie

La plupart des places financières ont connu hier une journée noire marquée par des inquiétudes sur l'Espagne et la Grèce. Alors que les taux espagnols à 10 ans ont dépassé les 7%, un niveau insoutenable, et que l'euro a chuté en dessous de 1,21 dollar, les marchés craignent-ils que le scénario grec se répète dans la quatrième économie de la zone euro ?

Daniela  Ordonez

Daniela Ordonez

Daniela Ordonez est en charge du suivi des finances publiques et de la problématique de la dette publique en zone euro, des pays d'Amérique latine et d'Europe du Sud (Espagne, Italie, Grèce).

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Atlantico : Lundi, la plupart des places financières internationales, y compris américaines, ont fortement baissé sur fond d'inquiétudes sur l'Espagne et la Grèce. Pourtant, l'Eurogroupe a validé vendredi le plan de sauvetage de 100 milliards d'euros pour aider les banques espagnoles, dont 30 milliards déblocables avant fin juillet. Comment expliquer ce regain d'inquiétudes ?

Daniela Ordonnez : Le plan d’austérité de 65 milliards d’euros sur deux ans et demi annoncé la semaine dernière peut paraître assez ambitieux par rapport à l'évolution de l'environnement économique qui se dégrade de plus en plus, d'autant plus que les nouvelles mesures d'austérité viendraient peser davantage sur la croissance et le taux de chômage. Des questions se posent quant à la crédibilité et le réalisme des conditions imposées par Bruxelles à Madrid.

Autre facteur, il y a toujours un décalage entre la mise en œuvre des décisions prises lors du dernier sommet européen des 28 et 29 juin, notamment en ce qui concerne le refinancement direct par le MES aux banques des pays membres sans avoir à passer par le gouvernement, et l'urgence de la situation des banques espagnoles. Ces mesures ne seront pas opérationnelles avant 2013 au plus tôt.

30 milliards d'euros sont certes disponibles avant fin juillet, mais ce qui importe est la façon dont ces fonds transitenteraient. Si le pays a besoin de ces 30 milliards immédiatement, comme cela risque d'être le cas, ils seraient probablement pris en charge par le gouvernement ce qui pèserait sur la dette publique du pays car les mécanismes qui visent ne pas passer par les pouvoirs publics ne seraient pas encore opérationnels (le MES ne serait pas encore actif, ni le Mécanisme unique de supervision bancaire au niveau européen).

Un autre point important est que si l'on vient à aider l'Espagne, celle-ci ne serait plus en mesure d'apporter sa part de garantie aux mécanismes de soutien européens. Non seulement il faudrait mobiliser des sommes importantes pour soutenir l'Etat espagnol, mais, par ailleurs, les mécanismes européens perdraient  la garantie apportée par la quatrième économie de la zone euro. Il y aurait un effet ciseau.

En outre, l'annonce de la communauté autonome de Valence quant à son besoin d'une aide du gouvernement central pour faire face à ses engagements, a alimenté les inquiétudes. D'autres régions ont également manifesté leur intérêt pour faire appel aux fonds que le gouvernement pourrait mettre en place pour les soutenir. Dans ce contexte, les doutes concernant l'évolution des  finances publiques espagnoles se sont accentués.

Enfin, l'intensification des mouvements sociaux en Espagne viennent mettre un point d’interrogation sur la faisabilité politique d'une telle austérité et la crédibilité du gouvernement Rajoy vis-à-vis de sa propre population.

Le ministre de l'Economie espagnol, Luis de Guindos, a écarté lundi un nouveau plan de sauvetage global estimant que l'Espagne « n'a pas les problèmes d'autres pays secourus ». Alors que les taux obligataires à 10 ans ayant dépassé les 7% hier, les investisseurs craignent-ils que scénario grec se répète en Espagne ?

L'Espagne n'est pas la Grèce que se soit en termes de poids économique ou de crédibilité politique. La Grèce a été caractérisée par une dérive des finances publiques et même la publication de faux chiffres sur les déficits. Les comptes des administrations publiques ont dû être fortement révisés. 

A l'inverse, les finances publiques espagnoles présentaient avant la crise une évolution assez vertueuse, avec une dette publique assez faible et des excédents budgétaires. Les comptes publics espagnols se sont fortement dégradées avec la crise.  Actuellement, même si le gouvernement Rajoy montre un engagement très ferme sur l'ajustement budgétaire, la situation reste extrêmement fragile. La dette est insoutenable avec des taux supérieurs 7%.

Le vice-chancelier allemand, et ministre de l'économie, Philip Rösler, a émis ses doutes concernant la capacité de la Grèce à rester dans la zone euro. « Le gouvernement oscille entre scepticisme, tension et espoir » a même déclaré le porte-parole du gouvernement allemand. Alors que la Troïka (BCE, FMI, UE) revient ce mardi à Athènes pour examiner les modalités les modalités d'un plan d'économies budgétaires de 11,7 milliards d’euros. Berlin, et les députés allemands, perdent-ils patience ?

Ces déclarations ne sont jamais bien accueillies par les marchés et accroissent les tensions et la méfiance vis-à-vis de l'Europe. Ces propos traduisent un sentiment de lassitude qui commence à émerger dans l'environnement politique allemand. Cepedant, il n'est pas certain les Allemands souhaitent réellement expulser ou pousser la Grèce à la porte de la zone euro.

Dans ses déclarations officielles, le gouvernement allemand manifeste son souhait de maintenir la Grèce dans l'Union monétaire. En cas de sortie désordonnée de la Grèce de la zone euro, les risques de contagion demeurent très accrus et inquantifiables. Si la Grèce venait à quitter la zone euro, il s'agirait plutôt d'une décision unilatérale du peuple grec.

Quelles sont les marges de manœuvre ?

Il faut certes rassurer les marchés avec des engagements européens aui assurent la pérennité et la stabilité de l'Union monétaire à moyen et long terme. Mais, à très court terme, seule la BCE est en mesure d'agir immédiatement. Nous sommes dans une situation si dégradée que tout ajustement budgétaire est remis en cause par les marchés du fait de la morosité de la croissance et du chômage élevé en Europe du sud.

La seule institution pouvant soutenir rapidement la croissance, ce qui a déjà été fait en partie avec la baisse des taux directeurs, et de calmer les conditions de financement des Etats, pour qu'ils puissent avoir un peu de répit, reste la Banque centrale.

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