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Photo prise le 01 juillet 2008 de préservatifs dans une pharmacie à Paris.
Photo prise le 01 juillet 2008 de préservatifs dans une pharmacie à Paris.
©BERTRAND GUAY / AFP

Pandémie

Avec la levée des restrictions et après l'impact des confinements, une recrudescence des maladies sexuellement transmissibles est redoutée pour la période estivale.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Avec la fin des restrictions, doit-on craindre une recrudescence des maladies sexuellement transmissibles dont le nombre avait fortement diminué grâce aux confinements ? Les gens prendront-ils moins de précautions ?

Stéphane Gayet : Il faut distinguer les infections à virus du sida VIH des autres infections sexuellement transmissibles (IST).

Avec les infections à VIH, les données épidémiologiques sont entièrement tributaires des actes biologiques de détection, car l’infection reste longtemps asymptomatique. Le graphique ci-dessous est éloquent.

On a observé en mars-avril 2020 (mois du confinement) une forte chute de la détection, beaucoup plus importante que les variations mensuelles habituelles : entre février et avril, le nombre de sérodiagnostics a diminué de 56%, la diminution étant plus marquée chez les hommes (- 66%) que chez les femmes (- 49%). Elle a également été plus marquée chez les plus jeunes ( -62% chez les 15-24 ans) et les plus âgés (- 62% chez les 50 ans et plus). Le nombre de sérodiagnostics a ensuite ré-augmenté en mai et juin, sans atteindre les niveaux observés en début d’année. Mais il faut craindre un déficit global des pratiques de détection pour l’année en raison des difficultés d’accès aux soins.

Avec les autres infections sexuellement transmissibles (IST), les données épidémiologiques sont moins tributaires des actes de détection, car les infections sont rapidement symptomatiques. La tendance avant la CoVid-19 était à l’augmentation d’année en année, comme on le voit ci-dessous.

Le graphique ci-dessous est moins éloquent que celui de l’infection à virus VIH, mais il révèle tout de même une évolution inhabituelle au cours de l’année 2020.

Sur la période mars-mai 2020, une baisse importante de l’activité de détection de ces IST a été observée, notamment au mois d’avril lors du pic épidémique de la CoVid-19, baisse qui n’avait jusque-là jamais été observée à cette période de l’année. Entre février et avril 2020, le nombre de détections réalisées a diminué globalement de 58% (- 61% pour les infections à Chlamydia trachomatis, - 60% pour les infections à gonocoque et - 54% pour la syphilis). Les diminutions ont été plus marquées chez les hommes que chez les femmes, notamment pour la syphilis (- 70% contre - 46%). En juin 2020, une reprise de l’activité de détection de ces trois IST a été observée, avec un volume supérieur à celui de juin 2019 (+ 12%). Cependant, de juillet à août 2020, les volumes de détection ont à nouveau diminué par rapport à ceux de 2019 sur la même période (- 6%). La diminution de l’activité de détection observée de mars à mai 2020 n’a donc pas été compensée par la suite, d’après les données consolidées jusqu’en août 2020. Mais comme pour le VIH, il faut craindre un retard à la détection et à un traitement adapté, avec un risque de circulation augmenté de ces IST.

Atlantico : Alors, doit-on craindre une recrudescence des maladies sexuellement transmissibles ? Les gens prendront-ils moins de précautions ?

Stéphane Gayet : Ce n’est pas du tout certain. Cette longue période d’épidémie CoVid-19 a fortement marqué les esprits et contribué à un climat de méfiance vis-à-vis des agents infectieux d’une manière générale. On a pris de nouvelles habitudes de prévention. On sait que, dans les années qui suivent immédiatement une guerre, il survient une augmentation de l’activité sexuelle précédant une augmentation des naissances. Mais ici, c’est tout à fait différent ; il est probable que ce SARS-CoV-2 ait provoqué chez une grande partie de la population la mise en place d’un réflexe de prévention antimicrobienne.

Atlantico : Quel est actuellement l'état du danger en termes de MST ? Quelles maladies sont les plus courantes ?

Stéphane Gayet : Comme nous l’avons vu, il faut distinguer radicalement l’infection à virus VIH des autres infections sexuellement transmissibles. Car la première ne produit bien souvent aucun symptôme ni signe clinique dans les suites de la contamination, alors que les autres – à part l’hépatite virale B – donnent en général rapidement des symptômes et signes cliniques.

Le tableau ci-dessous montre les différents modes de transmission des principales IST. Il a été réalisé par le Centre hospitalier du Luxembourg (CHL).

Il faut bien séparer les IST à expression génitale (syphilis, herpès génital, papillomavirus humain ou HPV, chlamydia, gonorrhée à gonocoque, trichomonase) de celles à expression extra génitale (hépatite A, hépatite B, hépatite C).

Les symptômes et signes cliniques sont habituellement plus marqués chez l’homme que chez la femme, en raison de l’anatomie des organes génitaux de celui-là (longueur de l’urèthre, pénis, gland, prépuce, prostate, épididyme…).

Il faut savoir que les IST à expression génitale ne guérissent pas spontanément sans traitement, dans la plupart des cas. En l’absence de thérapeutique, il survient souvent une rémission clinique, mais l’évolution se poursuit à bas bruit avec le risque d’un passage à la chronicité et de complications à moyen et long terme.

Atlantico : Une campagne de prévention au sortir de la pandémie serait-elle la bienvenue ?

Stéphane Gayet : Ce n’est pas certain non plus. Depuis mars 2020, on abreuve les Français de messages d’épidémiologie (données statistiques quotidiennes) et de prévention (distance de sécurité, port du masque, lavage ou désinfection des mains). Je pense qu’ils sont un peu saturés de ces messages. Je crains donc qu’ils ne soient pas très réceptifs à une campagne de prévention antimicrobienne, même sur un tout autre plan que celui de la CoVid-19.

Mais qui sait ? On explique doctement les comportements a posteriori, mais on a bien du mal à les prévoir. Cela dit, je crois sincèrement que les Français souhaitent entendre un autre discours ; mais il n’en reste pas moins vrai qu’ils sont probablement devenus à présent plus sensibles à la prévention antimicrobienne, sans qu’il soit nécessaire d’en rajouter.

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