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Et si le projet de réforme du droit du travail n’était qu’un trompe l’œil pour finalement ne rien changer ?
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Editorial

Le texte présenté par la nouvelle ministre Myriam El Khomri, néophyte en la matière, mais entièrement dévouée au chef de l’Etat, a de quoi surprendre.

Michel Garibal

Michel Garibal

Michel Garibal , journaliste, a fait une grande partie de sa carrière à la radio, sur France Inter, et dans la presse écrite, aux Échos et au Figaro Magazine.

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Une fois de plus, François Hollande aura surpris son monde. Après le projet concernant la déchéance de la nationalité, c’est aujourd'hui  le bouleversement envisagé sur le marché du travail qui suscite un tollé et provoque un véritable séisme au sein de la majorité. Il faut dire que le texte présenté par la nouvelle ministre Myriam El Khomri, néophyte en la matière, mais entièrement dévouée au chef de l’Etat, a de quoi surprendre : il introduit une grande flexibilité dans les relations du travail, donne la préférence aux négociations à l’intérieur des entreprises, avec la possibilité du référendum, plafonne les indemnités en matière de licenciements, autorise le recours à des forfaits journaliers dans les PME pour contourner les rigidités de la durée du temps de travail, bref, il prévoit d’accorder au patronat ce que la droite lui avait refusé après 2007. Les syndicats sont déjà vent debout, avant même d’en avoir pris connaissance dans les détails. Ce n’est pas seulement un virage dans la politique sociale, selon eux : c’est un retour à la politique du dix-neuvième siècle, le renoncement à toutes les avancées enregistrées au fil du temps. Et ils ont été particulièrement choqués par ce qu’ils considèrent comme une désinvolture de la part de la ministre qui a affiché son intention de recourir au fameux article 49.3 pour faire passer le projet si elle rencontrait une trop forte opposition au Parlement,  donnant ainsi  le sentiment de traiter avec légèreté la représentation nationale.        

A droite on applaudit, tout en s’étonnant de l’ampleur de la réforme. Certains observateurs se montrent pourtant réservés en rappelant que tout ce qui est excessif est insignifiant et que bien souvent le diable se cache dans les détails. Au demeurant, la ministre a concédé que le texte proposé n’était pas définitif et pouvait être modifié  et l’on peut prévoir une avalanche d’amendements  qui pourraient en vider le contenu.  De plus certaines dispositions pourraient freiner les changements. Ainsi, le contrat de travail en lui-même n’est pas pris en compte puisqu’il est absent de la réforme : sa rigidité demeure donc. Les trente cinq heures sont maintenues dans leur principe et les dérogations susceptibles d’être autorisées supposent des conditions de majorité de la part des syndicats qui peuvent être difficiles à réaliser. Par ailleurs le seuil légal de déclenchement  des heures supplémentaires majorées est maintenu.  Enfin, le texte prévoit une augmentation considérable du volume d’heures de délégation syndicale dans le souci de favoriser le développement de la représentation du personnel et d’encourager la constitution de syndicats là où ils n’existent  pas ou sont très minoritaires.

Une fois de plus, on pose des principes qui se voudraient généreux et devraient faire avancer les choses, mais  en  même  temps, au nom d’un équilibre imaginaire, on prévoit des limites qui sont autant de freins en puissance.  On répond officiellement  à une attente que l’on devine au sein d’une opinion mûre pour la réforme et  qui désespère de la volonté réelle des politiques à faire que cela bouge, car syndicats et élus de la majorité vont se coaliser pour maintenir un système qui leur offre prébendes et rentes de situation. Quand on voit les difficultés rencontrées par la loi Macron pour entrer en application, le peu de résultats dans la pratique des ouvertures de commerce le dimanche, on mesure ce qui pourra advenir du nouveau projet. D'autant qu’il maintient officiellement   certains dogmes qu’il faudrait abattre,  conserve une grande rigidité au système, faute d’avoir un cap clair. Au point que l’on se demande si l’on n’est pas en face d’une réforme en trompe l’œil, uniquement destinée à multiplier les manœuvres de basse politique dont François Hollande est particulièrement friand.

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