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Et Paris redécouvrit l’incroyable opportunité urbaine offerte par cette petite ceinture sombrée dans l’oubli
©Reuters

Attachez votre ceinture

L'axe ferroviaire qui fait le tour de Paris attend depuis quelques décennies d'être réaménagé. Depuis le mois de juillet, la Mairie de Paris a lancé un appel à des projets participatifs. L'avenir de la Petite Ceinture promet d'être grand.

Michel  Carmona

Michel Carmona

Michel Carmona est professeur de géographie émerite de l'université Paris Sorbonne. Passioné de la Ville de Paris, il a soutenu une thèse en 1980 sur le "Grand Paris", ce qui l'a mené à créér et diriger le département d'aménagement et d'urbanisme à Paris IV jusqu'en 2000. Il est auteur de nombreuses biographies sur les grands visionnaires qui ont modifié la Ville de Paris, tels que Gustave Eiffel ou Georges-Eugène Haussmann. Son dernier ouvrage,  Paris : L'histoire d'une capitale de Lutèce au grand Paris, est paru en 2011 aux éditions La Martinière.

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Atlantico : Depuis le 20 juillet, des chantiers participatifs ont été lancés pour aménager certains tronçons de la Petite Ceinture. S’étendant sur 32km autour de Paris, en quoi le réaménagement de l'axe ferroviaire peut-il être considéré comme une opportunité unique ? Quels sont les projets qui vous semblent les plus intéressants ? 

Michel Carmona : Ce réaménagement peut être considéré comme une opportunité pour plusieurs raisons. La première concerne la taille de Paris. Si on la compare aux autres grandes métropoles du monde, on se rend bien vite compte que la densité urbaine est très élevée : sur 100 km2 se pressent près de deux millions d’habitants. Donc pouvoir investir un espace de l’ampleur de la Petite Ceinture est une oportunité évidente pour participer à une "décongestion" de la capitale. La deuxième raison concerne les espaces verts : dans Paris, leur nombre est insuffisant. Les 32kms sont donc pour le moins attrayants. Enfin, la Petite Ceinture est un lieu qui accueille une biodiversité importante, ainsi qu'un grand corridor naturel (zone de passage qui favorise la dissémination et la migration de différentes espèces). L'aspect symbolique de ce regroupement de biodiversité est d'ailleurs assez signifiant puisque la Petite Ceinture est un territoire créé originellement par l’homme, qui a été depuis la fin du XIXème siècle reconquis par la nature ; et aujourd'hui, l'Homme semble s'accommoder de cette conquête.

Quant à la question de l'intérêt des projets, je dirais que tout type de projet est par principe attrayant. Bien qu'ici, il soit nécessaire de considérer le bien-être du voisinage. Il a déjà été question de redonner la fonction de transport à la Petite Ceinture, mais l'idée n'avait pu être concrétisée car les voisins avaient protesté : ils anticipaient les bruits, et tous les troubles que peuvent susciter les animations sociales. Donc concrètement, il faut être lucide : les bars ou les Festivals de musique ne pourront pas voir le jour en très grand nombre, ou de façon permanente. En définitive, ce sont surtout les projets d’espaces verts qui pourront fleurir en paix. A condition, bien sûr, que ces espaces verts ne soient pas envahissants d'un point de vue sonore. Imaginez un peu la construction de terrains de sport, type courts de basket : les voisins feront un carnage encore plus grand que s'il s'agissait de la réouverture de la ligne de transport ! Le bruit d'un ballon qui rebondit sur un sol bétonné est pire que les secousses sonores d'un métro, qui elles, sont au moins régulières. 

Obligation d’une réversibilité des projets pour ne pas compromettre un potentiel usage futur des transports, nuisances pour le voisinage... A quelles difficultés de réalisation les concepteurs de ces projets sont-ils confrontés ?

Je pense que la nature des projets dits participatifs est ancré dans l’air du temps. Et c’est tant mieux, car ils sont la condition de la réussite du projet de réaménagement de la Petite Ceinture. En effet, l'implication d'une pluralité d'acteurs évite qu'un concepteur, ou qu'un urbaniste, penche égoïstement pour la création d'un espace qu'il considère exceptionnel, doté d'une une identité forte, dont il veut qu'on parle pendant des générations. Car alors, il risque d’aller trop loin et de ne pas être assez à l'écoute des attentes des riverains et du public, de manière générale. 

Si l'on critique souvent l'aspect démagogique, ou le risque de retard des projets provoqués par ces ateliers participatifs, j'avancerai l'argument suivant : la Petite Ceinture attend depuis bien longtemps d'être réaménagée, prendre le temps de concerter en profondeur les riverains n'entachera pas le projet. Et puis, pour ce qui est de l'obligation de réversibilité, ce n’est pas une si mauvaise chose. Personne ne semble envisager de construire du dur, des grands immeubles... Conserver le critère d'espace utilisable par la SNCF est une bonne chose ! Quand on a mis en place le tramway sur le boulevard des Maréchaux, c'était pour éviter les nuisances sonores qui auraient pu gêner les riverains de la Petite Ceinture. Mais aujourd'hui, avec toutes les nouvelles technologies, on peut imaginer des transports qui ne produiraient qu’un minimum de bruit.

D'ailleurs, la Petite Ceinture gagnerait à retrouver sa fonction de transport, car cela diminuerait le nombre de camions qui traversent Paris et qui assurent l’approvisionnement quotidien du secteur tertiaire. La Petite Ceinture, avec des moyens écologique et nouveaux complèterait ainsi l'usage que l'on fait de la Seine, qui, elle, n'en fait pas le tour, mais traverse la ville. Et puis la fonction de transport qui se cache derrière ce critère de réversibilité n'empêcherait pas de préserver l’idée de l’espace vert... Donc il s'agit plus d'un grand potentiel que d'une contrainte !

A New York, le projet de réaménagement d'anciennes voies ferrées de métro aériennes a permis de stimuler l'économie locale ainsi que l'immobilier. Quelles pourraient être les conséquences d'un aménagement réussi de la Petite Ceinture à Paris ?

L’aménagement de la Petite Ceinture ne créera surement pas un "boom immobilier" car le parcours est déjà bordé d’immeubles. Ce ne sont sûrement pas les aménagements qui vont, dans les dix années à venir, changer grand-chose. Surtout qu'il n'y a que trop peu d’espaces grands et vides qui pourraient donner lieu à des investissements immobiliers. Néanmoins, le réaménagement de la Petite Ceinture va donner "un plus" indéniable aux quartiers avoisinants : cela va apporter une qualité de vie, une source d’attractivité. Et donc automatiquement, une multiplication d’opérations commerciales, d'installation de bureaux... Aujourd'hui, tout l'enjeu de la Petite Ceinture est de ne pas être associée à une frontière parisienne qui mènerait vers un désert inactif. Le but est qu'elle soit investie et perçue comme un lieu dans lequel il se passe des choses, où l’espace est vert, car cela est source d'attractivité. Et cette dernière est synonyme, dans notre société, de développement économique, et par conséquent, de création de bien-être. 

Propos recueillis par Victoire Barbin Perron

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