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Et le souffle lui revint (enfin) : Fillon est peut-être rigide comme une tringle à rideaux mais c'est sans doute pourquoi il lui arrive d'être droit…
©JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Dans ses bottes

L'ancien Premier ministre a les qualités de ses défauts. On ne va pas s'en plaindre.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Comme beaucoup d'autres, j'ai regardé le premier débat télévisé entre les candidats à la primaire de la droite. Alain Juppé dégageait un ennui distingué et soporifique : son "identité heureuse" est désormais prescrite comme somnifère dans toutes les pharmacies de France. Nicolas Sarkozy était nettement plus vivifiant. Avec lui, c'est toujours stimulant car on ne sait jamais à l'avance ce qu'il va dire : le problème est que lui non plus ne le sait pas… Bruno Le Maire était survolté : on pouvait se demander s'il avait mis du shit, du crack ou de la coke dans son moteur.

François Fillon était, lui, tel qu'on l'a toujours connu. Grave, un peu coincé. Maître d'école sévère à l'ancienne. Chevalier à la triste figure comme Don Quichotte. Le seul qui, à première vue, s'en est bien sorti, c'est un nommé Jean-Frédéric Poisson. Ses propos patelins et sages respiraient le bon sens près de chez nous, bien de chez nous. Tellement bien de chez nous, tellement à l'ancienne, que ce brave bonhomme s'est fendu d'une diatribe contre le lobby juif américain. Ce qui, l'ayant un tout petit peu (je reste modéré) rapproché de Soral et de Dieudonné, l'a un peu éloigné de moi. J'ai des cousines que j'aime beaucoup aux États-Unis, et j'ai bien peur qu'elles fassent partie de l'affreux lobby dénoncé par le bon M. Poisson.

Compte tenu de la qualité de ce débat télévisé, je ne pense pas regarder sa saison 2. Mais j'ai regardé Fillon. Tout seul. Sans ses concurrents. Je l'ai trouvé comme toujours rigide. Genre, il rit quand il se brûle… Mais de cette rigidité est née quelque chose qui s'appelle la dignité. Il était digne, honnête et courageux, que Fillon signe un livre pour dénoncer le fondamentalisme islamique. Dire les choses qui ne se disent pas ou qu'on ne veut pas entendre est en France une idée neuve. J'ai aimé qu'il soit méprisant avec une prétendue humoriste qui entendait clore L'émission politique en se foutant de sa gueule. "Je ne suis pas sûre que votre place soit ici". Les têtes déconfites de David Pujadas et de Léa Salamé faisaient plaisir à voir.

Et puis, il a osé ce que personne n'ose. Avec une déclaration qui mène droit au bûcher. "La France n'est pas coupable d'avoir voulu partager sa culture aux peuples d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du nord. Non, la France n'a pas inventé l'esclavage". Ce disant, François Fillon s'inscrivait dans la droite ligne de Jules Ferry, grand homme de gauche. Le père de l'école laïque, et chantre du colonialisme, avait en effet estimé dans une déclaration restée célèbre, qu'il était du devoir de la France d'apporter sa culture "aux peuples inférieurs". C'était quand même pousser le bouchon un peu loin. Les colonisateurs français n'allaient pas en Afrique seulement avec des livres, mais aussi avec des fouets. Quant à nos curés et nos moines, ils ne se contentaient pas d'évangéliser, sinon la position du missionnaire ne serait pas devenue si célèbre sur le continent africain.

Dans sa déclaration, François Fillon avait lui aussi poussé le bouchon un peu loin. Mais ça fait du bien qu'en réponse à une étouffante avalanche bien-pensante exigeant sans cesse de nous une repentance, on entende quelques propos vigoureux, même s'ils sont exagérés. Comme la télévision veut du pugilat et qu'il était hors de question qu'un Fillon puisse dire librement ce qu'il dit sur l'esclavage, on lui trouva un contradicteur.

En l'occurrence, un certain Elie Domota, qui eut son heure de notoriété quand il organisa en 2009 en Guadeloupe des émeutes anti-blanches parfaitement racistes. Il était donc qualifié – n'est-ce pas ? – pour traiter Fillon de "raciste". La réponse de l'ancien Premier ministre fusa. Sèche et définitive. "L'esclavage n'a pas été l'apanage de la France. Je n'accepte pas qu'on fasse porter à notre pays cette responsabilité. Il faut considérer notre Histoire pour ce qu'elle est, avec ses pages brillantes et ses pages moins brillantes". Voilà. C'était une heure de télévision. Une heure, parfois, c'est bon à prendre…

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