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Eric Zemmour, candidat de droite, oui, candidat libéral, euh...
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Vous avez dit libéral ?

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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Je fais suite à l’article publié hier par h16, blogueur libéral et éditorialiste de Contrepoints, sous le titre « Le dangereux périplaquisme de Zemmour ». Il s’agissait de dire que parallèlement à un certain nombre de constats tout à fait justes sur la bureaucratie française galopante conjuguée à un effondrement spectaculaire du régalien pour assurer la sécurité des Français, le journaliste potentiellement candidat à l’élection présidentielle de 2022 se montrait timide jusqu’à l’incohérence sur la question de principe de restriction des libertés induite par le pass sanitaire :

« Je suis honnête avec les gens, j’ai été vacciné. En plus, j’ai eu le Covid donc je n’ai eu droit qu’à une dose, et j’ai mon pass sanitaire. Et ça ne me dérange pas plus que ça. »

.
Admettant volontiers qu’il fallait se montrer vigilant sur de possibles dérives vers un contrôle social à la chinoise tout en exonérant Emmanuel Macron de « vouloir rentrer dans ce système », Éric Zemmour craint surtout que ce sujet ne vienne « parasiter » son thème central de campagne, à savoir « la survie de la France face à l’invasion migratoire et l’invasion islamiste ». Que la mobilisation des forces de l’ordre pour contrôler le pass sanitaire vienne « parasiter » l’emploi du temps et surtout la pertinence du régalien alors que les coups et blessures volontaires sont en augmentation constante dans notre pays ne semble pas déranger le journaliste plus que ça non plus.

Mais pour bon nombre de commentateurs de l’article cité, arguties de libéraux déconnectés du réel que tout cela ! Il est déjà très bien de trouver un candidat sensible à l’effondrement civilisationnel de la France. Pour le reste, il serait tout simplement impossible, « suicidaire » même, de faire campagne sur l’iniquité du pass sanitaire tant le sujet est devenu à la fois irrationnel et accepté par une vaste majorité de la population. D’abord se faire élire sur son sujet favori, le reste suivra, n’en doutez pas. Simple stratégie électorale.

Vu la faible popularité du libéralisme en France, ce genre de raisonnement bute néanmoins sur le fait qu’on pourrait dire de la même façon que se positionner sur quelque sujet que ce soit avec un angle un tant soit peu libéral serait tout aussi suicidaire politiquement. En déduire que tel ou tel candidat ne le fait pas, mais n’en pense pas moins et agira plus tard avec tout le libéralisme souhaitable, parce que par ailleurs il a exprimé quelques constats et propositions qui plaisent – d’après moi, cette logique relève du pur « wishful thinking ». Une façon d’abandonner ses critères libéraux tout en essayant de se convaincre qu’on fait du libéralisme stratégique.

On connaît par exemple la passion quasi viscérale des Français pour notre modèle social, cet État providence mis en place en 1945 sur la base du programme du Conseil national de la Résistance, un programme totalement collectiviste en raison de la domination des communistes et des socialistes dans ses instances. Selon une grande étude Harris Interactive de 2017, 87 % des Français se disaient attachés à notre modèle social, soit 5 points de plus que lors de la précédente enquête de 2012 ! Ils expriment des craintes sur sa pérennité et son financement mais y voient un marqueur essentiel de l’identité nationale doublé de la certitude que la protection sociale française est meilleure qu’ailleurs.

Dès lors, que penser de la déclaration de M. Zemmour, qui, comme beaucoup de candidats de droite d’ailleurs, n’est pas sans relever les tracasseries bureaucratiques qui assaillent le secteur marchand et la fiscalité délirante qui oppresse particuliers et entreprises, quand il dit à propos de notre système social :

« Je sais très bien que ce modèle social, il est légitime. Vous y tenez et j’y tiens comme à la prunelle de mes yeux. »


Et de proposer ensuite de le « réformer », non pas en brisant les monopoles étatiques et en laissant se développer des systèmes de santé ou de retraite concurrents mieux gérés, mieux adaptés aux divers besoins de la population et indépendants du bon vouloir du pouvoir central, mais par un simple effort de gestion qui, outre un recul de l’âge légal de la retraite de 62 à 64 ans, passerait essentiellement par un changement de bénéficiaires – propositions des plus classiques à droite :

https://www.facebook.com/watch/?v=246461200756496

Comme l’expliquait fort bien Friedrich Hayek qui avait dédicacé sa Route de la servitude« aux socialistes de tous les partis », tout système planifié par le pouvoir englobant de l’État s’adresse à une certaine clientèle, un certain public, qui, favorisé par le pouvoir, assure en retour la pérennité de ce pouvoir. 

En ce domaine, la gauche a ses méritants, à savoir la classe ouvrière remplacée au fil des années par la population immigrée, les femmes et les jeunes selon la recette mise au point par le think tank socialiste Terra Nova en 2011 ; et la droite a les siens : les classes moyennes, les retraités et les catholiques conservateurs, à condition qu’ils soient Français d’ascendance si l’on s’en tient au logiciel zemmourien. Mais dans tous les cas, le système reste contrôlé d’en haut.

Dès lors, comment croire sérieusement que Zemmour envisage le moins du moins de laisser l’État perdre le contrôle de la redistribution de la richesse, lui qui non seulement adore se référer à Bonaparte et à de Gaulle, mais a proclamé mille fois combien il était en phase avec l’idée complètement illibérale que c’est à l’État (fort, de préférence) d’organiser la société selon certaines valeurs contre d’autres ?

Or notre gros problème de prospérité, notre croissance poussive depuis des années, notre pouvoir d’achat stagnant, notre chômage endémique, notre déficit commercial, notre niveau éducatif en chute libre, je dirais même notre déprime en tant que nation – tous ces éléments dont j’ai mille fois dénoncé le caractère inéluctable dans un pays qui se glorifie de tout résoudre par la dépense publique (dont la moitié en dépense sociale), les grands plans industriels et les monopoles étatiques, tous ces éléments qui nous placent systématiquement à la traîne de tous nos voisins comparables les plus performants (et bien moins étatisés) – eh bien, tous ces éléments relèvent moins des abus du système que de l’existence même de cet État providence et stratège coûteux, déresponsabilisant, limitatif en matière de liberté économique et placé hors concurrence.

Conclusion : Éric Zemmour est sans nul doute possible un candidat de droite. De cette droite qui ne compte pas abandonner les avantages de tout piloter d’en haut, l’économique comme le social. Il fait des plans – oui, des plans – exactement comme la gauche extrême ou social-démocrate, mais pour la clientèle classique de la droite, en insistant tout particulièrement sur le clivage entre citoyens nationaux et étrangers. 

Un libéral préférerait de beaucoup qu’il s’intéressât sérieusement à la sécurité des personnes et des biens sur la base des délits effectivement commis – et pas sur la base préalable de l’origine ethnique ou confessionnelle des personnes.

Un libéral préférerait de beaucoup qu’il abandonnât complètement l’idée de rafistoler une fois de plus un système social fossilisant et à bout de souffle – et pourtant il y tient « comme à la prunelle de ses yeux ».

Un libéral aimerait le voir prendre position sur le sujet du pass sanitaire, un sujet crucial dans la façon d’aborder les libertés individuelles – et pourtant ce pass « ne le gêne pas plus que ça ».

Bref. Un libéral ne peut que s’esclaffer en lisant ici ou là que si M. Zemmour adopte un discours parfaitement calibré pour plaire aux nombreux adeptes du pass sanitaire ainsi qu’aux nombreux fans de notre modèle économique et social, il n’agirait en réalité que par pure stratégie électorale pour faire advenir sans le dire un environnement de la plus belle eau libérale. Permettez-moi d’éclater de rire.

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