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Épidémie d’obésité : il n’y a pas que la malbouffe et la pauvreté, d’autres causes viennent d’être identifiées...
©Rick Wilking / Reuters

Apparences trompeuses

De nouvelles études sur le lien entre les inégalités de revenu et l'obésité pointent un facteur sous-estimé jusqu'alors : le stress dû à la précarité. Et comme le stress n'est pas l’apanage des classes défavorisées, il expliquerait en partie les cas d'obésité dans les milieux sociaux aisés.

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard est psychanalyste. Elle est l'auteur du livre Comprendre l'obésité chez Albin Michel, et de Obésité, le poids des mots, les maux du poids chez Calmann-Lévy.

Elle est membre du Think Tank ObésitéS, premier groupe de réflexion français sur la question du surpoids. 

Co-auteur du livre "La femme qui voit de l'autre côté du miroir" chez Eyrolles. 

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Atlantico : Quelles sont les explications traditionnellement avancées pour expliquer l'augmentation de l'obésité chez les populations les plus pauvres ?

Catherine Grangeard :L'explication numéro un, c'est le coût de la nourriture. Lorsque vous comparez les calories grasses et les calories maigres, vous avez tout de suite l'explication. Un kilo de pommes de terre nourrit plus de personnes qu'un kilo d'haricots verts. Les plats les plus sophistiqués vont aussi être plus chers et apporter moins de calories.

La deuxième explication souvent avancée, ce sont les habitudes culturelles de certains milieux sociaux défavorisés qui ont pris l'habitude de sortir là où la nourriture est la moins chère, c'est-à-dire dans les fast food.

De nouvelles études démontrent que le stress généré par la précarité pousse à manger. Pourquoi?

Scientifiquement, c'est prouvé que le stress et l'anxiété poussent à manger, parce que cela calme. Il y a une action chimique de l'apport de nourriture sur le corps. Mais ce phénomène n'est pas réservé aux classes défavorisées, les riches mangent aussi pour soulager leur stress.

Ce qui est plus propre aux populations défavorisées, c'est que quand on se donne à manger, on réussit à faire quelque chose pour soi, ce qui est très difficile lorsqu'on est pauvre, qu'on a pas les clefs pour s'en sortir et qu'on est habitué à subir plus qu'à prendre des décisions, au travail notamment.

Pourquoi le fait d'être pauvre génère-t-il du stress et de l'anxiété ?

Lorsque vous êtes en situation de pauvreté, vous êtes dans une insécurité totale, car ne pas savoir de quoi sera fait demain est extrêmement anxiogène.

Ils n'ont aussi pas les moyens de s'offrir des sas de décompression que d'autres classes plus favorisées peuvent s'offrir, comme de faire du shopping, partir en vacances ou aller au cinéma.

Enfin, il y a un stress généré par la comparaison avec la situation des classes plus favorisées, notamment lorsque les parents ne peuvent pas habiller leur enfant à la dernière mode par exemple, car ils n'en ont pas les moyens, ce qui est la source d'une grande souffrance psychique car c'est un signe visible de pauvreté, et ce d'autant plus que la société pousse sans arrêt à la consommation.

Ces réflexes s'installent-ils dès la petite enfance ?

Bien sûr, tout s'installe dès la petite enfance. L'exemple le plus probant est certainement celui des immigrés, qui importent leur nourriture dans leur pays d'adoption, car cela fait partie intégrante de leur personnalité.

Si ce facteur de stress est si important que cela dans le fait de devenir obèse, cette étude veut-elle dire que tout sujet soumis à situation de fort stress peut aussi devenir obèse ?

Oui bien sûr, il y a plus de cas d'obésité dans les classes pauvres de la société, mais l'obésité touche toutes les classes de population.

Il y a des enfants qui sont issus de milieux privilégiés qui vont trouver refuge dans la nourriture, parce qu'ils ne sont pas sûrs d'eux, qu'ils ne correspondent pas forcément aux attentes des parents, qu'ils n'étaient peut-être pas désirés à la base, ou qu'ils n'arrivent pas à trouver leur place dans leur fratrie, ect.

Il y a aussi la pression des études, de la réussite professionnelle et sociale qui est souvent très forte dans les milieux aisés.

Concernant l'obésité, il y a des grandes tendances et des cas individuels.

Les sociétés qui seraient plus égalitaires génèreraient-elle plus d'obésité ?

C'est sûr que l'argent peut diminuer les risques d'obésité, donc des sociétés plus égalitaires pourraient certainement faire baisser le taux d'obésité.

Mais l'argent ne fait pas tout. Il ne diminue pas les inégalités physiques dans une même fratrie par exemple, ou des soeurs peuvent être plus ou mois jolies, et la moins gâtée par la nature peut compenser son malaise en mangeant et finir obèse, car la différence physique se ressent dès la petite enfance.

Quels sont les autres facteurs qui génèrent de l'obésité ?

- Comme le démontre cette nouvelle étude, le stress est un des facteurs qui peut provoquer l'obésité.

- Il y a aussi toutes les inégalités psychiques dont on vient de parler.

- Les mauvaises habitudes sociales jouent aussi, comme la sur-fréquentation de fast food.

- Les inégalités de revenus aggravent ces trois premiers facteurs, et donc favorise le développement de l'obésité.

- Ensuite, il y a des causes génétiques, qui font que certains vont prendre du poids plus ou moins facilement.

-On sait aussi que le bisphénol A (composant chimique des contenants alimentaires) peut favoriser l'obésité.

Tous ces phénomènes s'articulent les uns aux autres. L'obésité n'est pas une maladie mono factorielle, ce explique pourquoi cette dernière étude est si intéressante : elle permet d'ajouter une clef de compréhension de cette maladie, donc un nouveau facteur sur lequel on peut agir. 

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