Ce que les impôts que vous vous apprêtez à payer vont servir à financer dans le budget 2014<!-- --> | Atlantico.fr
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Comment l’Etat va utiliser son budget 2014
Comment l’Etat va utiliser son budget 2014
©Reuters

Partage du gateau

Les avis d'imposition des contribuables français sont disponibles sur internet depuis ce lundi 11 août. Si 3,7 millions de foyers auront le plaisir de constater un allègement d'impôt, les autres risquent de faire la grimace. Atlantico vous propose un rapide exposé de l'emploi qui sera fait par l'Etat des sommes collectées.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Ce que l'Etat compte collecter, et auprès de qui

Philippe Crevel : En 2014, l’Etat espérait collecter pour près de 300 milliards d’euros d’impôts, soit moins qu’en 2013. Cette baisse s’explique par la montée en puissance du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. C’est le consommateur qui est le principal contributeur de l’Etat en payant la TVA et la Taxe Intérieure sur les Produits Energétiques (TIPE). La TVA pèse 140 milliards d’euros et la TIPE plus de 13 milliards d’euros. Les entreprises contribuent essentiellement à travers l’impôt sur les sociétés qui devrait atteindre, en 2014, 36 milliards d’euros.

Les autres recettes fiscales ne représentent qu’une vingtaine de milliards d’euros. Il s’agit notamment des droits de succession et des droits de mutation.

A cela, il faut ajouter les recettes non fiscales, près de 14 milliards d’euros, dans lesquelles nous trouvons les dividendes versés par les entreprises publiques ou les cessions d’actifs réalisées par l’Etat.

Entre projections et réalité, la part de l'impôt sur le revenu (IR)

Initialement, l’Etat espérait récupérer au titre des revenus de 2013 près de 75 milliards d’euros. Deux éléments vont réduire le montant collecté : la crise qui pèse sur les revenus et les mesures prises par le Gouvernement pour alléger le poids de l’IR sur les contribuables les plus modestes. 3,7 millions de contribuables bénéficient dès cette année d’un allégement. 1,9 million de contribuables sont exonérés et 1,8 bénéficieront d’une réduction pouvant atteindre 700 euros. Le coût de cette mesure est estimé à 1,1 milliard d’euros. Au total, le manque à gagner par rapport aux prévisions pourrait atteindre 4 milliards d’euros. 

La part de l'impôt sur le revenu déjà dépensée sur le budget 2014

Deux tiers des contribuables sont mensualisés. De ce fait, une grande partie des ressources de l’impôt sur le revenu sont collationnées de janvier à octobre. Le solde de paiement pour les contribuables mensualisés intervient sur les derniers mois de l’année. Pour les contribuables qui acquittent l’IR par tiers, les versements interviennent en février, en mai et en septembre. De ce fait, au mois d’août, deux tiers de l’impôt ont été prélevés et ont été, sans nul doute, déjà consommés. L’Etat gère à flux tendu compte tenu du niveau de son déficit qui ne s’est pas réduit au cours du premier semestre 2014.

La part de l'impôt sur le revenu dans le budget de l'Etat

L’impôt sur le revenu représente un peu moins du cinquième du budget de l’Etat. De tout temps, le poids de cet impôt a été relativement faible en France. Néanmoins, il ne faut pas oublier que les ménages français acquittent pour 90 milliards d’euros de CSG qui est un prélèvement proportionnel sur le revenu, prélèvement qui finance les dépenses sociales.

Les autres éléments de fiscalité payés par les ménages

In fine, toute fiscalité pèse sur les ménages. Même les impôts sur les entreprises sont payés par les ménages soit sous forme d’augmentation de prix ou sous forme de moindres salaires ou dividendes.

En plus de l’impôt sur le revenu ou de la TVA, les ménages peuvent être amenés à acquitter l’ISF qui devrait rapporter 5,3 milliards d’euros cette année.

Les quelques milliards d’euros générés par la taxation de l’alcool ou des tabacs bénéficient non pas à l’Etat mais aux régimes sociaux. Il en est de même avec les taxes sur les produits énergisants. Les ménages acquittent les droits de succession et les droits de mutation ; pour ce dernier, une grande partie est reversée aux collectivités locales.

La proportion des recettes fiscales attribuées à chacun des postes de dépenses de l'Etat en 2014

La charge de la dette, c’est-à-dire le paiement des seuls intérêts, s’élève à plus de 46 milliards d’euros en 2014. Par ailleurs, l’Etat devra emprunter plus de 173 milliards d’euros sur les marchés pour financer le déficit de l’année et pour rembourser le capital des emprunts arrivant à terme. Heureusement que l’Etat puisse emprunter à 1,5 %. En effet, cela réduit le poids de la charge de la dette. Une augmentation d’un point des taux d’intérêt entraînerait un surcoût de près de 8 milliards d’euros.

L’éducation reste un des principaux postes de dépenses de l’Etat. Ce dernier consacre plus de 46 milliards d’euros à l’enseignement scolaire. Ce poste continue à augmenter malgré la diminution du nombre d’élèves. La recherche et l’enseignement supérieur bénéficient de près de 26 milliards d’euros de crédits quand la défense, qui est en diminution, reçoit un peu moins de 30 milliards d’euros. En outre, en cours d’exercice, le budget de l’armée fait souvent l’objet d’annulations de crédits ou d’étalements dans le temps appelés régulations. Les dépenses liées à la politique de sécurité intérieure bénéficient d’un peu plus de 12 milliards d’euros. La justice reçoit, de son côté, près de 6 milliards d’euros. Parmi les grands pôles de dépenses figurent évidemment les interventions sociales. La politique de l’emploi et du travail pèse 10 milliards d’euros quand les dépenses de solidarité et d’insertion s’élèvent à 13 milliards d’euros.

L’Etat verse 40 milliards d’euros de pensions pour ses anciens fonctionnaires et plus de 70 milliards d’euros pour ceux étant en activité. Du fait du vieillissement rapide de la fonction publique d’Etat, le poste des pensions tend à augmenter à grande vitesse. D’ici 2040, l’Etat devra trouver 20 milliards d’euros supplémentaires pour acquitter les pensions.

Enfin, que ce soit sous forme de dotation ou de prélèvements sur recettes, les concours aux collectivités locales représentent, en 2014, 100 milliards d’euros. L’Etat a décidé de le réduire.

Rentabilité et évolution de l'impôt en France

Avec un taux de prélèvements obligatoires qui dépasse 46 %, la France est entrée en zone dangereuse d’autant plus que le système fiscal n’a pas fait l’objet de véritables réformes depuis 1959. La dernière grande nouveauté est la CSG en 1991, et encore, cette contribution a été introduite discrètement pour tenter de réduire le déficit des régimes sociaux.

L’impôt efficient n’existe pas. Il est, par nature, destructeur d’activités. Il faut, de ce fait, privilégier les impôts les plus neutres sur un point de vue économique dotés d’assiette large et de taux faibles. La France privilégie, en règle générale, le contraire. Les assiettes sont mitées afin de compenser le haut niveau d’imposition. En outre, les pouvoirs publics godillent en opérant des mouvements de barre en permanence. C’est ainsi qu’après avoir mis en avant l’impôt sur le revenu, François Hollande fait machine arrière en réduisant le nombre de contribuables. Pour compenser les augmentations de charges sociales, les pouvoirs publics ont également décidé de réduire l’impôt sur les sociétés. Or la taxation des bénéfices, en n’interférant pas avec le processus productif, est assez rationnelle et juste. Le poids de l’impôt sur les sociétés est plus élevé au Royaume-Uni, aux Etats-Unis voire en Allemagne qu’en France. Il faudrait surtout modifier le régime des cotisations sociales car avec les exonérations en cascade qui ont été instituées ces vingt dernières années, le système est devenu d’une rare complexité. Les effets de seuil conduisent à geler les évolutions salariales. Le Conseil constitutionnel en annulant les exonérations sur les bas salaires que souhaitait instituer le Gouvernement de Manuel Valls a, à juste titre, souligné que les cotisations n’avaient pas vocation à être un outil de justice sociale. Il serait plus efficace de remplacer les mécanismes d’exonération par un abattement à la base portant sur les 500 premiers euros de revenus et qui s’appliquerait à tous les salariés. Ainsi, il n’y aurait pas d’inégalité de traitement avec, en outre, à la clef, l’introduction d’un système légèrement progressif.

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