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Entreprises : la gauche française est (encore) bloquée à l'époque de la révolution industrielle
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Bonnes feuilles

Quand la gauche et l'entreprise pourront-elles enfin s'entendre ? Insatisfait des mesures mises en place, Olivier Mathiot invite le gouvernement à réviser le manuel de la petite entreprise. Extrait de "La gauche a mal à son entreprise" (1/2).

Olivier Mathiot

Olivier Mathiot

Olivier Mathiot est cofondateur de PriceMinister, désormais filiale française du groupe japonais Rakuten, et un des porteparole du mouvement des « Pigeons ». Il est également un business angel, accompagnant une quinzaine de start-up innovantes, et corédacteur du « Manifeste des entrepreneurs pour un appel à concertation immédiate » qui a recueilli plus de 3 000 signatures adressées à François Hollande.

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L’origine de l’esprit des conquêtes sociales se trouve dans la révolution industrielle, et donc par définition elle est « ouvriériste », ce qui en soi correspondait à une réalité de l’organisation du travail et de l’économie au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, et dont le « fordisme » est emblématique au début du XXe. Les partis de gauche en France ont toujours été divisés entre l’esprit révolutionnaire prolétaire (lutte contre le capitalisme et contre le gouvernement bourgeois qui ne font qu’un) et la participation au gouvernement républicain pour réformer le système de l’intérieur (Cartel des gauches, Front populaire, mai 81). Il ne faut pas oublier que la stratégie de conquête du pouvoir du PS, sous l’impulsion de Mitterrand, repose sur le célèbre « programme commun » de 1972 signé avec le PCF et les radicaux de gauche. Le travail du futur premier Président socialiste de la Ve République a consisté à rassembler la gauche tout entière pendant ces dix années. Alors qu’il est bien de centre gauche, François Mitterrand définit une stratégie de conquête du pouvoir qui repose sur une confrontation manichéenne entre toute la gauche et la droite gaulliste.

Cette tradition d’alliance avec la gauche de la gauche est la colonne vertébrale de l’histoire du PS. Sans monopole de la gauche, les socialistes durent donc accepter de s’allier aux communistes dès 1930. De fait, la gauche socialiste ne peut que maintenir un discours marxiste, une rhétorique anticapitaliste pour assurer l’union, au moins électorale, de la gauche.

Historien respecté des courants politiques et des mouvements intellectuels, Michel Winock souligne : « Tout se passe comme si, depuis sa création en 1905, le PS était un parti social-démocrate qui refusait de dire son nom. [ ...] Cela pour des raisons historiques qui remontent à la Révolution de 1789, mais aussi, dans une période plus récente, aux surenchères révolutionnaires des concurrents du parti socialiste : d’abord la CGT syndicaliste révolutionnaire d’avant 1914, puis le parti communiste, né de la scission du congrès de Tours. [...] Il ne fallait pas être moins socialiste que le frère ennemi. Du même coup, la formule sociale-démocrate du compromis avec la société et l’économie libérale a été durablement rejetée, quand bien même la pratique politique était celle du réformisme. »

Néanmoins, lors du congrès de l’Arche de 1991, Michel Rocard fait accepter l’idée d’« une société solidaire dans une économie de marché », au grand dam des marxistes qui considèrent que « le PS tourne le dos à ses choix fondateurs ». Au congrès de Brest de 1997 est rappelée la nécessité de concilier « les exigences de la démocratie et du marché, de la solidarité et de l’efficacité ». Tout comme Michel Rocard, Lionel Jospin a accepté la social-démocratie et en a fait un programme gouvernemental de 1997 à 2002. Il est bon de se rappeler que le SPD allemand avait viré sa cuti et renoncé à la révolution prolétarienne dès... 1959 !

Si le PS est finalement en train de devenir social-démocrate, il souffre néanmoins d’une opposition interne – que mènent les irréductibles tenants du marxisme – qui empêche la redéfinition de son identité. Congrès après congrès, les dirigeants socialistes préfèrent les motions de synthèse pour regrouper ses membres plutôt que de redéfinir clairement ses objectifs. Assumant la social-démocratie sans en imposer la rigueur dans ses organes, le PS se convulsionne, souffre de crampes idéologiques au moment où on attend de lui de réelles performances, de prendre un bon départ pour le XXIe siècle à venir. L’opposition ouverte et regrettable entre Jean-Marc Ayrault et Arnaud Montebourg au sujet de la nationalisation temporaire d’ArcelorMittal l’a encore prouvé ; puis l’affaire Yahoo/Dailymotion a de nouveau montré les dissensions au sein du gouvernement actuel, entre le même inénarrable Montebourg et Pierre Moscovici. En termes de politique entrepreneuriale, rien de pire que d’envoyer de mauvais signaux, de brouiller les investisseurs ; il faut créer une confiance que seuls une identité, un dialogue et des politiques cohérentes peuvent installer.

Extrait de "La gauche a mal à son entreprise", Olivier Mathiot, (Plon éditions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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