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Enterrement du CAP 22 : mais au fait, qu’avaient fait les pays qui ont inspiré le rapport secret (et réussi à réduire leurs dépenses publiques sans drame) ?
©LOIC VENANCE / AFP

Requiescat in pace

Le rapport CAP 2022 va devoir attendre, le Premier ministre a fait comprendre qu'il n'était plus à l'ordre du jour. Mais au cas où il lui viendrait à l'idée de le ressortir du placard, voilà ce qu'il pourrait donner.

Erwann  Tison

Erwann Tison

Erwann Tison est le directeur des études de l’Institut Sapiens. Macro-économiste de formation et diplômé de la faculté des sciences économiques et de gestion de Strasbourg, il intervient régulièrement dans les médias pour commenter les actualités liées au marché du travail et aux questions de formation. Il dirige les études de l’Institut Sapiens depuis décembre 2017.

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Atlantico : Regrettez-vous que le gouvernement ait choisi de ne pas publier le rapport "Cap 2022" ? A votre avis, comment se fait-il qu'Edouard Philippe ait choisi de ne pas s'emparer de ces propositions, qui semblent pourtant rejoindre l'objectif fixé pour le quinquennat ?

Erwann Tison : Bien évidemment que c’est regrettable tant ce rapport est primordial pour l’indispensable réforme de la fonction publique qui doit se tenir au cours du quinquennat. On ne peut qu’espérer qu’il soit juste mis en « stand-by » pour le moment, et qu’il sera « déterré » à un moment plus propice à sa communication, en dehors de l’été et de la Coupe du Monde, afin qu’il ait plus d’écho dans l’opinion et puisse ainsi nourrir un véritable débat public.

Le Figaro révèle que les auteurs du rapport se sont nettement inspirés des réformes de l'Etat conduites notamment dans certains pays scandinaves ou au Canada. De quelles réformes en particulier ?

Il semble déjà y avoir une volonté de s’attaquer au périmètre global de l’Etat et non réalisé des coups de rabots comme nous avions l’habitude de faire depuis de nombreuses années. C’est en cela que la réforme semble être de grandes ampleurs, pour la première fois en 3 décennies, on s’interroge sur le rôle réel de l’Etat et la pertinence de son intervention dans tel ou tel secteur de notre société.

Le rapport veut reproduire l’exemple Suédois, en ce qui concerne notamment le recrutement des agents publics. Depuis les années 1990 (date du tournant libéral suédois), 90% des recrutements d’agents publics se sont fait sur des contrats de droits privés, par le biais d’agences gouvernementales. De même, les régimes spéciaux ont été abolis. La Suède a également développé 343 agences gouvernementales, ayant chacune un ministère de tutelle, et dotée d’un budget propre, qui sont chargées la politique du gouvernement. Ces réformes ont notamment permis à la Suède de diminuer ses dépenses publiques de plus de 15 points de PIB. La volonté française d’assouplir le statut de fonctionnaire et de remplacer certains ministères par des agences publiques est un mimétisme du modèle suédois.

En ce qui concerne le Canada, c’est le volet rémunération à la performance qu’il est ici suggéré de copier. En adoptant des stratégies managériales innovantes et des rémunérations au mérite, la fonction publique canadienne a pu attirer de nombreux talents du secteur privé et moderniser profondément son action.

Et plus précisément, la France doit-elle prendre exemple sur les réformes du statut des fonctionnaires dans ces pays ? Faut-il supprimer "l'exception française" du statut de la fonction publique ?

Le rapport semble sous-entendre qu’il faut mettre fin à cette exception qui est bien trop rigide. Les actifs d’aujourd’hui connaissent en moyenne 5 entreprises durant leur carrière, il est normal que les agents publics puissent également évoluer dans d’autres sphères. Le fait de supprimer le statut permet d’avoir plus de liberté et de flexibilité dans l’approche de la fonction publique, tout en diminuant efficacement la dépense publique. Est-il pertinent qu’un Community manager dans une administration publique jouisse de l’emploi à vie ? Personnellement je ne pense pas. Le statut doit être supprimé, excepté pour les missions régaliennes de l’Etat, qui pour la plupart n’y ont pas accès (les militaires sont sous CDD par exemple).

S'agit-il seulement de faire des économies ? Ou, au-delà de la trajectoire budgétaire, de refonder complètement notre modèle d'action publique ?

On est au-delà de la nécessité de faire simplement des économies budgétaires. Bien entendu que dans un Etat endetté à hauteur de 100% de son PIB, il est primordial de faire de réduire la dépense publique. Mais le simple coup de rabot ne fonctionne plus. Pire, il n’est pas compris par les citoyens, comme en témoigne l’échec de la communication autour de la réduction de 5€ des APL. Il faut repenser le périmètre d’action de l’Etat, choisir les missions qu’il doit absolument réaliser et celles qu’il peut se permettre d’externaliser auprès du secteur privé. Cela sous-entend de ne pas confondre fonction publique et service public. Un fournisseur d’accès à internet rend un service public et pour autant il appartient au secteur privé. Un transfert de compétences du public vers le privé doit être opéré en bonne intelligence pour rationaliser l’action de l’Etat !

Une fois encore, il est question de réforme territoriale, et de suppression des doublons entre l'Etat et les collectivités. Il reste donc encore des réformes à faire dans ce domaine ?

On est très loin du compte ! La loi NOTRE qui était censé corrigé ces doublons n’a fait au contraire que les accentuer. On a le don en France pour empiler les strates administratives incompréhensibles. Il n’est pas étonnant qu’un de nos desserts préférés soit le mille-feuilles. Il est temps d'en finir avec ces doublons, on gagnerait en efficacité à le faire. Mais cela sous entend aussi de déposséder certaines administrations de leurs prérogatives. Et cela, c'est une autre paire de manche.

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