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Comme Premier ministre, Chirac ne choisit ni Sarkozy "immature" ni Juppé, encore empêtré dans des soucis judiciaires, mais Raffarin, l'homme du consensus
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Bonnes feuilles

La relation entre Nicolas Sarkozy et Alain Juppé est faite de déchirements et de retrouvailles : unis pour la défense de Chirac contre le tandem Pasqua-Séguin, ennemis pour la présidentielle de 1995 lors de l'affrontement Chirac-Balladur, à couteaux tirés après la dissolution ratée de 1997, réunis à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Extrait de "Ennemis de trente ans" d'Anita Hausser et Olivier Biscaye, aux éditions du Moment 2/2

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Olivier Biscaye

Olivier Biscaye

Ancien directeur des rédactions du Groupe Nice-matin et Var-matin de 2009 à 2014, Olivier Biscaye, 38 ans, a occupé des fonctions de rédacteur en chef en presse quotidienne et hebdomadaire de 2003 à 2008. Journaliste politique, il a collaboré, animé et coanimé des émissions d'entretiens à la radio et à la télévision. Il a écrit la première biographie consacrée à Bruno Le Maire (Bruno Le Maire, l'insoumis, Editions du Moment, 2015).

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En 2001, Alain Lambert se prend à rêver de les réconcilier. Le sénateur, plutôt sarkozyste, envisage de les réunir chez lui, dans l’Orne. "Il était temps de rabibocher chiraquiens et balladuriens et de mettre un terme à cette guerre avant la présidentielle de 2002. Nicolas et Alain n’étaient pas de la même génération mais le plus important restait qu’ils travaillent ensemble. Loin d’être incompatibles, ils ont surtout une approche de la vie un peu différente". La rencontre n’aura pas lieu. Pour Sarkozy, "Alain n’a pas changé", et pour Juppé, "ça ne servira à rien". Cette même année, l’avenir des deux hommes est au centre d’une discussion entre Jacques Chirac et Alain Lambert à l’Élysée. Le Président interroge ce dernier sur 2002 et l’après-présidentielle, sur le profil du premier chef de gouvernement du quinquennat en cas de victoire de la droite. "J’évoque très naturellement Alain Juppé. Pour Chirac, c’est trop tôt, il doit attendre, la justice ne s’est pas encore prononcée. Je glisse alors le nom de Nicolas Sarkozy, que je trouve pertinent. Le président juge l’hypothèse tout à fait impossible. “Il est immature. Si je lui propose le poste de Premier ministre, je vais être obligé de le remettre dans l’axe constamment".

Quelques mois plus tard, au moment de la réélection de Jacques Chirac, Antoine Rufenacht, maire du Havre et directeur de campagne du président, lui conseille Jean-Pierre Raffarin. "J’avais pris un petit déjeuner avec Sarkozy quelques jours plus tôt au Bristol, se souvient Rufenacht. Il est arrivé avec une suite de Premier ministre, précédé de motards et d’une voiture de police. Il avait prévenu le ministère de l’Intérieur qu’il allait être nommé Premier ministre !" Le nom de Nicolas Sarkozy a réellement circulé tout au long de la campagne. "Ça sera Neuilly ou Matignon", déclarait-il régulièrement à la presse. Le secrétaire général de l’Élysée Dominique de Villepin lui a demandé de rédiger une note sur ses cent premiers jours. Il fera de même auprès de Jean-Pierre Raffarin et Philippe Douste-Blazy. De retour au premier plan, Sarkozy n’a d’ailleurs pas ménagé sa peine pour vanter le "projet audacieux de Jacques Chirac", appelant la droite à "un devoir d’unité". Son avenir, il le voit au gouvernement et à sa tête. Mais Chirac ne parvient pas à s’y résoudre. Trop tôt, trop dur. Quand Bernard Pons invite Nicolas Sarkozy à intervenir lors d’une rencontre de l’association des Amis de Jacques Chirac dont il est le président, le chef de l’État explose. "En clôturant le dîner à la tribune, j’ai indiqué que Nicolas avait un destin national. À quelques mois de la présidentielle, ce n’est pas forcément très bien passé du côté de l’Élysée."

La présence de Jean-Marie Le Pen au second tour et l’élimination de Lionel Jospin vont redistribuer les cartes. L’ampleur de la mobilisation contre le FN conduit Chirac à offrir Matignon à un ténor qui n’est pas issu du RPR. L’heure est au rassemblement de la droite et de ses chapelles.

Consensus et élargissement guideront le choix du chef de l’État.

Ce sera donc Jean-Pierre Raffarin. Une décision qui a les faveurs de Jérôme Monod et d’Alain Juppé, soutien ardent de l’homme du Poitou. Tous deux sont également convaincus que l’avenir de la droite passera par la création d’un parti unique. "C’était l’obsession de Chirac", assure Bernard Pons, totalement opposé au principe. "Mon second gros clash avec Chirac et notre rupture définitive…"

Depuis un an, le tandem Juppé-Monod travaille au lancement de l’UEM, autrement dit l’Union en mouvement. Une façon de prendre de vitesse Édouard Balladur et son idée de "confédération de la droite" qu’il défend depuis quelques années. Balladur n’a pas écarté l’hypothèse de devenir le patron de la droite. En 2000, il plaide d’ailleurs pour la "fusion pure et simple de l'ensemble des partis de la droite et du centre" en proposant l'UPR ou l'Union pour la réforme. L’ancien Premier ministre a tout programmé, les statuts sont rédigés et l’équipe, prête à se mettre en place… Refus catégorique du camp Chirac qui multiplie et accélère les appels au rassemblement "pour un nouveau contrat politique".

En première ligne, de jeunes députés, Renaud Dutreil (UDF), Hervé Gaymard (RPR), Dominique Bussereau (DL), sous l’œil attentif des vieux briscards. La volonté de Chirac fera le reste. Jérôme Monod raconte : "En juin 2000, le président rencontre les parlementaires des trois grandes formations de la majorité qu’il avait reçus séparément sur les terrasses de La Samaritaine. Il cite alors Gengis Khan s’adressant aux tribus qu’il menait en campagne : “Séparés comme dans un carquois, flèche par flèche, vous n’êtes rien. Réunis dans un faisceau serré, personne ne pourra vous briser.”" Plus prosaïquement : "Bâtir l’unité d’une nouvelle majorité et faire revenir un à un tous ceux qui s’étaient éloignés." Soit.

Mais l’UEM, bientôt UMP, c’est surtout une belle rampe de lancement dont l’intérêt n’a échappé à personne dans la perspective de la présidentielle de 2007. À personne… Ni à Alain qui est sur les rangs pour en prendre la présidence, ni à Nicolas nommé place Beauvau.

Extrait de "Ennemis de trente ans" d'Anita Hausser et Olivier Biscaye, publié aux éditions du Moment, avril 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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