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Enfants délinquants : quelle peut être la réponse de la justice face au défaut d'autorité des parents ?
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Une bonne fessée et puis voilà

Quatre familles ont été expulsées de leur logement le 11 janvier au motif que leurs enfants vendaient de la drogue et nuisaient au voisinage. Face au manque d'autorité des parents, les services sociaux, la justice et l'Education nationale devraient collaborer davantage.

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris est délégué-général de l’Institut pour la Justice.

 

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Atlantico : Quatre familles ont été expulsées de leur logement social d'une cité de Boulogne-Billancourt vendredi 11 janvier, au motif que leurs enfants sont des dealers et "empoisonnaient la vie de toute une résidence" selon l'AFP. En 2010, les enfants de ces familles avaient déjà été condamnés. L'office HLM, qui avait fait cette demande d'expulsion, a indiqué au quotidien Le Monde que ce genre de décision était "fréquente". Dans ce cas, les familles sont expulsées car elles n'empêchent pas leurs enfants de commettre des actes de délinquance. Quelles peuvent être les réponses de la justice face au manque d'autorité des parents ?

Alexandre Giuglaris : Au terme de longues années de procédure, la responsabilité des titulaires du bail, celles des familles en question, a été retenue par la Cour d'Appel de Versailles, au nom du "trouble de jouissance". Le bail sera donc résilié et leur expulsion possible, une fois la trêve hivernale suspendue.

Ce "trouble de jouissance", issu de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989, impose à tout locataire, dans cette affaire les parents des délinquants, "d'user paisiblement des locaux loués". Ce n'est manifestement pas le cas de ces locataires puisque les magistrats de la cour énumèrent de nombreux avertissements à destination des locataires, des rapports de gardiennage et des mains courantes pour de très nombreux faits : attroupements dans les halls (interdits par la loi), caves converties en laboratoires, pressions sur les plus jeunes du quartier pour qu'ils travaillent pour les dealers ou planquent de la drogue. Et il y a tout le reste, les incivilités, les allées et venues liés aux trafics, les dégradations... Les magistrats ont évoqué un "enfer quotidien" lié à ces trafics !

Par ailleurs, l'Union sociale pour l'habitat a précisé que les expulsions en logement HLM pour troubles de jouissance sont très rares (autour de 300 cas par an). On s'interroge moins sur les expulsions liées aux impayés qu'à celles liées à cette affaire. Pourtant, la dégradation des conditions de vie dans certains quartiers et la création de véritable zones de non droit mises en coupe réglée par les trafiquants de drogues pourrissent bien plus la vie des habitants. Avec cette décision, on responsabilise les familles et on prend enfin en compte la vie des autres locataires qui n'ont pas à subir ces comportements, notamment dans les logements sociaux.

Juridiquement les parents sont-ils responsables des "fautes" de leurs enfants ? La loi est-elle toujours appliquée ?

Lors de notre dernier colloque, le Professeur André Varinard, lui-même auteur d'un rapport important sur cette question, avait souligné que la justice des mineurs avait fait l'objet de près de 40 réformes depuis 1945. Pourtant, la délinquance des mineurs n'a cessé d'augmenter avec par exemple une augmentation de 575% des violences commises par les mineurs depuis 1990 !

Dès lors, se pose la question de la responsabilité des parents ne doit pas être écartée et est d'ailleurs reconnue. Pour sa part, la responsabilité pénale des mineurs est encadrée par l'ordonnance de 1945 qui a instauré différents paliers d'âge correspondant à des niveaux de responsabilité pénale. Ce sont ces niveaux qui peuvent aujourd'hui être discutés au vu des changements de comportement des mineurs délinquants. 

Mais pour rappel, dans la chambre de l'un des malfaiteurs en question, on avait retrouvé 1,3 kg de résine de cannabis, des livres de comptes et une compteuse à billets. La question de l'aveuglement familial ou de la démission des familles se posent donc.

Les peines contre les mineurs diminuent-elles l'autorité des parents ?

Ces peines viennent surtout, le plus souvent, suppléer aux carences parentales. La question de la responsabilité parentale est relancée avec cette affaire.

Hasard des calendriers, le gouvernement veut faire supprimer cette semaine la loi Ciotti, sur les contrats de responsabilisation des parents en cas d'absentéisme scolaire, qui permettait, en cas ultime, la suspension des allocations familiales. Instrument de prévention de la délinquance, ces contrats prévoyaient que les parents d'enfants absentéistes suivent des parcours de formation pour mieux élever leurs enfants et les surveiller.

Après les annonces sur la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs récidivistes de 16 à 18 ans, la remise en cause des centres éducatifs fermés par Christiane Taubira, cette nouvelle mesure ne va pas dans le bon sens. Il faut sans doute aider les parents qui ont des difficultés à élever leurs enfants et il y en a mais il faut également sanctionner ceux qui démissionnent ou ne veulent pas assumer leur autorité. La société n'a pas à payer les conséquences de l'absence de responsabilité des certains parents.

Comment la justice peut-elle aider les parents à avoir de l'autorité sur leurs enfants ?

Lorsque la Justice intervient, c'est souvent qu'il est déjà un peu tard... En particulier pour les mineurs délinquants récidivistes. Néanmoins, des dispositifs comme celui que je viens d'évoquer sur la sanction de l'absentéisme scolaire, dans son volet formation parentale, avait un intérêt.

D'autres dispositifs existent, pas seulement dans la justice, notamment les Conseils des droits et des devoirs des familles ou d'autres encore. Ils doivent agir en lien avec l'Education nationale, sachant que le primat éducatif est la ligne directrice de l'ordonnance de 1945. Ce qui peut d'ailleurs être interrogé à un certain âge...

Parmi les dispositifs existants, il y a les stages de parentalité. Sans doute certaines familles ont-elles besoin d'être accompagnées. Mais la justice, les services sociaux et l'Education nationale devraient aussi mieux collaborer dans la détection précoce des comportements suspects, violents ou à risques et ce dès le plus jeune âge. Ainsi, on détecterait mieux les mineurs maltraités, en difficulté ou parfois déjà violents. Ce sont souvent les premières causes d'un futur comportement délinquant.

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