En s'aliénant le vote des femmes, Donald Trump pourrait bien avoir franchi le seuil fatal à ses chances de victoire finale<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
En s'aliénant le vote des femmes, Donald Trump pourrait bien avoir franchi le seuil fatal à ses chances de victoire finale
©Reuters

La goutte d’eau

Entre ses attaques misogynes, ses propos sur l’avortement et l'inculpation de son directeur de campagne pour violences contre une journaliste, Donald Trump est en train de perdre les électrices américaines, ce qui pourrait bien cette fois lui coûter la Maison blanche.

Yannick Mireur

Yannick Mireur

Yannick Mireur est l’auteur de deux essais sur la société et la politique américaines (Après Bush: Pourquoi l'Amérique ne changera pas, 2008, préface de Hubert Védrine, Le monde d’Obama, 2011). Il fut le fondateur et rédacteur en chef de Politique Américaine, revue française de référence sur les Etats-Unis, et intervient régulièrement dans les médias sur les questions américaines. Son dernier ouvrage, Hausser le ton !, porte sur le débat public français (2014).

Voir la bio »

Atlantico : Entre ses attaques misogynes - contre Hillary Clinton, Megyn Kelly la journaliste de Fox News ou la femme de Ted Cruz - ses propos sur l’avortement et l'inculpation de son directeur de campagne pour violences contre une journaliste, Donald Trump prend le risque de susciter le rejet de nombreuses femmes aux Etats-Unis. Comment est-il perçu par les femmes américaines à l’heure actuelle ?

Yannick Mireur : Les ¾ des femmes aux Etas-Unis se détournent de Donald Trump sans ambiguïté, les ¾ ! Elles n’étaient déjà pas au cœur de son socle électoral, constitué d’hommes blancs des classes populaires et moyennes lassés de la dégradation ou de la stagnation de leur condition économique et peu enthousiastes concernant l’intello noir qui siège au Bureau ovale. Or les propos de Donald Trump continuent d’en faire un épouvantail pour les femmes, dont la participation électorale est en général supérieure à celle des hommes… Au sein du GOP, dont 58% des sympathisants selon un sondage de NBC du 30 mars, disent n’avoir pas de problème avec Donald Trump, les choses sont nuancées, mais son attitude est étrange car il s’interdit un soutien qu’il aurait pu gagner face une Clinton qui ne fait pas l’unanimité parmi les femmes. 

Y a-t-il un électorat féminin en tant que tel aux Etats-Unis ? Autrement dit, le sexe de l’électeur a-t-il un réel impact sur la manière dont il vote ? Ou les facteurs sociaux, raciaux, idéologiques, et partisans l’emportent dans l’isoloir ?

Aux Etats-Unis comme ailleurs, les femmes sont plus sensibles à certains sujets comme la santé ou l’éducation, et au réalisme des candidats d’une façon générale. Le genre se croise avec les autres facteurs que vous décrivez sans les supplanter. En temps normal du moins, car Donald Trump pourrait faire mentir cette analyse en stigmatisant ainsi une partie de l’électorat, pour un résultat incertain compte tenu du fait que l’investiture n’est pas encore gagnée pour lui.   

Une image très négative de Trump chez les femmes est-elle donc susceptible d’entraîner un vote sanction massif de leur part, dépassant les clivages partisans ? Que risque-t-il politiquement à tenir des propos sexistes ?

On y est déjà ! ¾ qui se déclarent contre lui, c’est massif, alors que son style direct, lorsqu’il dit qu’une femme à la hauteur vaut dix hommes par exemple, pourrait lui attirer de la sympathie. Ce qu’il risque, c’est de s’aliéner un électorat capital pour l’investiture. Cela fait partie du caractère et du style du personnage. Son côté franc-tireur et homme de spectacle touche un public désespéré de la politique et des candidats sans charisme, mais dans le cas d’espèce il se retourne contre lui.

A chaque fois que Donald Trump a été outrancier par le passé (sur les musulmans, sur les armes, sur mexicains, sur ses concurrents etc.) on a constaté que la dénonciation unanime de ses propos n’a jamais entamé sa popularité, voire que sa popularité a augmenté. Pourquoi cela pourrait-t-il être différent cette fois-ci ?

Candidat de rupture, non issu de la politique, Donald Trump a surfé sur la vague du mécontentement général d’une large partie de l’opinion US et offert un exutoire. C‘est pour cela qu’il a gagné en popularité. Il a dit ce que beaucoup pensaient tout bas. Mais il n’y avait pas d’enjeu de voix – les Noirs votent massivement démocrates et les Latinos très largement aussi. Donald Trump a donc voulu capitaliser sur le ras-le-bol des Blancs qui sont encore la majorité des Américains et qui ont façonné le pays, sa culture et ses institutions. Sa stratégie était celle de l’émotion. Il s‘agissait de taper fort pour assoir un socle. Avec les femmes, il commet une erreur. Il oublie qu’au sein des foyers leur influence peut lui coûter bien des voix. L’ironie est que son comportement aboutira probablement à l’élection d’une femme. Le phénomène Trump, et les ressorts cassés du GOP qui lui ont permis d’émerger, sont la grande chance de Clinton, candidate médiocre mais qui devrait succéder à Obama par défaut.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !