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Des manifestants demandent des actions pour lutter contre le changement climatique en marge du congrès de l'Union internationale pour la conservation de la nature à Marseille, le 3 septembre 2021
Des manifestants demandent des actions pour lutter contre le changement climatique en marge du congrès de l'Union internationale pour la conservation de la nature à Marseille, le 3 septembre 2021
©CHRISTOPHE SIMON / AFP

Bonnes feuilles

Ferghane Azihari publie « Les Ecologistes contre la modernité. Le procès de Prométhée » aux Presse de la Cité. Voilà deux siècles que la civilisation industrielle libère les hommes de la misère. Mais les apôtres de l'écologie radicale accusent les sociétés modernes d'avoir acheté leur confort au détriment de l'environnement, quitte à dépeindre le passé comme le paradis perdu qu'il n'a jamais été. Extrait 1/2.

Ferghane Azihari

Ferghane Azihari

Ferghane Azihari est journaliste et analyste indépendant spécialisé dans les politiques publiques. Il est membre du réseau European students for Liberty et Young Voices, et collabore régulièrement avec divers médias et think tanks libéraux français et américains.

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Les écologistes entretiennent avec la dictature une relation ambiguë. La conviction que l’anthropisation du monde est criminelle et nous dirige vers l’apocalypse légitime en effet toutes sortes de mesures répressives contre les sociétés modernes.

« La montée de l’autoritarisme est inévitable », dit Dennis Meadows, coauteur du rapport de 1972 sur les limites de la croissance, qui a brillé par ses prévisions incorrectes (voir chapitre  4). Autre critique de la société industrielle, Hans Jonas réclame une « tyrannie bienveillante » pour la contenir. La politique chinoise de l’enfant unique est un exemple des crimes qu’inspire le mythe de la surpopulation. Pourtant, les écologistes « modérés » jurent qu’ils s’insèrent dans la démocratie et appellent à la radicaliser, ce qui ne dit rien de la nature plus ou moins criminelle des mesures que la majorité adopterait. On soupçonne les critiques du despotisme de l’homme sur la nature de ne voir dans la démocratie directe qu’un moyen de rendre le despotisme de l’homme sur l’homme plus acceptable. Cela rejoindrait l’observation de Bertrand de Jouvenel : exaltées par le nombre, les masses pratiquent le despotisme avec moins de remords que les monarques.

A l’exception de Henry David Thoreau, qui ne prêchait que la simplicité volontaire, tous les penseurs hostiles à l’ère moderne assument leur hostilité envers le libéralisme, soit la philosophie qui proclame le droit des individus de disposer librement de leur personne et de leurs biens selon un principe de réciprocité. L’illibéralisme des écologistes ne cesse de leur inspirer des mesures autoritaires. En 1968, Paul Ehrlich proposait des mesures contraignantes pour contrôler les naissances si le consentement populaire ne suffisait pas. Il suggérait de stériliser les gens à leur insu en empoisonnant les sources d’eau. Paul Watson, cofondateur de Greenpeace, a écrit qu’il fallait mettre en œuvre une « thérapie invasive » pour ramener la population humaine en dessous d’1 milliard. Simples brebis galeuses égarées au sein d’un mouvement bienveillant ? L’ancien ministre français de l’Environnement, Yves Cochet, sort de son chapeau le même optimum démographique, sans toutefois nous dire comment l’atteindre. Arne Næss, l’un des pères de l’écologie profonde, évoque 100  millions d’habitants. Préoccupés par la démographie, Pablo Servigne et Raphaël Stevens écrivent : « Pour l’instant, les rares tentatives de réduction volontaire de la population et de la consommation n’ont pas donné de très bons résultats, et on ne voit toujours pas émerger de débats institutionnels sérieux. Mais si nous ne pouvons aujourd’hui envisager de décider collectivement qui va naître (et combien), pourrons-nous dans quelques années envisager sereinement de décider qui va mourir (et comment) ? » Pour résoudre ce « problème », l’essayiste et chargé d’étude au Sénat Antoine Buéno plaide pour un permis de procréer. Mathilde Szuba, enseignante à Sciences Po Lille, soutient que les tickets de rationnement, les mêmes qu’on trouve en Corée du Nord, sont un outil « convivial ». Moins tenté par la novlangue, Yves Cochet, qui avance la même idée, parle d’une « économie de guerre avant la guerre ». Sans surprise, la militarisation de la société imposée par le confinement au début de la pandémie a suscité beaucoup d’enthousiasme chez les écologistes. Ils étaient pressés de normaliser une situation qui se voulait exceptionnelle.

Mais le public a encore une aversion pour l’autoritarisme. C’est pourquoi les dictateurs en herbe recourent à la langue de bois pour dissimuler leur projet. On parlera alors de renoncer à notre « souveraineté économique » en échange de la renaissance de notre « souveraineté anthropologique », selon l’expression de Dominique Bourg. Le philosophe feint d’ignorer que les libertés civiles et économiques sont interdépendantes. Le musulman qui achète un billet d’avion pour faire son pèlerinage à La Mecque exerce sa liberté de culte. Le cyberjournaliste qui consomme la bande passante dont François Ruffin veut plafonner l’usage exerce sa liberté d’expression. La vie privée du citoyen lambda serait anéantie par le contrôle et le rationnement de tous ses achats. L’autoritarisme politique emporte le despotisme économique, et réciproquement. Il faut lire le programme décroissant pour s’en convaincre. Dans un ouvrage publié en 2020, Dominique Bourg, Pablo Servigne et d’autres se félicitent de la décision d’arrêter la vie sociale pour lutter contre la pandémie et soutiennent que la lutte contre le changement climatique doit s’inspirer de la militarisation des sociétés que nous avons vécue : « Quand on voit les sacrifices et les renoncements auxquels (presque) tout le monde se plie pendant le confinement, on se dit que tout était déjà possible. » Les auteurs proposent de rationner toutes les consommations individuelles : « Il s’agirait de plafonner démocratiquement, par référendum, de façon progressive, les consommations d’énergie/ matière. […] De tels plafonnements pourraient être mis en place non seulement pour les achats directs d’énergie, mais pour tous les produits ; chaque produit serait marqué d’un “prix” en énergie/matière, et chaque achat serait reporté sur un compte personnel. » Les individus seront tous fonctionnarisés par la distribution d’un revenu octroyé par l’Etat, à condition de s’adonner à une activité autorisée par la nomenklatura. Aux hauts revenus succédera la reconnaissance des « honneurs » et des « vertus » par « la société ». Toute ressemblance avec le stakhanovisme est fortuite. Leur agriculture exige « de mobiliser à terme de 15 à 30 % de la population économiquement active (PEA) […] et d’avoir massivement recours à l’énergie musculaire (animale ou humaine) ». La moitié de la population active devra s’adonner à des activités agricoles à temps partiel. L’exode urbain doit être « incité » par la fiscalité. Les agglomérations devront être peuplées de 300 000  personnes en moyenne. Vient enfin une « déglobalisation décroissanciste et solidaire », comme si l’effondrement du commerce mondial auquel nous avons assisté en 2020 avait quoi que ce soit de fraternel. Conscients que « toutes les mesures évoquées jusqu’à présent peuvent entraîner un mouvement de fuite des capitaux hors de France », les auteurs comptent interdire aux Français de déplacer leur épargne par un contrôle des capitaux. Compte tenu de leur mépris envers la dissidence, on peine à croire qu’ils se priveront de réinstaurer un rideau de fer pour empêcher la population de fuir leur paradis. Sans doute pour ne pas trop effrayer, la question démographique est occultée. Mais étant donné les famines que leur programme provoquerait, c’est tout comme si la réduction de la population mondiale était érigée en objectif prioritaire.

Plus officielles, les propositions de la Convention citoyenne pour le climat n’en restent pas moins autoritaires. Les mesures répressives pleuvent sur chacun de nos comportements. L’accusation de surproduction est omniprésente tandis que sont ignorées les technologies indispensables contre le changement climatique. Le mot « nucléaire » n’apparaît qu’une fois dans un rapport de 460 pages pour soulever la crainte que les Etats n’aient pas le droit de fermer des centrales. Ceci suffit pour disqualifier cette assemblée. Le rejet des solutions contre le changement climatique cohabite avec des mesures d’inspiration marxiste sans rapport avec lui et qui nuiraient à l’accumulation de richesses nécessaire aux investissements dans les technologies de demain. On y trouve ainsi la taxation accrue des dividendes ou la restauration de l’impôt sur la fortune.

Extrait du livre de Ferghane Azihari, « Les Ecolgistes contre la modernité Le procès de Prométhée », publié aux Presse de la Cité.

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