Emmanuel Razavi : « Le régime des mollahs iraniens n’est pas seulement violent mais aussi l’un des plus corrompus au monde »<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président iranien Ebrahim Raïssi s'exprime lors des funérailles des victimes des explosions du 3 janvier. Elles participaient à une commémoration marquant l'anniversaire de l'assassinat du général des Gardiens de la révolution.
Le président iranien Ebrahim Raïssi s'exprime lors des funérailles des victimes des explosions du 3 janvier. Elles participaient à une commémoration marquant l'anniversaire de l'assassinat du général des Gardiens de la révolution.
©Présidence iranienne / AFP

"La face cachée des Mollahs"

Emmanuel Razavi est grand reporter, spécialiste du Moyen-Orient et de l’Iran. Il collabore avec les rédactions de Paris Match, Franc-Tireur, Politique Internationale, Le Spectacle du Monde, Valeurs Actuelles. Il publie un livre-enquête explosif : « La Face cachée des Mollahs : le livre noir de la République islamique d’Iran », qui révèle des informations jamais diffusées sur le régime iranien.

Emmanuel Razavi

Emmanuel Razavi est Grand reporter, spécialiste du Moyen-Orient. Diplômé de sciences Politiques, il collabore avec les rédactions de Paris Match, Politique Internationale, Le Spectacle du Monde, Franc-Tireur et a réalisé plusieurs Grands reportages et documentaires d’actualités pour Arte, France 3, M6, Planète...  Il a notamment vécu et travaillé en tant que journaliste en Afghanistan, dans le Golfe persique, en Espagne …

Il s’est fait remarquer pour ses grands reportages sur les Talibans (Paris Match), les Jihadistes d’Al Qaida (M6), l’organisation égyptienne des Frères Musulmans (Le Figaro Magazine, Arte).

Depuis le mois de septembre 2022, il a réalisé plusieurs reportages sur la vague de contestation qui traverse l’Iran. Il est notamment l'auteur d'un scoop sur l’or caché des Gardiens de la révolution publié par Paris Match, ainsi que d’un grand reportage sur les Kurdes Iraniennes qui font la guerre aux Mollahs, également publié Paris Match. Auteur de plusieurs documentaires et livres sur le Moyen-Orient, il a publié le 15 juin 2023 un nouveau roman avec Chems Akrouf, « Les coalitions de l’ombre » (éditions Sixièmes), qui traite de la guerre secrète menée par le Corps des Gardiens de la Révolution contre les grandes démocraties. Il aussi publié en 2023 « les guerriers oubliés, histoire des Indiens dans l’armée américaine » (L’Artilleur).

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Atlantico : Vous publiez « La Face cachée des Mollahs : le livre noir de la République islamique d’Iran » aux éditions du Cerf. Vous revenez dans votre ouvrage sur les affaires financières et la corruption à laquelle se livrent les mollahs. Comment avez-vous mené votre enquête ?

Emmanuel Razavi : J’ai effectué une enquête de terrain pendant plus d’un an, notamment à la frontière irako-iranienne, à la frontière israélo-libanaise, dans le Golfe Persique, dans le détroit d’Ormuz, et dans plusieurs pays d’Europe... J’ai rencontré de nombreux activistes et des combattants de plusieurs mouvements de l’opposition iranienne, au Kurdistan, qui ont un haut niveau d’informations par leurs relais sur l’ensemble du territoire iranien. J’ai parlé avec des témoins directs qui ont œuvré au sein du régime iranien et du Corps des Gardiens de la Révolution, ainsi qu’avec des anciens agents infiltrés ou en activité. J’ai pu consulter des documents confidentiels qui m’ont permis de mettre en évidence les trafics orchestrés par les Gardiens de la révolution et de dévoiler de façon détaillée leurs modes opératoires, notamment en matière de blanchiment.

J’ai ainsi mis en exergue les routes de la drogues pratiquées par les Gardiens de la révolution et leur proxy, le Hezbollah, que l’on appelle le « corridor iranien ». J’ai raconté comment des pans entiers de l’économie iranienne avaient été confisqués par les pasdarans depuis leur création. J’ai pu retracer le système de blanchiment d’or et d’argent entre l’Iran et plusieurs pays. Je parle également des casinos en Asie, dans lesquels investissent les dignitaires iraniens, pour blanchir leur argent, mais aussi des trafics d’armes, ou encore d’objets de luxe. On parle de centaines de milliards de dollars cumulés et blanchis ou placés sur des comptes à l’étranger sur des décennies. Cet argent finance, entre autres, des opérations terroristes. C’était un travail titanesque, dans lequel plusieurs personnes ont leur part. J’ai été très soutenu par Caroline Mangez, la directrice de la rédaction de Paris Match, qui m’a donné les moyens de réaliser ce travail de terrain au Moyen-Orient, et par les Éditions du Cerf. Caroline Fourest, la directrice de Franc-Tireur, m’a permis de mener des enquêtes sensibles sur les services iraniens qui m’ont permis de comprendre leurs rouages. Hirbod Dehghani Azar, avocat franco-iranien qui œuvre au projet de création d’une cour pénale internationale pour juger les crimes contre l’humanité commis en Iran, a également été d’un soutien extrêmement précieux. Avec les gens qui l’entourent, il produit un travail de documentation important, avec un courage admirable.

Comment expliquer que les Iraniens tolèrent ce système ?

Ils ne le tolèrent pas. La population Iranienne est victime du système religieux et de la corruption qui gangrène le pays. Selon différentes études réalisées depuis septembre 2022, les Iraniens sont près de 80% à vouloir un changement de régime. Que ce soit clair : les Iraniens luttent contre l’islam politique et ses dérives mafieuses qu’ils subissent depuis 45 ans. Mais ils ont en face d’eux un système ultra-répressif. Je formulerai donc la question différemment : Pourquoi les démocraties occidentales tolèrent-elles que le régime Iranien continue de persécuter sa population et de menacer la stabilité du Moyen-Orient et de l’Europe ? Je rappelle que la République islamique d’Iran est l’un des parrains du Hamas qui a perpétré le pogrom du 7 octobre. Qu’elle est à l’origine des attaques contre les navires occidentaux en mer Rouge et dans le Golfe persique. Qu’elle aurait déjà des plans d’attaques, selon plusieurs sources, sur ses pays voisins du Golfe… Elle retient aussi dans ses geôles des otages français. Elle exporte, via ses proxys et différentes filières, de la drogue - notamment du Captagon - dans nos villes.  La République islamique menace aussi la paix du monde en faisant la course au nucléaire militaire. Téhéran ne cesse d’accélérer sa production d’uranium enrichi. Les Mollahs livrent une guerre asymétrique à l’Occident et ses alliés.

Indépendamment des dérives sur la corruption, qu’avez-vous découvert dans d’autres domaines sur les secrets des mollahs, notamment sur le terrain des mœurs ?

Par moment, j’ai eu l’impression de me retrouver dans la série Narco, mais en version iranienne. La corruption et les trafics sont partout dans les hautes sphères du pouvoir iranien. De nombreux dignitaires du régime et leurs familles sont impliqués, via des fondations caritatives chiites, dans le trafic de drogue à grande échelle, la prostitution institutionnalisée, la pédophilie, le trafic d’enfants et d’adolescents. Alors que le régime joue la carte de la morale rigoriste, il est impliqué dans tous les trafics imaginables. 

N’y a-t-il personne dans les milieux religieux chiites qui s’émeuve des comportements déviants des mollahs ? Comment expliquer une telle contradiction entre la morale affichée et la réalité ?

Les religieux, mêmes modérés, n’ont plus la confiance de la population iranienne, car ils sont souvent eux-mêmes impliqués dans la corruption ou ont profité du système. Il y a cela dit des tas de gens influents au sein de la société civile qui dénoncent ce qui se passe. Mais ils sont persécutés par le régime et ses sbires. Dans mon livre, j’explique très précisément comment les mollahs ont opéré, en 1979, un braquage religieux et mafieux sur l’Iran. Pour prendre le pouvoir, ils ont instrumentalisé la religion en s’inspirant des modes opératoires des Frères musulmans Égyptiens. Mais en dehors de l’islamisme, ils n’avaient aucune vision pour la société iranienne. L’Iran est tenu depuis 45 ans par un cartel.

L’Iran est pris dans un conflit avec le Pakistan. Ces stratégies d’emprise sur le Moyen-Orient peuvent-elles lui revenir en boomerang ?  

Le régime iranien a opéré des frappes au Baloutchistan, grande région du Pakistan frontalière de l’Iran. Le Pakistan a mené des représailles en Iran, qui ont fait neuf morts, parmi lesquels des femmes et des enfants. La montée des tensions entre les deux pays est inquiétante, même si leurs diplomaties disent vouloir apaiser la situation. Les mollahs jouent là encore un jeu dangereux. L’Iran a cependant fait une erreur stratégique en menant ces frappes. Son agressivité trahit la fragilité et l’instabilité du régime, affaibli par de nombreuses dissensions en interne, et la contestation populaire, ainsi que par une crise économique sans précédent. La République islamique vit sur le fil du rasoir. Pour se maintenir au pouvoir, ses dirigeants redoublent d’agressivité et de violence.  Au cœur même du pouvoir, certains dénoncent toutefois, y compris dans l’entourage proche du Guide Ali Khamenei, une fuite en avant qui pourrait conduire le régime iranien à sa perte.

Est-il difficile d’enquêter sur un tel sujet ?

Oui. Car on évolue en permanence dans un monde opaque, dans un univers très violent ou s’affrontent, dans une guerre de l’ombre, des gens proches du régime, des activistes, et des agents de différents services …  Il y a des sources qui risquent la mort pour avoir osé parler à un journaliste. Sur le terrain, il y a des zones où ont lieu des bombardements. C’est donc une enquête qui a été difficile à mener.

Emmanuel Razavi publie "La Face cachée des Mollahs : Le livre noir de la République islamique d'Iran" aux éditions du Cerf

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