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Emmanuel Macron maintient son diagnostic mais laisse le soin à son gouvernement de déterminer si le cap est maintenu ou non
©LUDOVIC MARIN / AFP

Debriefing

Emmanuel Macron change tout ou presque sur la forme, mais assez peu sur le fond. Du coup, personne n‘est content, comme d’habitude mais il assume.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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On a souvent dit qu’Emmanuel Macron fonctionnait comme un chef d’entreprise dont la règle d’or serait le pragmatisme et la détermination. Mais en réalité, le président de la République travaille exactement comme un médecin face à ses malades.

Premier temps, le médecin fait un diagnostic de ce qui ne va pas, de la douleur, de la fracture, de l’infection ou plus grave encore d’un cancer. Mais le médecin fait aussi une batterie d’analyses, de radios, de scanner, bref, il utilise tout ce que la science moderne lui offre pour affiner son diagnostic et le valider.

Une fois le diagnostic formulé avec précision, le médecin va en informer son patient. Il va même, la plupart du temps, lui dire la vérité telle qu’il la voit, parce que dans la grande majorité des cas, le médecin considère que son patient doit pouvoir l’aider dans la bataille que le corps médical va mener contre la maladie. Très important, cette vérité, la façon de la dire sans mentir, ni faire culpabiliser qui que ce soit.

A partir de là, le médecin va développer une prescription thérapeutique, une opération chirurgicale, des traitements plus ou moins lourds et longs, de l’antibiotique à la chimiothérapie si nécessaire. Et il va mobiliser ses équipes dans l’accompagnement de son malade. 

Le médecin moderne n’a pas d’obligation de résultat. Aucun médecin responsable ne promettra à son malade de le guérir et de l’immuniser contre des potentielles suites. Mais tous les médecins compétents et responsables ont une obligation de moyen. Tout faire pour sauver son malade. C’est sa mission professionnelle et son engagement moral.

Dans les démocraties modernes et avancées, le médecin est un des derniers acteurs de la société dont on respecte l’expertise et le comportement. Il n’est ni de droite, ni de gauche. Parce que la maladie n’est ni de droite, ni de gauche. 

Certains traitements peuvent faire débat, quelques originaux, écologistes naturalistes ou religieux viendront critiquer la médecine moderne, en refusant une opération ou un vaccin, mais ceux-là sont extrêmes rares. Ceux qui ont élevé le principe d’une médecine naturelle au rang d’une idéologie perdent leurs certitudes quand ils sont confrontés à des métastases osseuses. 

Bref, les médecins sont recherchés et respectés à peu près partout dans le monde d’autant qu’ils ont su mettre de l’humain dans l’exercice de leur science. Ils sont même admirés de l’opinion. Molière, Hugo, Flaubert, Proust ont très bien décrit ce phénomène et sans doute contribué à grandir la réputation des médecins.

Emmanuel Macron fonctionne exactement comme un médecin, mais il ne recueille que des critiques ou des sarcasmes, parfois même de la haine, ce qui est quand même très violent et injuste.

Emmanuel Macron considère que la France est malade (il n’a pas tort), il a formulé un diagnostic en expliquant que le mal français provenait dans le contexte actuel d’un manque de compétitivité, d’une faiblesse durable et profonde qui nous empêchait d’assumer la modernité de la société internationale, la concurrence internationale, la maitrise des innovations technologiques etc. Il a utilisé toutes les analyses, les radios et les scanners qui ont été faits de la société française. Il a même écouté et interrogé longuement les patients, les vrais malades et ceux qui, comme dans Molière, sont parfois imaginaires.

Comme le médecin, Macron a dit aux patients ce dont ils souffraient. Il leur a dit la vérité. Ces explications dans le cadre du grand débat ont été très longues, parfois, mais elles ont été formulées parce que cette pédagogie fait partie du traitement et doit aider le patient à l’accepter.

Et une fois qu’il a vérifié son diagnostic, il a rédigé son ordonnance et prescrit le traitement, les antidouleurs, les opérations chirurgicales etc., etc. Et normalement il a expliqué que son équipe médicale, c’est à dire son gouvernement, allait se mettre en ordre de marche pour accompagner le traitement, l’administrer etc..

Comme le médecin, il ne peut pas garantir à 100 % le résultat. Comme le médecin, il affirme qu’il faudra un peu de temps pour retrouver toutes les capacités de progrès ... mais comme le médecin, il s’est donné une obligation absolue de moyens.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelleil n’a pas changé le diagnostic qu’il avait fait en arrivant à l’Elysée, c’est la raison pour laquelle il ne change pas le cap de sa politique. La seule chose importante qu’il semble avoir changé, c’est la méthode. C’est le comportement et le dialogue avec ses patients. Docteur Macron a donc mis de" lhumain dans son rapport à la France" et dans sa manière d’expliquer le traitement. Comme le médecin, il a entendu la souffrance, du moins il le dit et il a accepté d’augmenter les doses d’antidouleur. Mais les antidouleurs, les subventions, les perfusions ici et là, ne le détourneront pas de son traitement de fond. Il lui faut éradiquer ce déficit de compétitivité qui s’accompagne d’un laxisme administratif et qui distribue des métastases dans toutes les parties du corps social.

Comme le médecin, Macron estime que la gouvernance d’un pays ne peut être ni de droite, ni de gauche. Elle ne peut qu’être efficace.

Le professeur chef du service de cardiologie à Pompidou est respecté. Emmanuel Macron  lui a du mal à l’être. Il est rarement entendu, et assez peu écouté. C’est bien le problème.

Alors pourquoi ? Parce que la médecine est considérée comme une science exacte, ce qui n’est pas vrai. Alors que la gestion d’une collectivité nationale est une science humaine, ce qui n’est pas plus vrai.

Ce qui est agaçant chez Macron, c’est qu'il est toujours trop... Trop jeune, trop beau, trop intelligent, trop brillant, trop bon, et ce qui est insupportable, c’est qu’il a (presque) toujours raison. Du moins, il y a une arrière pensée dans l’opinion publique qui consiste à reconnaitre du bout des lèvres qu’il doit avoir raison mais qu’il s’y prend tellement mal pour expliquer ce qu’il faudrait faire, que son propos ne passe pas.

Il est trop jeune, trop brillant et trop intelligent ... Exactement comme on se méfie d’un médecin trop jeune, on n’accepte pas en France de donner le rôle de président de la République à une personnalité qui donne l’impression d’être sortie de l’adolescence, ou qui aurait pu jouer les jeunes premiers dans un film de Truffaut, si Truffaut n’était pas parti si tôt. 

La France n’a pas aimé Valery Giscard d’Estaing pour les mêmes raisons. En revanche, la France a fini par supporter François Mitterrand, Jacques Chirac, ou François Hollande parce qu’ils avaient parcouru pendant des années la France profonde, qu’ils arrivaient au pouvoir à l’automne d’une vie toute cabossée par les luttes intestines et partisanes, et qu’enfin, ils n’avaient pas des physiques de jeune premier mais de Président. 

Ce qui est étonnant, c’est que tous les prédécesseurs d’Emmanuel Macron ont été obligés à mi mandat (ou avant) de changer le cap de leur politique pour survivre et prendre une direction opposée à celles qu’ils avaient promis. François Mitterrand a changé de direction en 1983 pour prendre un virage libéral et préparer l’avènement d’un capitalisme financier. Jacques Chirac a été élu sur des options très libérales pour finir dans la tradition sociale-démocrate. François Hollande est arrivé après Nicolas Sarkozy, décimé par la crise financière internationale. Il a calmé le jeu social, mais il n‘a pas restauré la maison France. Il a, lui aussi changé de cap mais en fin de mandat, il a perdu, lui aussi les élections. 

Emmanuel Macron ne change pas de cap, mais de méthode.

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