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L'Assemblée nationale a retoqué l’examen de la Loi de programmation militaire, jugeant que son étude d’impact était insuffisante.
L'Assemblée nationale a retoqué l’examen de la Loi de programmation militaire, jugeant que son étude d’impact était insuffisante.
©JOHN THYS / AFP

Limites du macronisme

Après avoir jugée « insincère » l’étude d’impact du texte budgétaire visant à financer nos armées, les parlementaires ont rejeté la nomination de Boris Ravignon à la tête de l'Ademe. Dernières escarmouches en date dans une liste qui s'allonge.

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

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Atlantico : Après avoir jugé « insincère » l’étude d’impact du texte budgétaire visant à financer nos armées, les parlementaires ont rejeté la nomination de Boris Ravignon à la tête de l'Ademe. Assiste-on à la manifestation d’une forme de rejet et de quoi témoigne-t-il ? Peut-on y voir les limites du macronisme ? 

Samuel Le Goff : On peut effectivement voir une conjonction de nombreux facteurs. Emmanuel Macron n’a qu’une majorité relative mais il continue à agir comme s’il avait une majorité absolue. D’ailleurs, on voit bien qu’il n’a pas changé sa façon de travailler. En ce qui concerne le rejet de la loi de programmation militaire, le Conseil Constitutionnel est saisi du refus de la conférence des présidents d'inscrire le texte à l'ordre du jour, et se prononcera la semaine prochaine. S'il juge que l’étude d’impact est suffisante, alors le texte sera mis à l’ordre du jour. Cela aura juste fait perdre 8 jours, mais c'est politiquement et médiatiquement gênant pour le gouvernement. Pourtant, ces démarches étaient prévisibles puisqu’à la conférence des présidents, chaque président de groupe a autant de voix qu’il a de députés. En l'occurrence, puisque Emmanuel Macron n’a qu’une majorité relative, les groupes d’opposition peuvent prendre le contrôle de la conférence des présidents. Il y aura d'autres incidents du même genre dans les semaines ou mois qui viennent.

Est-ce une manière pour le Parlement de montrer qu’il peut peser face à Emmanuel Macron ? 

C’est surtout une manière pour les députés de dire qu'ils trouvent désinvolte que, sur les 380 pages de l'étude d'impact, à peine une dizaine sont consacrées à la partie financière. L’exécutif s’est toujours comporté de la sorte, mais sans majorité absolue, Emmanuel Macron n’a plus les moyens de faire avaler toutes les couleuvres aux députés. Il en est de même pour la nomination de Boris Ravignon, qui s’est tiré lui-même une balle dans le pied. Être président de l’Ademe est un poste à temps plein mais Ravignon a quand même voulu rester maire de Charleville-Mézières et président de l’agglomération, ce qui a déplu. Étant donné qu’il est un ancien des Républicains, l’opposition LR s’est fait un plaisir d’empêcher sa nomination. La réforme des retraites ajoute à cette crispation de l’opposition, qui cherche tous les moyens de faire battre le gouvernement. Malgré cela, Emmanuel Macron s’est entêté à maintenir un candidat qui présentait plusieurs handicaps, sans tenir compte du risque.

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Avant la réforme des retraites, LFI était systématiquement contre toute réforme. Mais avec les socialistes, il était possible de statuer au cas par cas. Les Républicains pouvaient se montrer ouverts et le groupe LIOT se présentait comme indépendant, il était donc possible de discuter. Suite à la réforme des retraites, la porte s’est fermée avec les groupes PS et LIOT qui ont voté la censure. Un tiers du groupe LR a également basculé dans l’opposition, ce qui ne laisse plus aucune marge de manœuvre pour le gouvernement, qui risque la défaite, dès que les députés de la majorité ne sont plus assez présents dans l’hémicycle. 

Peut-on aussi penser que nous assistons à un regain du parlementarisme et de légitimité parlementaire ?

Ceux qui profitent vraiment de la situation, ce sont les sénateurs, qui sont capables d’écrire une proposition de loi, de l’inscrire à l’ordre du jour et de la faire voter. Ce n’est pas possible à l’Assemblée, trop divisée et clivée, qui peut uniquement bloquer. Les députés ne sont pas, actuellement en capacité d'être véritablement force de proposition. De plus, tant que les oppositions resteront crispées et braquées contre le gouvernement, la situation ne risque pas d’évoluer. 

Pourrait-on assister à une modification des équilibres institutionnels ? 

C’est tout à fait possible, si LR vote la prochaine motion de censure par exemple. Je n’ai pas l’impression qu’Emmanuel Macron et son gouvernement font ce qu’il faut pour apaiser les tensions. Hier après-midi, Élisabeth Borne affirmé « qu’elle ne comprend plus » certaines positions de la Ligue des Droits de l’Homme, reprenant à son compte la polémique lancée par Gérald Darmanin. Si on cherche l’apaisement et le calme, je ne suis pas certain que cette méthode fonctionne. J’ai l’impression que nous assistons au début de la fin du règne d’Emmanuel Macron, qui semble de plus en plus isolé, enfermé dans sa tour d’ivoire. Sans instructions claires, les gens autour de lui ne se sentent pas légitimes de prendre des décisions. Il s’est passé la même chose lors de l’affaire Benalla à l'été 2018. Le scandale avait éclaté, les oppositions étaient vent débout, Macron se taisait et les débats continuaient de façon lunaire à l’Assemblée, sans que personne dans la majorité ne prenne d'initiative. J’ai cette impression que Borne n’est pas en capacité de prendre des décisions à la place d’Emmanuel Macron, et si elle le fait, elle prend surtout le risque de se faire désavouer par le président. En somme, tout dépend vraiment du président, qui ne donne pas l'impression de savoir où il va. 

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Y a-t-il actuellement une voie de sortie de crise ? 

La seule voie de sortie de crise, c’est des élections anticipées. L'habileté ou la maladresse de la majorité accéléreront ou retarderont ce moment, mais il arrivera. Tout le monde le voit, ce qui signifie que tout le monde se prépare, même si le seul parti vraiment en mesure de tirer son épingle du jeu est le RN. Le jour où une vingtaine d’élus LR décident d’appuyer sur le bouton, on y sera contraints. Emmanuel  Macron, qui tient par-dessus tout à être "maître des horloges", voudra choisir ce moment, et l’organiser pour être en mesure de l'emporter. Il est capable, par exemple, de nommer un Premier ministre disposant d'une assise politique élargie, puis de dissoudre l’Assemblée afin que cette nouvelle alliance soit légitimée par les urnes.

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