Emmanuel Macron et l’Algérie : quand le président de la République se trompe de registre <!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron et le président algérien Abdelmadjid Tebboune lors d'une conférence de presse à Alger, le 25 août 2022.
Emmanuel Macron et le président algérien Abdelmadjid Tebboune lors d'une conférence de presse à Alger, le 25 août 2022.
©Ludovic MARIN / AFP

Vision du chef de l'Etat

Dans un entretien avec Kamel Daoud publié dans Le Point, Emmanuel Macron revient sur sa vision des rapports avec l'Algérie sans toujours se rendre compte de l’impact produit par sa parole lorsqu’il s’inscrit en théoricien de la Mémoire plus qu’en acteur politique.

Ousmane Ndiaye

Ousmane Ndiaye

Ousmane Ndiaye est rédacteur en chef Afrique de la chaîne TV5 Monde depuis juin 2017.  Éditorialiste, il tient une chronique internationale sur France Info. En France, Ousmane Ndiaye a été responsable Afrique de l’hebdomadaire Courrier International, correspondant au Mali, au Sénégal pour plusieurs médias (TV5, Le Monde, APIC, ATS), chroniqueur sur I-Télé (Le Monde nous regarde), éditorialiste pour France Ô (L’Agora) et reporter à Respect Magazine. Au Sénégal, Ousmane Ndiaye a travaillé pour la presse nationale. Il a été notamment reporter pour les journaux Le Quotidien et L’Événement du Soir et  La Nouvelle.

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Atlantico : Le Point a publié l’entretien d’Emmanuel Macron avec l’écrivain Kamel Daoud qui a eu lieu en août dernier à Oran et quelques jours plus tard à l’Elysée. Que devons-nous en retenir ?

Ousmane Ndiaye : Il y a deux choses étonnantes : d’une part, Emmanuel Macron parle comme si c’était un analyste. Il est capable d’avoir des réflexions profondes, avec une vision bien précise. D’autre part, comment ses réflexions se traduisent-elles politiquement ? Depuis 2017, il ouvre des voies mais on a l’impression qu’il reste au milieu du gué. Et là, il ne formule pas de réponses. Il ne prend pas de risques politiques. 

On voit bien que le chef de l’Etat est le disciple de Ricœur, avec une réflexion profonde sur la mémoire et l’histoire, mais le président doit être un acteur plus qu’un théoricien. 

Est-il aussi cohérent aussi sur le temps long ?

Sa cohérence, c’est la fidélité à Paul Ricœur et à l’approche du philosophe sur la mémoire, mais politiquement, on voit bien qu’il s’adapte à son public. Sur ces questions-là, il y a un discours calibré pour ne pas froisser le public ou nourrir l’adversité en France. Mais à force de marcher sur le fil du rasoir, on ne décide de rien. C’est beaucoup de symbolique.   

Le président de la République a tout de même pris l’initiative de créer des commissions. Cela va-t-il dans le bon sens ?

Il y a une forme de délégation de la responsabilité en créant des commissions. On l’a vu avec le Rwanda, l’Algérie et bientôt avec le Cameroun. Mais sur le Cameroun par exemple, il y a un gros travail de recherche qui a déjà été fait, de la part d’historiens, avec moult documentations. Pourquoi le président ne s’en empare-t-il pas ?

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L’Histoire ne s’écrit pas via les commissions, car celles-ci obéissent à des enjeux politiques tout d’abord. C’est bien Emmanuel Macron qui choisit ces commissions. Il y a un décalage entre son analyse et la méthode choisie. La commission Stora a d’ailleurs été contestée, en raison notamment du fait que ce soit un rapport commandé par l’Elysée à Benjamin Stora. Ce qui disqualifie une bonne partie de la légitimité du rapport. 

L’instrumentalisation politique dessert donc le travail historique...

Il y a un calcul politique que fait le président. Le contrôle politique sur l’histoire est toujours dangereux. Sous Chirac, on a voulu par exemple légiférer sur les bienfaits de la colonisation. 

Quels sont les dangers que cela peut entrainer ?

A partir du moment où c’est le haut qui décide, tout le travail fait d’entrée de jeu l’objet de luttes politiques. Cela nous empêche d’avancer et nourrit une forme de défiance et de soupçon vis-à-vis de l’histoire. La phase dans laquelle nous sommes, avec la persistance de ce que l'on nomme hâtivement sentiments antifrançais en Afrique, est aussi le fruit de l’absence de travail historique sur certaines périodes de l’histoire. 

Face à ce constat, quelles sont les perspectives ?

Il n’y a pas de solution toute faite. La transmission est capitale, via l’enseignement de l’histoire, qui doit être complète. Le travail historique existant doit servir de base à la classe politique. On ne peut pas créer tout le temps de nouvelles commissions. Et cela doit être coordonné avec le travail fait par les historiens africains.

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