Emmanuel Macron et l’Afrique : les ombres, les lumières et les dangers d’une ambition française <!-- --> | Atlantico.fr
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Le président Emmanuel Macron salue le président togolais Faure Gnassingbé avant la séance d'ouverture du Sommet sur le financement des économies africaines le 18 mai 2021 à Paris.
Le président Emmanuel Macron salue le président togolais Faure Gnassingbé avant la séance d'ouverture du Sommet sur le financement des économies africaines le 18 mai 2021 à Paris.
©Ludovic MARIN / POOL / AFP

Diplomatie

Le président français Emmanuel Macron, hôte du sommet de Paris sur le financement des économies africaines, a exhorté les pays riches à aider les économies africaines.

Antoine Glaser

Antoine Glaser

Antoine Glaser est un journaliste et écrivain.

Il est le fondateur et l'ancien rédacteur en chef de La Lettre du Continent, lettre confidentielle bimensuelle consacrée à l'Afrique.

Il est l'auteur de Comment la France a perdu l'Afrique (Hachette Littératures, 2006) et Sarko en Afrique (Plon, 2008)

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Atlantico : Emmanuel Macron a organisé un sommet des économies africaines qui s'est achevé à Paris le 18 mai. Quelle posture le président français souhaitait-il adopter ?

Antoine Glaser : Emmanuel Macron a porté le discours d'une mobilisation de l'Europe en faveur de l'Afrique. La BCE a mobilisé 750 milliards d'euros de plan de relance pour l'Europe. Comme il n'y a pas de banque centrale pour l'Afrique, il faut mobiliser des ressources exceptionnelles par d'autres moyens. Le FMI a ce pouvoir. A l'échelle de la planète, il a dégagé 650 milliards de dollars de droits de tirages spéciaux (DTS) au pro rata du PIB des pays. L'Afrique bénéficierait dans ce cadre que de 44 milliards de dollars et seulement 34 pour l'Afrique subsaharienne. L'idée est que les grands pays développés consacrent une partie de leurs DTS en faveur des pays africains et en particulier dans le cadre de projets de fabrication de vaccins en Afrique.

Sur les nombreux fronts ouverts par le président français en Afrique, quels sont ceux où il a obtenu de bons résultats ou porté un discours différent de ces prédécesseurs ?

Pour l'instant, il y a plus une volonté que de résultats. Emmanuel Macron a obtenu un succès personnel sur le plan du multilatéralisme. Il ne veut plus du tout discuter en bilatéral, en particulier avec les chefs d'Etat des anciennes colonies françaises. Sur la crise sanitaire, Macron a réussi à s'associer avec tous les présidents de l'Union africaine. C'est le marqueur d'Emmanuel Macron par rapport à ses prédécesseurs. Il a une détestation profonde de la Françafrique et des chefs d'Etat de l'ancien pré carré français. Il pense que pour sortir de la Françafrique il faut aller vers les pays anglophones. 

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Emmanuel Macron s'est beaucoup rapproché de Paul Kagamé, président du Rwanda, qui aime comme lui le libéralisme, les start-ups et le numérique. C'est aussi le président africain qui a le plus d'influence auprès de ses pairs. Macron considère avoir le leadership d'influence en Europe et voit dans Kagamé son homologue en Afrique. Macron voit aussi en lui un allié pour contrer l'influence russe au Mali, en Centrafrique, au Soudan ou en Libye.

Sur la question de la restitution des biens mal-acquis, la réponse s'est faite a minima. On est dans le symbolique. On a bien vu les résistances en France sur le sujet... Pour ce qui est du conseil présidentiel pour l'Afrique qui avait l'ambition de représenter la diaspora, on s'est rendu compte qu'il ne représentait que les premiers de cordées. En fait, on a l'impression que beaucoup de choses sont amorcées mais que ça ne suit pas forcément derrière.

Emmanuel Macron est-il parvenu à tourner la page de la Françafrique comme il le souhaitait ?

Macron veut passer à l'ardoise magique toute la période post-coloniale de la Françafrique. Il veut faire comme si ça n'avait pas existé. D'une part ce n'est pas l'avis des grandes entreprises françaises présentes sur place, d'autre part il se présente toujours comme le porte-parole de l'Afrique dans le monde. C'est toute l'ambiguïté. Quand il est en visioconférence avec le G5 Sahel au sujet de Barkhane, Macron dit à ses pairs africains que le France ne doit plus être en première ligne. Mais ce faisant il se présente comme s'il était le chef de toutes les armées du Sahel. Le sommet des économies africaines qui vient de se tenir était présenté comme un sommet européen, au final ça ressemblait plus à un sommet de la Françafrique.

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Sur le plan économique, quels sont les points qui restent à améliorer ? Les IDE françaises en Afrique ne profitent-elles pas qu’à une poignée de secteurs privilégiés comme les énergies fossiles ?

C'est évident. Depuis que la France a perdu ses ressources pétrolières et gazières en Algérie, elle est allée les chercher dans le Golfe de Guinée puis au Nigéria et en Angola où Total est extrêmement actif. L'essentiel des gros investissements d'entreprises françaises en Afrique, c'est Total et le pétrole. Il y a aussi tous les groupes économiques familiaux qui ont des relations personnelles avec les Etats africains et qui n'ont pas besoin d'Emmanuel Macron : Bouygues, Bolloré, Castel, Fabre... A part ça, le patronat français en Afrique connaît une dégringolade, il perd son marché au profit des Chinois, des Turcs, des Indiens... 

L’armée française est le cache misère d'une présence français en déshérence. Pendant ce temps-là, ce sont nos voisins européens qui nous passent devant. Dans un sondage de l’Immar réalisé pour le Conseil français des investisseurs en Afrique en 2019, la France arrive en 7e position des pays partenaires vus par les Africains comme les plus bénéfiques pour le Continent, derrière la Chine (1ère) ou encore l’Allemagne (3e).

Les propos d’Emmanuel Macron sur la démographie africaine peuvent-ils lui porter préjudice ?

Aller dire dans un pays comme le Niger que sa démographie pose problème, pour quelqu'un qui ne veut pas donner des leçons, c'est un peu étrange. L'idée derrière est d'éviter les problèmes de flux de migration. Mais il n'y a pas de Nigériens en France. Il y a un million de Maliens mais pas de Nigériens. Les Nigériens migrent à l'intérieur du continent.

Les Africains détestent ce genre de leçons. De même qu'ils n'acceptent pas quand la France leur dit de faire attention aux Chinois qui viennent les exploiter. En tant qu'anciens colonisateurs, c'est difficile de donner des leçons sur la menace chinoise. Les Africains feront du syncrétisme avec la Chine comme ils l'ont fait avec la France à une certaine période. Ils sauront gérer cela tout seul.

Antoine Glaser a publié "Le piège africain de Macron : Du continent à l'Hexagone" aux éditions Fayard, co-écrit avec Pascal Airault 

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