Emmanuel Macron aussi lucide sur la gravité de la crise énergétique que parfaitement hypocrite sur ses causes<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron s'est exprimé sur la crise énergétique lors d'une conférence de presse le 5 septembre.
Emmanuel Macron s'est exprimé sur la crise énergétique lors d'une conférence de presse le 5 septembre.
©Ludovic MARIN / POOL / AFP

Fiasco du nucléaire français

Le président de la République a donné ce lundi une conférence de presse improvisée sur le défi énergétique de l'hiver.

Philippe Charlez

Philippe Charlez

Philippe Charlez est ingénieur des Mines de l'École Polytechnique de Mons (Belgique) et Docteur en Physique de l'Institut de Physique du Globe de Paris.

Expert internationalement reconnu en énergie, Charlez est l'auteur de plusieurs ouvrages sur la transition énergétique dont « Croissance, énergie, climat. Dépasser la quadrature du cercle » paru en Octobre 2017 aux Editions De Boek supérieur et « L’utopie de la croissance verte. Les lois de la thermodynamique sociale » paru en octobre 2021 aux Editions JM Laffont.

Philippe Charlez enseigne à Science Po, Dauphine, l’INSEAD, Mines Paris Tech, l’ISSEP et le Centre International de Formation Européenne. Il est éditorialiste régulier pour Valeurs Actuelles, Contrepoints, Atlantico, Causeur et Opinion Internationale.

Il est l’expert en Questions Energétiques de l’Institut Sapiens.

Pour plus d'informations sur l’auteur consultez www.philippecharlez.com et https://www.youtube.com/energychallenge  

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Atlantico : Emmanuel Macron a tenu une conférence de presse lundi après avoir échangé avec le chancelier allemand Olaf Scholz sur la crise de l’énergie. Qu’en avez-vous retenu ?

Philippe Charlez : Si on écoute le discours sans feed back sur le passé, le Président délivre un discours parfait. Il explique que la la situation est difficile, les mesures à prendre à court, moyen et long terme. Rien à dire là-dessus. Il explique que le problème est double : gaz et électricité Nous sommes beaucoup moins dépendants que Allemands au gaz car notre mix est moins axé sur le gaz et beaucoup moins dépendant au gaz russe. En revanche à cause de la fermeture de nos réacteurs nucléaires nous avons aujourd’hui un déficit électrique. Echange gaz contre électricité la solidarité européenne est la clé.. Il prévient toutefois que ces échanges risquent de ne pas être suffisants malgré les efforts faits et qu’il faudra donc de surcroit utiliser le levier des économies d’énergie. Il nous a répété la phrase culte de Nathalie Kosciusko-Morizet « L'Énergie la moins chère est celle qu'on ne consomme pas ». D’où un objectif de réduction de 10 % de la consommation. Pour celui qui écoute sans recul historique et sans distance par rapport à la situation, c’est un excellent discours. D’autant que le président s’exprime bien, de façon pédagogique, posée, calme et rassurante.

Maintenant, si on se tourne un peu derrière nous et pourquoi nous en sommes arrivés là, la situation est très différente. Quand on regarde l’historique de ces dix dernières années, l’exécutif a a de trèsd lourdes responsabilités quant à la situation actuelle. Tout n’était pas certes pas prévisible mais de nombreux indicateurs pouvaient nous éclairer dès 2017-2018. Depuis 2012 l’exécutif où Emmanuel Macron a été successivement été secrétaire adjoint de l’Elysée, ministre de l’Economie puis Président de la République, a fait de mauvais choix en termes de politique énergétique.. Dès 2017-2018, on savait que la demande gazière augmentait considérablement alors que l’offre baissait. Cela ne pouvait conduire qu’à une inflation des prix du gaz puis en ricochet à celle de l’électrcité. La crise électrique actuelle n’est que la chronique d’une mort annoncée d’un antinucléarisme latent des Vertes depuis la mandature Jospin. L’Allemagne, la Belgique vivent la mâme situation pour les mêmes raison. L’imprévu de la guerre a fait ressortir tout cela de manière paroxystique. On peut donc lourdement reprocher au président de ne faire aucune autocritique et aucun mea culpa d’un passé dont lui et sa première ministre portent des responsabilités écrasantes.

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Il a notamment évoqué la fermeture de Fessenheim avec des arguments qui ont fait réagir le milieu de l’énergie. Pourquoi ?

Fessenheim est en quelque sorte la partie émergée de l’iceberg. Aujourd’hui, le nucléaire n’était pas à moitié à l’arrêt, on parlerait peu de Fessenheim. Mais compte tenu de la situiation actuelle Fessenhaim devient le symbole de la faillite énergétique de l’exécutif. Dès 2018, Emmanuel Macron annonce la fermeture de Fessenheim pour 2020 et la fermeture de 12 autres réacteurs en 2025 puis la  date est repoussée de dix ans. Mais, à Belfort le Président change de stratégie à 180° en relançant le nucléaire en proposant la construction de 14 EPR. Il présente cela comme un discours fondateur en gommant en laissant le passé sous silence. Cela nous donne l’impression que le politique ne se trompe jamais et que de toute façon même quand il se trompe il ne le reconnait pas. Il nous expose que Fessenheim devait être arrêté pour des raisons de sécurité, ce qui est faux. Quelle hypocrisie ! Il devrait avoir le courage de reconnaître qu’il s’est trompé et que son discours de Belfort a marqué un tournant à 180°. Pressé par la flambée des prix du gaz, il avait certes commencé son virage nucléaire dès octobre 2021 en annonçant un milliard pour les SMR, les petits réacteurs. Mais tout cela est arrivé beaucoup trop tard.

Emmanuel Macron devrait-il faire un mea culpa ?

Le mea culpa ne changera pas la situation physique, ça ne changera rien à la corrosion présente dans les réacteurs ou la construction des EPR.  Mais dans une société où l’on n’a plus confiance dans le politique, ce refus systématique de reconnaître ses erreurs ajoute à la défiance. On aimerait tellement un mea culpa sincère en lieu et place de cette hypocrisie détestable.

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Que penser des annonces concrètes d’Emmanuel Macron ?

D’abord, la dépendance européenne au gaz russe n’est pas de 50% mais de 40% (. Par aillersu en déclarant que nous sommes passés de 50% à 9% de dépendance il laisse sous entendre que nous aurions trouvé d’autres sources pour remplacer le gaz russe. En réalité ce sont les importations et non pas la dépendance qui ont diminué : on est passé de 40% d‘importation à 9% d’importation.

Par ailleurs, il demande aux Français de réduire de 10% leur consommation d’énergie. Pour les Français, le gaz Russe représente 3% de la consommation. Le reste, c’est 7% d’électricité et de solidarité européenne. Égoïstement, si notre électricité marchait correctement, on ne devrait réduire notre consommation que de 3%. Dans les 10% il y a donc 3% de conflit russo ukrainien et 7% d’imprévoyances politiques.

10%, cela fait environ 180 TWh. En limitant les consommations inutiles dans le tertaire (tours de la défense allumées la nuit, administrations surchauffées) un peut économiser 80 TWh. Maisais il en reste 100 à trouver. Je crains donc que la bonne volonté des citoyens ne soit pas suffisante et qu’on doive aller vers des économies d’énergie forcées. Nous avons au cours des dix dernières années réalisé 10 % d’économies soit 1% par an. On nous demande de passer à 10% par an ! 

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