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Emmanuel Macron au Mali : pourquoi la France devrait tout faire pour éviter de se retrouver dans une impasse militaire qui déboucherait inévitablement sur une défaite politique
©CHRISTOPHE PETIT TESSON / POOL / AFP

Bourbier géopolitique 

mmanuel Macron récupère un dossier ouvert par son prédécesseur qui laisse la France sans solution claire face à une crise durable. Or, la France n’a aujourd’hui que trois actions possibles à mettre dans sa feuille de route pour la zone sahélienne.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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Lancée en août 2014, après Serval engagée en janvier 2013, l’opération Barkhane, toujours en cours,avait pour objectifs de contenir et de neutraliser les groupes djihadistes de la zone sahélienne d’Afrique saharienne, en particulier au Burkina, au Mali, au Tchad et au Niger, d’éviter une arrivée rapide au pouvoir de mouvements islamistes à Bamako et d’arrêter, avant même leur déclenchement, des phénomènes migratoires au moins équivalents à ce qui se passe en Syrie depuis 2011. En effet, un pouvoir islamiste au Mali aurait eu pour conséquence de mettre sur les routes de l’exil des millions d’habitants de la zone qui, inévitablement, seraient passés au Sénégal ou en Côte d’Ivoire et qui, pour nombre d’entre eux, auraient pris la mer en direction de leur seule voie de salut, les îles Canaries d’abord, et le reste de l’Union européenne ensuite.

Conscient de l’intérêt stratégique majeur de cette opération militaire pour l’avenir de notre pays et de l’Union européenne, même si nombre de nos partenaires européens refusent d’en prendre conscience, Emmanuel Macron s’est rendu à Gao, principale base militaire française de l’opération Barkhane avec 1.600 hommes, dans le nord du Mali, le 18 mai 2017, pour prendre la mesure de notre engagement militaire dans cette région. C’est son second déplacement à l’étranger après l’Allemagne, dix jours après son élection, et il témoigne de l’importance qu’a pris ce dossier pour la sécurité de la France et de son environnement immédiat, même si la campagne présidentielle a totalement oblitéré cette question.

En théorie, cette opération, comme toute opération militaire se donnant pour objectif de réussir, aurait dû obéir à trois facteurs clefs : un chef, une mission et des moyens. Mais elle devait aussi et surtout prévoir une fin réussie des opérations militaires, un plan de rétablissement durable de la paix et ne pas engager de manière inconsidérée notre pays dans des opérations aléatoires, sans horizon temporel connu, qui usent lentement mais sûrement notre outil de défense et nos capacités d’intervention. Le rapport de la Cour des Comptes du 29 septembre 2014 sur le maintien en condition opérationnelle des matériels militaires était venu rappeler ces évidences et l’état de tension lié à la crise de la zone sahélienne sur nos équipements militaires.

Intervenir au Mali en janvier 2013 était certes inévitable, pour éviter un effondrement  probable de cette région, mais il était tout aussi indispensable de dire aux Français à quel moment et pourquoi ces opérations pouvaient se terminer et surtout, de prévoir une vraie sortie de crise nous évitant un possible échec politico-militaire pour les années à venir.

De fait, cela n’a pas été le cas sous la présidence de François Hollande et cette opération nous contraint encore aujourd’hui à poursuivre des opérations militaires dans une région où la question de l’enkistage du phénomène islamiste est clairement posée. Le risque que les forces françaises se retrouvent embourbées pour longtemps, sans espoir de vaincre militairement, est donc plus que jamais très élevé.

Ce qui est en jeu est double : la France ne doit pas se retrouver dans une impasse militaire qui déboucherait inévitablement sur une défaite politique ; la France doit trouver les voies et moyens de détruire l’hydre islamiste dans la zone sahélienne, mais cela suppose que les Etats de la région soient les acteurs et les moteurs de cette opération.

Si ces deux objectifs ne sont pas atteints, le Mali pourrait devenir notre Afghanistan. Le niveau d’insécurité reste très élevé. Rien que pour le premier trimestre 2017, 45 attaques de toute nature ont été recensées au nord-Mali, là où s’est rendu Emmanuel Macron. Sur place, il a souligné qu’il entendait poursuivre l’action militaire au vu de ce contexte, tout en engageant une stratégie d’aide au développement expliquant la présence à ses côtés du directeur général de l’Agence française de développement, le premier outil public français d’aide aux pays en développement.

Emmanuel Macron récupère un dossier ouvert par son prédécesseur qui laisse la France sans solution claire face à une crise durable. Or, la France n’a aujourd’hui que trois actions possibles à mettre dans sa feuille de route pour la zone sahélienne :

1) Stabiliser la région militairement suppose d’y mettre d’importants moyens capacitaires et budgétaires. La France doit donc accélérer le rétablissement d’armées locales dignes de ce nom qui, à moyen terme, pourront prendre notre relai. C’est long, coûteux et il ne faut pas sous-traiter cela à des partenaires européens comme l’Allemagne dont ce n’est pas la spécialité. 2) Sur le plan économique, développer la zone sahélienne suppose de soutenir ses productions exportables. La France doit convaincre l’Union européenne que les productions minières ou agricoles de cette région, comme le coton, doivent être privilégiées au détriment de régions moins stratégiquement essentielles à la paix de l’Europe. 3) Enfin, la France doit lancer, avec ses partenaires africains, une politique visant à reconquérir les âmes pour contrer l’Islamisme. Elle ne le fait pas dans ses banlieues ; le fera-t-elle à Bamako ou Ouagadougou ?

C’est en réalité sur ce dernier point qu’Emmanuel Macron est attendu et c’est sur ce sujet que les Français lui demanderont des comptes, en Europe comme en Afrique.

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