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L’Europe s'efface au profit de l'Asie
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Puissances économiques mondiales

L'émergence de l'Asie depuis la seconde partie du XXe siècle se confirme au XXIe, au détriment de l'Europe. Le Conseil économique de la Défense apporte son éclairage dans un livre "Un monde sans Europe ?". Extraits (2/2).

Christophe Jaffrelot

Christophe Jaffrelot

Christophe Jaffrelot est le directeur du CERI (Centre d'études et de recherches internationales).

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Si le XIXe siècle a été celui de l’Europe et si le XXe a été dominé par les États-Unis, le centre de gravité du monde pourrait bien se situer sur le Pacifique au XXIe siècle, en raison de la capacité de résistance des États-Unis et, surtout, de l’émergence de l’Asie – un phénomène que les Asiatiques eux-mêmes qualifient volontiers de réémergence en soulignant que leur continent régnait sur l’économie mondiale au XVIIIe siècle.

Ayant fait le choix, dans cet ouvrage, de nous limiter à quelques coups de projecteur, nous considérons l’Asie du Pakistan au Japon, en excluant les pays d’Asie centrale et la zone du Pacifique, bien qu’elle s’intègre de plus en plus au reste du continent (en particulier l’Australie). Cette Asie du Pakistan au Japon est une aire de puissance (et de puissances !) en expansion rapide mais contrastée, voire divisée, tant au plan social qu’aux niveaux économique et politique.

Si la Chine et le Japon figurent respectivement au deuxième et au troisième rang des puissances économiques mondiales, l’Asie compte certains des pays les plus pauvres au monde comme la Birmanie, le Bangladesh et la Corée du Nord. Avec 3,4 milliards d’habitants, elle représente 56 % de la population de la planète.

Nous prendrons d’abord la mesure de la montée en puissance de l’Asie au plan économique et diplomaticostratégique, avant de centrer notre attention sur les forces et les faiblesses des deux principaux moteurs du continent que sont la Chine et l’Inde.

L’Asie abrite aujourd’hui 6 des 25 plus grandes économies mondiales. Le Pib combiné de ces six pays (14 673 milliards de dollars) représente 24 % du Pib mondial, c’est-à-dire autant que le Pib des États-Unis (14 745 milliards de dollars) et légèrement moins que le Pib de l’Union européenne (26 % du Pib mondial).

La stratégie de développement de l’Asie émergente, calquée sur le modèle japonais d’après-guerre, repose sur un processus bien connu : importation de produits, imitation, industrialisation rapide grâce à une main-d’oeuvre abondante et bon marché, protection du marché intérieur, essor des exportations, puis remontée progressive de la filière vers plus de valeur ajoutée, développement du marché intérieur pour « sanctuariser » la croissance, et enfin délocalisation pour faire baisser les coûts de production. Le Japon et les nouveaux pays industrialisés de la première génération (Hong Kong, Singapour, Taïwan, Corée du Sud) ont déjà achevé ou sont en train d’achever ce cycle. La Chine suit ce schéma : elle travaille à passer du statut d’usine du monde à celui de laboratoire du monde. L’évolution des pays de la région vers des industries à plus fort coefficient de matière grise se lit dans l’accroissement significatif de leurs dépenses en recherche et développement. La Chine consacre d’ores et déjà plus de moyens financiers à ce poste de dépenses que l’Union européenne [...].

Le dynamisme économique de l’Asie tient aussi à l’intégration de plus en plus grande des pays de la zone, dont témoignent les flux commerciaux. En 1970, 25 % du commerce extérieur de l’Asie était intrarégional. Ce chiffre est passé à 51,6 % en 2009. L’intégration régionale se fait notamment à travers la création de vastes zones de libre échange. C’est ainsi que la Chine a signé un accord de libre-échange avec l’Asean fin 2009.

L’Asie prend une part croissante dans le commerce international. Si elle ne représentait que 14 % de ce dernier en 1945, elle pèse aujourd’hui plus du double. Avec 30 % du total actuellement, la Chine et les Dragons asiatiques voient leurs poids relatifs croître alors que les positions du Japon s’érodent. Forte de sa façade maritime exceptionnelle, l’Asie s’affirme comme carrefour des échanges mondiaux et régionaux. Les plus grands ports du monde se situent maintenant en Asie : Shanghai, Hong Kong, Singapour, Kaohsiung…

Cette réussite commerciale donne à la région une puissance financière nouvelle. Plus de la moitié des réserves de change mondiales se trouvent en Asie. La direction que prennent ces réserves est devenue déterminante pour l’économie mondiale. La Chine finance aujourd’hui 70 % du déficit budgétaire américain (elle détient 1050 milliards de dollars en bons du Trésor américain). Elle a également investi dans des obligations en euros pour soutenir les économies des pays européens les plus fragiles (Grèce, Portugal, Irlande).

La crise économique a eu un effet accélérateur sur le rattrapage économique de l’Asie. Si elle a durement affecté l’Europe et les États-Unis, elle n’a pratiquement pas touché les pays émergents de la zone. Les économies les plus développées comme le Japon, Hong Kong, la Corée du Sud ou Taïwan ont connu une récession, mais la Chine et l’Inde n’ont connu qu’un recul temporaire de leur activité économique, rapidement suivi d’une vigoureuse reprise.

Christophe Jaffrelot

Philippe Esper

Christian de Boissieu

Pierre Delvolvé

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Extrait de Un monde sans Europe ?, Fayard Conseil Économique de la Défense (2011)

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