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Embouteillages de livreurs : les villes confrontées à l’explosion de commandes en ligne
©Reuters

Invasion de colis

Bien que le commerce en ligne ne représente encore qu'une faible part du commerce de détail, la forte progression enregistrée ces dernières années a conduit à une montée en puissance des services de livraisons dans les grandes métropoles

Corinne Ropital

Corinne Ropital

Corinne Ropital est chargée d'études logistique à ‎Institut d'Aménagement et d'Urbanisme d'Île-de-France.

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Bien que le commerce en ligne ne représente encore qu'une faible part du commerce de détail, la forte progression enregistrée ces dernières années a conduit à une montée en puissance des services de livraisons dans les grandes métropoles. Quels sont les chiffres de cette progression en France, et quelles sont les attentes en ce qui concerne l'avenir ? 

Corinne Ropital : Le e-commerce en France a généré un chiffre d’affaire de 72 milliards en 2016[1]. Avec 8% du commerce de détail[2], la part du B2C peut sembler « anecdotique ». Mais la croissance à 2 chiffres (15% en 2016) rend compte de l’ampleur du phénomène. Acheter par internet est entré dans les mœurs. 37 millions de Français ont d’ores et déjà franchi le pas. Ils ont réalisé en moyenne 28 transactions en 2016. L’enquête IAU montre que 9 internautes franciliens sur 10 achètent en ligne.

Tous ces achats ne génèrent pas de flux physiques. Quoiqu’il en soit, 460 millions de colis ont été générés en France par le B2C, en 2016, soit 10 millions de plus qu’en 2015...la barre du milliard d’envois devrait être atteinte en 2020[3]. Cette croissance impacte donc la filière logistique. Des expressistes indiquent que le flux B2C progresse de 30% dans leur activité, en nombre de colis. Le revenu associé augmenterait de 8% par an d’ici 2020[4].

Quels sont les défis urbains auxquels sont confrontées les grandes villes, Paris en l’occurrence ? 

Dans ce contexte de croissance, les métropoles sont confrontées à de nombreux défis, liés au « dernier kilomètre », à la logistique urbaine. Par exemple, les consonautes montrent une forte préférence pour la livraison à domicile. A chaque colis correspond un point de livraison. Les tournées augmentent avec le nombre d’arrêts. Les livraisons s’individualisent et se parcellisent. Ensuite, il y a la question du délai. La livraison en 24 heures est une « norme ». Des offres proposent une mise à disposition du produit le jour de la commande, voire dans l’heure. Qui plus est, le nombre de références disponible online est pléthorique. 

Tout cela pose question en termes de circulation, de lieux de livraison – les aires de livraison - et de lieux logistiques. Ces enjeux existaient avant l’arrivée du e-commerce. Mais celui-ci confirme le besoin de prendre en compte la logistique dans l’aménagement et le développement économique du territoire.

Livrer des individus, toujours plus vite, de plus en plus de références nécessitent plusieurs types d’outils logistiques interconnectés, allant de la méga plateforme de 100 000 m² à la boîte aux lettres de quelques cm³.

La logistique a connu un desserrement en Île-de-France et une disparition progressive de du centre de la métropole. En 40 ans, la surface d’entreposage en région capitale a progressé de 40% au total mais diminué de 9% en petite couronne[5].

Le retour en zone dense s’amorce, toute proportion gardée. Une diversité d’outils se dessine. Ils répondent aux noms d’espace logistique urbain, d’espace urbain de distribution, de livraison, d’hotel logistique, de plateforme urbaine de distribution, de consignes, … ils développent des surfaces de 15 000 m² à quelques m². Mixtes ou dédiés, verticaux, en sous-sols… ils se densifient pour s’insérer dans l’univers de la ville. Cela se complexifie quand il faut faire cohabiter des fonctions qui répondent à de multiples normes, telles que celles relatives aux ERP et à l’ICPE 1510. Enfin, le défi – de taille - est lié à la valeur foncière de la « terre » urbaine, qui sort des modèles économiques de la logistique standard.

Le défi consiste à développer ces nouveaux outils mais aussi maintenir les sites existants car leur localisation est stratégique.

Quelles sont les solutions testées qui se sont révélées le plus efficaces pour faire face à la situation ? L'engorgement est-il simplement évitable ? 

Les solutions montrent qu’il est indispensable de tenir compte de toute la supply chain et des différents types de flux, et dépasser les limites de Paris. Les précurseurs des espaces logistiques urbains il y a 5 ans montrent aujourd’hui le véritable intérêt à disposer de lieux  DANS l’urbain. C’est le cas de Beaugrenelle. Les conditions d’exploitation doivent pouvoir être respectées.

Les acteurs s’organisent. Les solutions sont liées aux filières, à la nature des produits, qu’il s‘agissent de B2C ou de B2B. Les schémas logistiques des professionnels sont rôdés. En Ile de France, 4.5 millions de mouvements (livraison et/ou enlèvement) ont lieu chaque semaine. L’harmonisation des réglementations en matière de circulation à une échelle pertinente pour les process logistiques et l’urbanisme existant contribuerait à l’optimisation du système. Palettes, matériaux, colis, conteneurs, … le transport est réalisé par des véhicules utilitaires lourds et légers. Veiller à cette diversité dans la prise de décision est essentiel. Aussi, les modes fluvial et ferroviaire contribuent à limiter l’occupation des infrastructures routières et leur congestion. Il n’empêche qu’en 2018 le mode routier représente 90% des volumes de marchandises en Île de France. Il assure aussi le pré et le post–acheminement des transports ferroviaires et fluviaux. En ce sens, préserver les sites multimodaux tels que les ports est un moyen de pérenniser leurs fonctions actuelles et à venir. Les règles en matière d’urbanisme font partie des leviers d’actions à plus ou moins long terme.



[1] Source : Fevad

[2] Source : Fevad- Insee

[3] Source : Xerfi

[4] Source : Xerfi

[5]  De 1987 à 2008, source DRIEA. 

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