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"Un embargo sur le pétrole iranien rendrait le marché pétrolier extrêmement tendu"
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Iran / USA

Suite aux menaces d'embargo sur l'Iran, Téhéran assure que ce serait un suicide économique tandis que Washington jure pouvoir se passer du pétrole iranien. L'Arabie Saoudite estime pouvoir répondre à la demande en poussant sa production au maximum. Une situation extrême qui entraîneraient surtout des tensions sur les prix de l'énergie.

Thierry Coville

Thierry Coville

Thierry Coville est chercheur à l’IRIS, spécialiste de l’Iran. Il est professeur à Novancia où il enseigne la macroéconomie, l’économie internationale et le risque-pays.
 
Docteur en sciences économiques, il effectue depuis près de 20 ans des recherches sur l’Iran contemporain et a publié de nombreux articles et plusieurs ouvrages sur ce sujet.
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Atlantico : Suite aux menaces d’embargo pétrolier sur l’Iran, le vice-ministre américain à l’Energie, Daniel Poneman, a assuré que "le monde peut se passer du pétrole iranien". De l’autre, l’ambassadeur iranien auprès de l’OPEP, Mohammad-Ali Khatibi, jure que ce serait "un suicide économique". Qui croire ?

Thierry Coville : Il est possible de se passer du pétrole iranien. Ce qui compte, c’est la loi de l’offre et de la demande : si l’offre mondiale est réduite, l’impact sur le prix est immédiat. L’Iran est le deuxième producteur mondial. Si l’on renonce à ce fournisseur, le coût de l’énergie va augmenter en conséquence. Le vrai problème c’est ça : l’impact sur le prix.

Si l’on regarde le dernier bulletin de l’OPEP de janvier 2012, il est clair que le baril de Brent fin 2011 est 39% plus cher que fin 2010. Début décembre, il était pourtant à la baisse. Il est remonté mi décembre à cause de deux choses : la reprise de l’économie américaine et donc de la demande ainsi que les complications géopolitiques avec l’Iran.

Du côté des marchés à terme, il y a eu une légère hausse en janvier. Si un embargo total sur l’Iran est clairement impossible, une reprise, même partielle de l’économie américaine entraîne des besoins en énergie. L’Iran, avec de simples déclarations, peut entraîner un impact sur le prix du pétrole.

C’est aussi pour ces raisons que Barack Obama a demandé une certaine flexibilité dans l’application des sanctions envers l’Iran. Il sent que l’économie américaine, dans une phase plutôt positive, n’a surtout pas besoin de faire face à un choc pétrolier. Le président américain, en pleine campagne électorale, sait que le plus important pour les Américains reste l’économie. D’où une vraie prudence vis-à-vis de l’Iran.

Les autres pays producteurs de pétrole ont-ils les moyens de produire suffisamment de pétrole pour répondre, sans l’Iran, à la demande mondiale ?

L’Arabie Saoudite produit 9,7 millions de barils par jour. Ils disent qu’ils ont les capacités de monter jusqu’à 12 millions par jour. S’ils le font, ils se retrouvent au maximum de leurs capacités. Dans ce cas, le marché le prendrait en compte et le moindre incident géopolitique entraînerait des tensions sur les prix.

On l’a déjà vu par le passé. Lorsque le marché a le sentiment que les pays producteurs sont au maximum de leurs capacités, il réagit alors à tout : une augmentation de la demande, des tensions avec l’Iran ou une baisse de la production. Le marché a alors l’impression qu’il n’y a plus une goutte de pétrole disponible.

L’Irak pourrait faire augmenter sa production mais il y a énormément d’incertitudes sur ce pays. La Libye devrait également revenir sur le marché, là aussi avec des délais et des incertitudes liées à la guerre récente. Les Européens et les Américains comptent surtout sur l’Arabie Saoudite.

Si l’économie américaine repart, il y a des retombées positives également en Chine. Une situation économique globalement à la hausse entraîne une augmentation mondiale des demandes en énergie. Ce n’est pas le moment d'avoir un embargo sur le pétrole iranien qui rendrait le marché pétrolier extrêmement tendu et réactif.

Pour les pays de l’OPEP, ces menaces envers l’Iran et donc une potentielle hausse des prix, constituent une bonne ou une mauvaise nouvelle ?

Pour les pays de l’OPEP, la situation est compliquée. L’augmentation des prix est à priori une bonne nouvelle mais il faut aussi prendre en compte les conséquences géopolitiques. L’Iran a clairement menacé l’Arabie Saoudite en rappelant qu’il ne fallait pas prendre de décisions à la légère.

Les pays de l’OPEP cherchent à agir de manière collective. A long terme, des tensions entre les pays membres pourraient avoir des conséquences sur la stratégie de l’organisation. Pour toutes ces raisons, l’Arabie Saoudite n’est pas totalement libre et doit réussir à obtenir le soutien des autres membres.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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