Elizabeth II ou le génie politique d’une femme qui ne l’était pas (politique)<!-- --> | Atlantico.fr
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Elizabeth II est décédée le jeudi 8 septembre 2022 à l'âge de 96 ans.
Elizabeth II est décédée le jeudi 8 septembre 2022 à l'âge de 96 ans.
©Christopher Furlong / POOL / AFP

Génie du conservatisme

La reine Elizabeth II est décédée ce jeudi à l'âge de 96 ans après un règne d'une longévité record. Dans quelle mesure la reine incarnait-elle une forme de génie du conservatisme ?

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Jacques Charles-Gaffiot

Jacques Charles-Gaffiot

Jacques Charles-Gaffiot est l'auteur de Trônes en majesté, l’Autorité et son symbole (Édition du Cerf), et commissaire de l'exposition Trésors du Saint-Sépulcre. Présents des cours royales européennes qui fut présentée au château de Versailles jusqu’au 14 juillet 2013.

 

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Atlantico : La reine Elizabeth II est décédée à l'âge de 96 ans après un règne d'une longévité record, 70 ans. A quel point a-t-elle su s’adapter à tous les changements, matériels, politiques ou dans les mœurs sans rien renoncer ou opérer de rupture et ainsi préserver les institutions ?

Christophe Boutin : En 2019, un sondage indiquait que seuls 20 % des Britanniques se déclaraient contre l’institution monarchique : 54 % lui étaient au contraire favorables, et 26 % hésitaient. Nul doute qu’une large part de cette préservation d’un idéal monarchique dans l’esprit de nos voisins britanniques ait été due à la personnalité d’Élisabeth II, cette reine qui aura incarné pendant 70 années une fonction en se plaçant totalement à son service, et sans doute en y sacrifiant une part d’elle-même, mais sans jamais rien en laisser transparaître, appliquant ce conseil donné dit-on par la reine Victoria à son fils, le futur Edouard VII : « Never explain ; never complain ».

La monarchie britannique et sa représentante auront ainsi connu, comme vous le notez, ces bouleversements majeurs qui frappent l’Europe depuis un demi-siècle, bouleversements économiques, politiques, sociaux. Autant d’éléments que la souveraine, qui se tenait fort au courant de ce qui pouvait se passer au-delà des murs de ses résidences, qui rencontrait régulièrement ses 17 chefs de gouvernements successifs, et tant d’autres personnalités, mais qui savait aussi s’intéresser au sort de ses sujets, pouvait d’autant moins ignorer que certains de ces bouleversements eurent des répercussions au sein même de la famille royale. 

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Mais en fait, à bien y regarder, on pourrait dire que ce n’est pas la souveraine qui s’est adaptée aux changements, mais que ce sont les changements qui se sont adaptés à elle. En effet, ni les changements politiques, économiques ou de population, ni l’évolution des mœurs, n’ont modifié en quoi que ce soit, sinon de manière très marginale, la manière dont la souveraine incarnait sa fonction. Il est vrai que les obligations que lui imposaient cette dernière, l’impossibilité qu’elle avait, non seulement de prendre part au débat politique, mais même de manifester un certain nombre de choix qui auraient pu avoir des résonances politiques, favorisait cette mise à distance du souverain. Mais Elisabeth II avait aussi une trop haute idée de ce rôle que lui imposait l’histoire pour ne pas en assumer les charges, et, au milieu de ces changements, se rendait avec le même sourire aux manifestations qu’elle présidait ou ne manquait pas de saluer ses sujets qui venaient l’acclamer, assumant ainsi de se donner à voir, elle qui n’aimait sans doute rien tant que la solitude de Balmoral. 

C’est cela Elisabeth II, la conjonction, en une période de troubles majeurs, d’une institution qui incarne la stabilité, la monarchie, et d’une femme qui a conscience que son peuple recherche cette image de stabilité et qui la lui donne, par une attitude gardée jusqu’au bout, elle qui meurt en souveraine. Une abdication aurait sans doute été pourtant facile ces dernières années, entre son âge et ses deuils, mais elle ne voulut pas d’une porte de sortie qui aurait peut-être plus fragilisé son successeur légitime qu’autre chose. 

Jacques Charles-Gaffiot : Elle a compris qu’elle exerçait une mission qui lui a été dévolue et par Dieu et par son peuple. Elle ne s’est pas lancée à la conquête du pouvoir, comme la plupart des chefs d’Etat ; elle a reçu cette charge et en était le serviteur. Elle était à disposition du Royaume-Uni. Dans sa personne royale, deux personnages cohabitaient, selon la théorie des « deux corps du roi » : la souveraine d’un côté et de l’autre une femme qui était à la fois une épouse, une mère, une grand-mère vivant ses propres passions. Elle était, par ailleurs, le chef de la religion anglicane. Ainsi, comme ses prédécesseurs, pouvait-elle continuer à conserver et à incarner la tradition monarchique tout en sachant, avec justesse et prudence, y insuffler un air nouveau.

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Indépendamment du respect que lui vaut son statut en soi, comment la reine a su gagner le respect et l’affection de ses sujets et de beaucoup dans le monde ?

Jacques Charles-Gaffiot : Elizabeth II est devenue une figure spirituelle et morale de l’Occident. Dès son avènement,  elle a promis à ses sujets de consacrer sa vie entière -qu’elle soit longue ou courte- de les servir. Tout au long de son règne, elle a maintenu la valeur de ce serment, la force de la parole donnée. Elisabeth II est de nos jours, dans le monde, le seul souverain sacré. Par les onctions qu’elle a reçues lors de son sacre (et non pas son couronnement), elle est devenue un personnage consacré, c’est-à-dire mis à part du reste de ses sujets.  Aussi cet engagement a-t-il été effectué prenant Dieu a témoin. Croyante, tout au long de son règne, elle a su maintenir ce cap, en acceptant tous les sacrifices demandés dans l’exercice de sa fonction. La réserve dans laquelle elle a toujours voulu se maintenir, sans donner des gages à tel ou tel parti, à tel ou tel lobby, est un exercice difficile, voire surhumain. 

Dans quelle mesure la reine incarne-t-elle une forme de génie du conservatisme : la préservation de la tradition, l’incarnation d’une identité nationale tout en sachant ne pas être figé et donc ne pas rompre ?

Christophe Boutin : C’est, au-delà de la seule personnalité d’Elisabeth II, toute la question de l’institution royale. Dans le monde traditionnel, on a coutume de représenter le souverain comme étant le moyeu d’une roue, c’est-à-dire le centre immobile autour duquel le reste tourne et qui, par son existence même, empêche l’ensemble de se disloquer. Un souverain, par ailleurs, comme n'importe lequel d'entre nous d'ailleurs, mais de manière plus symbolique, c’est une lignée : la personne n'est jamais que celle qui, à un moment, ici entre son couronnement et sa mort, incarne cette lignée. 

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Tradition, héritage, transmission, autant d’éléments qui sont au cœur de la pensée conservatrice et qui ont donc un évident rapport avec l’institution monarchique. Et le souverain, qui incarne l’identité nationale, sait comment faire évoluer l’ensemble, là encore dans une approche très conservatrice, car le conservatisme n’est jamais figé, mais sait adapter une manière de vivre à un monde nouveau sans jamais renier les fondamentaux, sans jamais oublier ce qui a permis les progrès passés de la société.

C’est au moment de la mort de Diana Spencer, devenue une icône médiatique et qui jouait de son image de proximité très éloignée de la distance naturelle qui a toujours été celle de la souveraine, qu’il y eut peut-être un temps de doute. Dans un très beau film, The Queen, Helen Mirren incarne avec je crois beaucoup de justesse ce moment où Elisabeth II a du prendre en compte cette évolution. Elle n’a pourtant jamais cédé, et jamais fait passer ce qu’elle était, l’incarnation d’une tradition et d’un ordre ancien, sous les fourches caudines de la pseudo-célébrité médiatique et de ses niaiseries. 

Même dans ce très court moment donc, Élisabeth II est restée l’incarnation de l’institution monarchique et de la nation, et les Britanniques ont eu très certainement plaisir, au fil de toutes ces années, au milieu de tous ces bouleversements, à retrouver avec elle quelque chose qui, justement, ne passait pas, quelque chose qui n’était pas « dans le vent », pour y flotter comme une bulle de savon au gré des courants, et quelqu’un qui incarnait quelque chose de plus long que la seule durée de vie d’un homme. 

Au moment où l’on parle beaucoup de « protéger », où les peuples, jetés au milieu de bouleversements qu’ils ne maîtrisent pas aspirent à la recherche d’une certaine sécurité, la permanence de l’institution monarchique, telles que l’incarnait Élisabeth II, représente une sorte de sécurité culturelle absolument indispensable. Et elle crée aussi, grâce à cette sécurité culturelle, un point focal vers lequel tous peuvent se tourner, et une image ou un idéal qui peuvent rassembler ceux qui, sinon, peineraient à se trouver des points communs. Une telle institution favorise ainsi cette fameuse philia, cette amitié entre les citoyens dont Aristote disait qu’elle était indispensable à la survie d’une société. 

C’est cette communion nationale qui, très certainement se manifestera spontanément dans les jours qui viennent au Royaume-Uni, et dont le dernier souvenir, en France, remonte à la déclaration de Georges Pompidou annonçant la mort du Général De Gaulle : « La France est veuve ».

Jacques Charles-Gaffiot : Elle ne s’est jamais montrée figée et c’est dans ce sens qu’elle gouverne et peut agir dans l’évolution des institutions de son pays. Si la souveraine est dépourvue de pouvoirs constitutionnels importants, elle a su gouverner les cœurs par l’exemple et les attitudes quotidiennes qui ont été les siennes. On a parfois évoqué sa froideur, mais en réalité, Elizabeth II a cherché à conserver la distance que doit avoir un arbitre, qui ne saurait entrer dans des considérations partisanes. Mais ne mésestimons pas une certaine proximité. La “Reine mère” n’aurait sans doute pas assisté aux funérailles de Lady Diana, tandis qu’Elizabeth II a su le faire car elle a compris, en prenant le recul suffisant, qu’elle devait répondre à l’attente d’un très grand nombre de ses sujets et participer à ces obsèques. Elle sent l’âme de son peuple. Elle possède des capacités qui peuvent apparaître “surhumaines”. Son sacre lui assure une certaine transfiguration spirituelle et morale qui place Elisabeth II, comme bientôt son successeur Charles III, au-dessus de la communauté humaine. 

Que doit la monarchie britannique à Elisabeth II ?

Jacques Charles-Gaffiot : Elle a su maintenir l’essentiel, à savoir cette grandeur morale qu’elle a incarnée parfois dans des conditions difficiles. La longévité du règne montre également que les avancées sociales ou institutionnelles doivent s’opérer dans le temps long, sans nécessairement répondre aux exigences médiatiques si changeantes. L’arbitre doit pouvoir juger sereinement et asseoir ainsi son autorité. Mais le plus important, me semble-t-il, est de comprendre qu’en maintenant le sens de son serment, le titulaire du trône ne saurait abdiquer ou révoquer le sacrement conféré lors du sacre. Il faut marcher jusqu’au bout. 

Sans jamais avoir fait de politique, quels sont les accomplissements politiques d’Elizabeth II pour son pays ?

Christophe Boutin : Au plan national, Élisabeth II a été pour le Royaume-Uni, cette incarnation d’une fonction, d’une mission, qui par la rigueur qu’elle s’imposait à elle-même, impressionnait jusqu’aux opposant les plus farouches au système monarchique. Au moment où se font jour des velléités indépendantistes, notamment dans cette Écosse qui lui était si chère, sa manière d’incarner la monarchie aura sans doute freiné ces tendances, et c’est donc son premier accomplissement politique si l’on peut dire. 

On peut retrouver cette même approche dans le cadre du Commonwealth, car il est certain que certains États qui en sont membres auraient pu, comme d’autres, se séparer de l’institution monarchique - autrement dit avoir un chef d’État qui ne soit pas le souverain britannique -, et qu’ils ne l’ont pas fait, partiellement au moins, à cause de l’image personnelle d’Élisabeth II, qui a vécu toute la période de décolonisation, et qui a toujours su respecter les différentes identités des peuples du Commonwealth. 

Enfin, on aurait tort de négliger le rôle joué par la souveraine britannique dans le domaine des relations extérieures. Un chef d’État en fonctions soixante-dix années, qui a pu rencontrer un nombre respectable de ces dirigeants qui, plus ou moins célèbres, se sont succédés à la tête de leurs États respectifs, qui a connu la Seconde Guerre mondiale, et y a joué un rôle, incarnant la proximité de la famille royale et de ses sujets dans les heures sombres, ne peut qu’impressionner ses nouveaux visiteurs. Par là même, Élisabeth II donnait à son pays une dimension particulière, ce à quoi bien peu de chefs d’État peuvent prétendre. 

Jacques Charles-Gaffiot : Je ferais référence à son rôle pendant et après la Seconde Guerre mondiale. Son père était sur le trône, mais Elizabeth II a lancé toute une série d’opérations discrètes, caritatives et humanitaires pour rester solidaire des Britanniques. Elle n’était jamais tombée dans le piège de la communication. Elle n’avait nul besoin de tout ça. Elle est et doit rester la souveraine. Ainsi a-t-elle su incarner, même au-delà des frontières de l’empire, une certaine marque d’autorité. Or l’autorité est une des valeurs les plus difficiles à conserver pour un chef d’Etat. On recueille l’autorité mais on ne saurait se l’approprier de son propre chef. Elisabeth II a ainsi été reconnue par l’ensemble du monde entier. La princesse Elisabeth fut en quelque sorte le premier sujet de la reine Elisabeth II. 

Comment la reine s’inscrivait-elle dans la théorie de “the efficient and the dignified” de Bagehot ?Est-ce ce qui manque à nos régimes ?

Christophe Boutin : Quand Walter Bagehot publie, en 1867, The English Constitution, pour définir les rapports du Parlement et du souverain – auquel il reconnaît le droit d'être informé, celui d'encourager, et celui enfin de mettre en garde -, il écrit que le fonctionnement de l’État suppose deux éléments complémentaires : celui, d’abord, de « susciter et de conserver le respect de la population » ; celui, ensuite, « d’utiliser ce soutien au service du gouvernement » - et il qualifie le premier de « digne » et le second « d’efficace ». 

C’est en fait tout le rôle de légitimation du souverain qui est ici en jeu : bénéficiant d’une légitimité particulière, la légitimité traditionnelle, historique, en tant que représentant d’une lignée et d’une tradition, incarnant la nation, le souverain obtient plus facilement que d’autres le respect de ses sujets. Mais ce respect, et Bagehot le montre bien, n’est pas destiné à conforter le monarque, mais bien à être utilisé au service de l’institution monarchique elle-même, c’est-à-dire, dans le cas de cette Angleterre du XIXe siècle, au service de l’action d’un gouvernement sur lequel pourtant le souverain n’a aucun moyen d’action politique. En fait le souverain doit étendre sur le gouvernement la protection particulière que lui confère son incomparable légitimité, et c’est pourquoi, chaque Premier ministre va se présenter au souverain qui, en lui demandant de former un gouvernement, l’adoube en quelque sorte, et lui apporte cette caution particulière qui s’ajoute à la légitimité élective dont dispose déjà le Premier ministre. 

Dans nos régimes démocratiques, et tout spécialement en France, la légitimité du pouvoir ne résulte pas de cette légitimité traditionnelle, mais de ce que Max Weber appelle la légitmité « rationnelle légale » - élective si l’on veut. Il n’en reste pas moins que dans les temps troublés, cette dernière apparaît moins rassurante, moins protectrice, que la légitimité traditionnelle – et c’est d’ailleurs pourquoi se fait jour, si la légitimité traditionnelle n’existe plus, la demande d’une autre forme de légitimité, la légitimité « charismatique », autrement dit celle qui est liée à l’image mythique de l’homme providentiel. 

On voit donc la différence avec le régime anglais, et il n’est pas certain que, si le chef de l’État disparaissait la population aille en masse manifester spontanément son émotion à l’Élysée en allumant des bougies devant la grille du coq.

Jacques Charles-Gaffiot : La souveraine incarne la nation, celle d’hier, d’aujourd’hui comme de demain. Elle a su susciter autour de sa personne l’admiration. Même les républicains les plus acharnés au Royaume-Uni garderont un véritable respect du personnage, avec cette capacité à rester dans les limites de sa mission, service quasi sacerdotal qu’elle a acceptée à l’âge de dix-neuf ans et qui lui a été dévolue par le système héréditaire de la monarchie anglaise. 

Le personnage d’Elizabeth II est une exceptionnelle illustration du sens du devoir, à une époque où l’individualisme règne en maître au sein de la société. Elisabeth II est un véritable serviteur de l’Etat. Elle a eu à coeur que la justice soit la plus juste possible. On reproche souvent, et à juste titre, aux gouvernants d’être là pour se « goberger » et occuper des places. Mais cela a été tout le contraire pour la reine, durant les 70 ans de son règne. S’astreindre à un protocole aussi pesant quotidiennement s’apparentant à un véritable sacerdoce, maintenir contre vents et marées une dignité incomparable, tous ses efforts ont fait d’elle une véritable figure spirituelle et morale pour l’Occident.

En France, nous avons perdu le sens donné à la légitimité et au maintien au pouvoir. Le président Macron dégage trop souvent une fausse proximité, qui témoigne avant tout de préoccupations liées à la communication sans autre visée que l’immédiateté de résultats insignifiants. Jouant à « faire peuple », il brade malheureusement trop souvent la dignité de la fonction à laquelle les Français l’ont élevé. 

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