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Effondrement de Hollande dans les souhaits de candidature 2017 : ce que paie vraiment le président
©REUTERS/Francois Lenoir

Et plouf !

Un sondage Opinion Way/Le Figaro révèle que 40% des sympathisants socialistes désignerait Manuel Valls pour la présidentielle de 2017, contre 16% pour Martine Aubry et 15% pour François Hollande.

Christian Delporte

Christian Delporte

Christian Delporte est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Versailles Saint-Quentin et directeur du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines. Il dirige également la revue Le Temps des médias.

Son dernier livre est intitulé Les grands débats politiques : ces émissions qui on fait l'opinion (Flammarion, 2012).

Il est par ailleurs Président de la Société pour l’histoire des médias et directeur de la revue Le Temps des médias. A son actif plusieurs ouvrages, dont Une histoire de la langue de bois (Flammarion, 2009), Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine (avec Jean-François Sirinelli et Jean-Yves Mollier, PUF, 2010), et Les grands débats politiques : ces émissions qui ont fait l'opinion (Flammarion, 2012).

 

Son dernier livre est intitulé "Come back, ou l'art de revenir en politique" (Flammarion, 2014).

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Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann est Directeur en charge des études d'opinion de l'Institut CSA.
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  • L'aile gauche du PS et le FDG sont en panne de stratégie après les mauvais résultats des Européennes : soit la gauche "sociale" ne vote plus, soit elle disparaît du radar.

  • Le résultat du sondage Opinion Way montre un net désaveu de la stratégie présidentielle.

  • Le succès de Valls s'explique par le fait qu'il soit un contre-modèle de Hollande en termes de com' : "N'en concluons pas trop vite que la "ligne Valls" social-libérale a désormais triomphé. L’élan vers l’homme, sa personnalité, sa fermeté souligne davantage la déception à l’égard de Hollande, dont il apparaît comme le contre-modèle, qu’au détail de ses idées qu’ignore le présent sondage".

  • La base sociologique du PS s'effondre avec le départ de toutes les catégories actives (employés ouvriers fonctionnaires).

Atlantico : En termes de rapport de force à gauche, quels enseignements peut-on tirer du dernier sondage d'Opinion Way si on les met en rapport avec le résultat des primaires socialistes de 2011 ?

Christian Delporte : Evidemment, Manuel Valls à 40% chez les sympathisants socialistes, alors qu’il avait obtenu 5,63% à la primaire, apparaît comme le grand vainqueur. Mais il faut apporter plusieurs nuances à un sondage qui, effectué à trois ans de la présidentielle, n’est en rien prédictif, dont l’"offre" est discutable et qui est effectué à un moment où Hollande bat des records d’impopularité ! D’abord, le résultat exprime le désarroi des sympathisants socialistes face à la politique de François Hollande, voire à sa personne même. Valls étant le plus populaire à gauche, les sondages ne pèsent nécessairement sur leur réponse. C’est un réflexe qui, en 2011, avait joué en faveur de Hollande, alors que les enquêtes d’opinion semblaient indiquer qu’il était le mieux placé pour l’emporter face à Nicolas Sarkozy. Le sondage souligne, à cet égard, ce qu’on pressentait alors : le faible socle d’adhésion à la personne de François Hollande en 2011-2012 se traduit aujourd’hui par un score calamiteux. Ensuite, on constate que les sympathisants socialistes n’ont pas oublié Martine Aubry, alors qu’elle est retirée de la vie politique nationale et celle du parti, et s’exprime très peu. Un regret qui met en évidence la défiance à l’égard du président de la République. Mais n’en concluons pas trop vite que la "ligne Valls" social-libérale a désormais triomphé. L’élan vers l’homme, sa personnalité, sa fermeté souligne davantage la déception à l’égard de Hollande, dont il apparaît comme le contre-modèle, qu’au détail de ses idées qu’ignore le présent sondage. Malgré tout, on constate un écart important entre les sympathisants socialistes qui, mus par le pragmatisme, sont tentés par Valls et les militants du PS où le Premier ministre n’est encore guère populaire.

Yves-Marie Cann : Le sondage confirme la profonde dégradation de l’image de François Hollande que nous observons depuis deux ans auprès des sympathisants de gauche. Alors que le Président de la République pouvait se prévaloir en mai 2012 de la confiance de 88% d’entre eux, ils n’étaient plus que 38% il y a quelques semaines dans l’ "Observatoire politique" réalisé par CSA pour Les Echos et Radio Classique ! A l’inverse Manuel Valls, bénéficiant d’une relative bienveillance au sein de l’opinion publique, tire profit d’une situation dont François Hollande est jugé comme étant le principal responsable.

Dans ce contexte, nul ne peut être surpris des décalages mis à jour avec la primaire socialiste de l’automne 2011, sauf à vivre coupé des réalités. De tels résultats témoignent du fait que le lien de confiance censé lier le président à sa famille politique s’est rompu. Le mal est profond : faute de résultats tangibles sur le front économique et social, le doute sur le bienfondé des actions engagées par l’exécutif s’installe jusque dans son propre camp. De plus, la personnalité même de François Hollande est de plus en plus contestée. Dans une récente enquête CSA pour Nice-Matin, une majorité de ses électeurs à la présidentielle lui reprochaient de ne pas savoir où il va et de ne pas être à la hauteur des événements…

Comment ces évolutions se redécoupent-elles lorsque l'on prend en compte les différentes catégories sociales ? 

Yves-Marie Cann :A de tels niveaux d’impopularité, François Hollande a perdu du terrain au sein de l’ensemble des catégories sociales. Le plus frappant – et sans doute le plus inquiétant pour le chef de l’Etat – réside dans l’effondrement de ses soutiens dans la population active, c’est-à-dire les personnes en âge de travailler. Celles-ci avaient pourtant été d’un apport décisif dans sa victoire face à Nicolas Sarkozy. Toutefois, l’incapacité de l’exécutif à tenir sa promesse d’une baisse rapide du chômage et les nombreux efforts fiscaux demandés aux Français, notamment aux salariés, ont profondément déçu. Dans ce contexte, le recours à des mesures ciblées, notamment sur le plan de la fiscalité avec l’annonce de prochaines baisses d’impôts pour les plus modestes, me semble révéler une erreur d’appréciation. Le "ras-le-bol" fiscal atteint en effet un tel niveau au sein de la population que les attentes sont très fortes au sein même des classes moyennes, dont la plupart ne verront pourtant pas leur impôt sur le revenu baisser à la rentrée.

Un taux d'adhésion aussi faible, et portant sur l'ensemble des Français, peut-il amener les cadres du Parti socialiste à tenter d'amener une autre offre politique ? Quels seraient les candidats potentiels ?

Christian Delporte : Si, dans moins deux ans, Hollande est toujours aussi bas, se posera la question d’une nouvelle candidature. Nous n’en sommes pas là. Entretemps, les sondages se confirmant, la pression sera forte sur lui. La question des primaires, ordinairement inimaginable pour un président en exercice, deviendra un point central du débat. La presse testera des noms alternatifs de leaders de gauche susceptibles de l’emporter en 2017, selon les sondages. Mais n’imaginons pas un "coup d’Etat" au PS qui s’avérerait collectivement suicidaire et ferait rejaillir le fantôme du 21 avril 2002. Et puis, tout cela dépendra aussi de l’adversaire ou des adversaires potentiels. Au fond, pour le PS, mieux vaudrait une candidature Hollande, même promis à une défaite. Car l’annonce de son retrait déclencherait une guerre entre les quinquas et les quadras, des stratégies d’alliance improbable autour du "Tout sauf Valls", peut-être le retour de Ségolène Royal et de Martine Aubry, bref une cacophonie telle que le PS ne s’en relèverait pas avant longtemps. Les cadres du PS, qui sont aussi députés, n’ont pas intérêt au chaos car, en cas d’échec socialiste à la présidentielle, suivraient des législatives désastreuses qui emporteraient aussi des ambitions individuelles. Bref, les cadres du PS ont plutôt intérêt à miser sur l’après-Hollande que provoquer son retrait.

Faut-il voir par ailleurs une progression de la tendance sociale-démocrate "assumée" au sein du Parti socialiste à travers la forte progression du score de Manuel Valls auprès des sympathisants ?

Yves-Marie Cann : Je ne le pense pas. D’abord parce que le positionnement de François Hollande en 2011 n’avait rien de "gauchiste" ou de "révolutionnaire" : les engagements sur le désendettement public ont été pris dès cette période. Ensuite parce que le sondage auquel vous faite référence me semble davantage illustrer le rejet que suscite François Hollande plutôt qu’une adhésion pleine et entière à Manuel Valls, vers lequel se tourne par défaut une majorité relative de sympathisants de gauche, celui-ci n’étant pas encore usé par l’exercice du pouvoir à Matignon. Enfin, rappelons que si la primaire socialiste lui a offert une certaine visibilité, Manuel Valls était inconnu d’une majorité de Français en 2011, qui ne l’on découvert que plus tard, comme Ministre de l’Intérieur.

Quelle part cette évolution de l'opinion à gauche peut-elle laisser à la gauche dite "sociale" alors qu'un important désaccord l'oppose à la politique gouvernementale ? 

Christian Delporte : On l’a peu souligné dans l’analyse du résultat des Européennes mais, outre le PS, le grand vaincu a été le Front de gauche. Le visage et les propos de Jean-Luc Mélenchon étaient à cet égard éloquents, lors de la soirée télévisée. Outre le score (6,43%), le Front de gauche a perdu 68% de ses électeurs par rapport au premier tour de la présidentielle de 2012. Il n’est évidemment pas le seul parti abandonné par son électorat (même le Front national a perdu 2 millions de voix par rapport à 2012), mais cette contre-performance considérable invalide sa stratégie de défiance à l’égard de la politique gouvernementale. Le FDG pensait profiter de la déroute du PS, mais le PS l’a entraîné avec lui. Les députés "rebelles" pourront toujours dire que les électeurs partisans du "coup de barre" à gauche ont choisi l’abstention. On pourrait leur répondre que l’abstention traduit surtout la déception face à l’absence de résultats. Reste que, pour l’heure, la ligne Valls est renforcée et les leaders de l’aile gauche du PS sont atones depuis les résultats des européennes. Bref, aujourd’hui, FDG comme aile gauche du PS sont en panne de stratégie.

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