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Effet d’optique :  l’attractivité de la France se mesure-t-elle surtout par la diminution de celle de l’Allemagne ?
©SEBASTIEN BOZON / AFP

Baromètre EY

Depuis 24 heures, concours de cocoricos macroniens, selon le baromètre EY, la France a détrôné l’Allemagne dans la course aux investissements étrangers.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le baromètre 2019 de l’attractivité du cabinet EY, qui comptabilise les investissements étrangers en France, vient une fois de plus de confirmer la bonne santé de l’économie française. Il y a deux mois, EY avait découvert que la France était rentrée dans le Top 5 de l’attractivité mondiale pour l’investissement étranger. Aujourd’hui, EY a fait le compte des projets réalisés en 2018 et - ô divine surprise - le nombre de projets d’investissements étrangers en France dépasse le nombre de projets recensés en Allemagne. La France détrône l’Allemagne au deuxième rang des pays européens les plus attractifs, et talonne la Grande-Bretagne qui reste numéro un, malgré les incertitudes du Brexit.

La gouvernance française y verra évidemment la confirmation de sa stratégie de relance, à l’heure où elle doit solder un certain nombre de restructurations industrielles comme Whirlpool ou General Electric, à l’heure aussi où elle doit lancer l’acte 2 du quinquennat.

Du coup, les commentateurs n’en reviennent pas sur la résilience de l’effet Macron, en dépit des gilets jaunes dont on pensait qu’ils avaient plombé la fin de l’année. Cela dit, les choses ne sont pas aussi simples que la première analyse faite sur ce classement.

1er point, c’est vrai l’économie française connaît un effet Macron. Le diagnostic présente en début de quinquennat sur le déficit de compétitivité correspond à l’analyse que faisaient la majorité des chefs d’entreprises et des investisseurs. Les premières mesures prises (fiscales notamment et sociales) ont donc amplifié l’effet de la politique de l’offre installée par Manuel Valls en fin de quinquennat de François Hollande. S’ajoutent le discours très pro-business et la promesse d’une évolution libérale avec une majorité politique large et assez cohérente, renforcée par l’absence d’alternative crédible.

2e point, le mouvement des gilets jaunes dont les image de violence du samedi ont été diffusées dans le monde entier pendant six mois, a un peu hypothéqué le moral des touristes du weekend end, mais ces images ont assez peu démonté le moral des investisseurs.   

3e point. Ce qui est vrai aussi est que la France a assez bien résisté à la déprime conjoncturelle de l’Europe toute entière. L‘Europe n’a évidemment pas échappé au ralentissement de la croissance mondiale, l’Europe a été touchée par les effets de la politique Trump et les menaces de guerres commerciales, mais la France a mieux résisté que les autres membres de l’Union européenne, pour une raison très simple, la France est moins engagée que ses partenaires et notamment l’Allemagne. Quand la conjoncture mondiale s’améliore, quand la croissance dans les émergents se redresse, l’Allemagne en profite très vite et très fort. Quand la conjoncture internationale pique du nez, la France est moins touchée puisque moins dépendante.

Ce baromètre 2019 du cabinet EY sur l’attractivité enregistre donc une baisse historique des investissements en Europe (-4 %), plombés par les risques protectionnistes et le Brexit. L’économie française enregistre de son côté une hausse des investissements étrangers de 1 %. CQFD.

Longtemps scotchée à la troisième marche du podium, la France, avec 1 027 projets enregistrés en 2018 (1 019 en 2017) coiffe au poteau l’Allemagne, où les projets d’investissement ont reculé de 13 % (973 projets). Une dynamique similaire à celle de la Grande-Bretagne (-13 % aussi), qui réussit toutefois de peu, à sauver sa place de premier de la classe grâce aux entreprises de la Tech et du digital, avec 1 054 projets contre 1 205 un an auparavant.

Pourvu que ça dure ! aurait dit Letizia, la mère de Napoléon. Parce que la contrainte de la réalité n’est jamais loin. L’Allemagne est malade mais son offre industrielle reste très compétitive. D’autant qu’elle bénéficie à fond d’un euro qui paraît légèrement plus sous-évalué aux industriels allemands qu‘aux français.

Emmanuel Macron a évidemment bénéficié d’un état de grâce pendant la première année de son quinquennat. La question est de savoir si la crise des gilets jaunes s’apparente à une crise d’adolescence ou alors si elle appelle à des changements profonds, lesquels ne correspondent pas forcément au logiciel d’offre mis en place.  

Les investisseurs sont toujours 80 % à avoir une opinion positive de la France. L’Hexagone reste par exemple la première des destinations pour les investissements industriels (339 projets dont 80 % d’extensions), loin devant la Turquie (203 projets) et l’Allemagne (152). Paris reste pour la deuxième année la capitale la plus attractive.

Mais ne rêvons pas, le véritable moteur de cette performance, c’est la recherche et développement (R&D) où les projets ont quasiment doublé en un an (+85 %), avec 144 intentions d’implantation ou de développement, contre 74 en Grande-Bretagne et 64 en Allemagne. Depuis plus de dix ans, le crédit d’impôt recherche a posé les bases d’une transformation industrielle de la France. Le crédit d’impôt recherche a fait de la France un paradis fiscal. Maintenant cet particularité soulevé deux questions : combien de temps nos partenaires européens vont accepter cette forme de dumping social ? Combien de temps le budget de la France pourra supporter le cout de cette niche fiscale ?

4e point, sur le plan politique, cette attractivité de la France donne évidemment des arguments au gouvernement pour continuer sur la même ligne. Mais elle ne permet plus de considérer l’Allemagne comme le bouc émissaire de tout ce qui ne fonctionne pas correctement chez nous.

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