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Dans un monde où l’on répète à longueur de journée que les pays émergents feront l’avenir, il importe de façonner un système scolaire qui conduise à une collectivité nationale plus solidaire.
Dans un monde où l’on répète à longueur de journée que les pays émergents feront l’avenir, il importe de façonner un système scolaire qui conduise à une collectivité nationale plus solidaire.
©Charles Platiau / Reuters

Qui a eu cette idée folle ?

Eric Delbecque revient sur le dernier ouvrage de Natacha Polony consacré à l'état alarmant du système scolaire français.

Eric  Delbecque

Eric Delbecque

Eric Delbecque est expert en sécurité intérieure, auteur des Ingouvernables (Grasset). Eric Delbecque est expert en sécurité intérieure et en intelligence économique et stratégique, Directeur du pôle intelligence économique de COMFLUENCE et Directeur Général Adjoint de l’IFET (Institut pour la Formation des Élus Territoriaux, créé à l'initiative de l’Assemblée des Départements de France, et agréé par le ministère de l’Intérieur pour dispenser de la formation aux élus). Il fut directeur du département intelligence stratégique de la société SIFARIS, responsable de la sûreté de Charlie Hebdo et chef du département intelligence & sécurité économiques de l’Institut National des Hautes Études de la Sécurité et de la Justice (INHESJ), établissement public administratif placé sous la tutelle du Premier ministre), directeur de l’Institut d’Études et de Recherche pour la Sécurité des Entreprises (IERSE, institut de la Gendarmerie nationale), expert au sein de l’ADIT (société nationale d’intelligence stratégique) et responsable des opérations d’intelligence économique et de communication de crise au sein d’une filiale de La Compagnie Financière Rothschild.

Par ailleurs, il fut conférencier à l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense Nationale), au CHEMI (Centre des Hautes Études du Ministère de l’Intérieur), et à l’École de Guerre Économique. Il a enseigné à Sciences Po (IEP de Paris), à l’ENA (École Nationale d’Administration), à l’IHEDN (Institut National des Hautes Études de la Défense Nationale), à l’ENM (École Nationale de la Magistrature), à l’EOGN (École des Officiers de la Gendarmerie Nationale), à Paris-Dauphine et au Pôle Universitaire Léonard de Vinci. Il est colonel de réserve (RC) de la Gendarmerie Nationale.

Il est l’auteur de nombreux livres portant sur les sujets suivants : l’intelligence économique, la sûreté des entreprises, les stratégies d’influence, l’histoire des idéologies, la sécurité nationale et le management de crise. Il a récemment publié Les Ingouvernables (Grasset) et, avec Christian Chocquet, Quelle stratégie contre le djihadisme ? Repenser la lutte contre la violence radicale (VA éditions). 

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L’époque exige sans doute quelques idées neuves mais aussi la méditation sur quelques valeurs classiques, qui seules autorisent à penser et à mettre en œuvre le changement. Parmi ces « vieilles lunes », l’organisation rationnelle de l’école de la République figure en bonne place. Natacha Polony nous le rappelle dans un ouvrage incisif (Le pire est de plus en plus sûr. Enquête sur l’école de demainEditions des Mille et une nuits) qui résume ses convictions majeures et rappelle qu’elle ne craint pas la fureur des « pédagogues »…

Premier point : débattre sur l’école n’est pas une vaine manie hexagonale. Elle conditionne la place de notre pays parmi les nations, ou plutôt le visage de l’enseignement français dit quelque chose sur ce que nous sommes ou échouons à devenir. En effet, « si la France aujourd’hui se porte mal, si ce cher et vieux pays semble méconnaissable, incapable de parler au monde, incapable de se forger un destin, et de représenter encore quelque chose pour son peuple, si nul ne semble en mesure de proposer une alternative politique au marasme économique, idéologique et culturel qui peu à peu l’étouffe, c’est aussi parce que l’école n’est plus l’école de la République ».

Deuxième point : l’éducation nationale ne sert pas exclusivement à former des « travailleurs adaptés ». Elle a aussi et d’abord pour mission de former des citoyens. C’est donc un mauvais calcul que de faire passer à la trappe l’apprentissage des « savoirs classiques ». Et ce d’autant plus que la « culture générale » constitue le meilleur atout pour des jeunes gens qui veulent s’intégrer au mieux dans l’économie de la connaissance…

Troisième point : tant que l’on s’acharnera à vouloir convaincre que l’école peut se passer du respect des conditions élémentaires de la transmission, on continuera d’aggraver l’échec scolaire. Natacha Polony le rappelle avec force : « Au nom d’une idéologie libertaire selon laquelle les savoirs que l’on transmet relèveraient de l’endoctrinement et brideraient la créativité et l’originalité du moi, on a peu à peu évacué tout ce qui ressemblait à des connaissances, au profit de vagues pratiques appelées « savoir-faire », après un passage où l’enjeu principal était d’« apprendre à apprendre ». » Même si l’on peut, bien évidemment, apprendre en s’amusant (ou utiliser les nombreuses options offertes par une pédagogie inventive pour rendre l’acquisition du savoir moins austère), il est clair que le divertissement (le school-tainment en somme…) ne constitue pas le but du processus d’instruction…

Au passage, dans le modèle « pédagogiste », l’origine sociale des élèves influence leur avenir puisque l’école ne constitue plus le lieu où l’on offre les connaissances. Dès lors, dans quel endroit la trouveraient-ils ? Pour ceux dont les parents peuvent suppléer aux carences scolaires par des cours particuliers, l’affaire n’est pas grave, mais pour les autres ?...

Dernier point que l’auteur met en lumière avec raison : le système scolaire français n’est pas élitiste. Il permet sans aucun doute le dégagement d’une élite (sujet qui mérite en soi débat, tant il est vrai que la « fabrication » des élites contemporaines soulève de nombreux problèmes), mais il ambitionnait surtout (à partir de la IIIe République) de donner à chaque français un socle commun de connaissances permettant la poursuite du processus de « civilisations des mœurs » (pour reprendre la formulation de Norbert Elias) et la construction d’une cohésion sociale porteuse d’égalité, de liberté et de fraternité. En revanche, les nouvelles « doctrines » scolaires du pédagogisme nous conduisent aujourd’hui à la renaissance des « castes » ou des « féodalités » dans l’exacte mesure où elles se veulent émancipées des principes élémentaires de toute forme d’apprentissage (cf. Hannah Arendt).

Nous sommes donc bien loin des rêves des hussards noirs dans les effusions idéologiques des « pédagogues » d’aujourd’hui : Natacha Polony nous le rappelle avec force et détermination. L’enjeu est capital ; dans un monde où l’on répète à longueur de journée que les pays émergents feront l’avenir, il importe de façonner un système scolaire qui conduise à une collectivité nationale plus solidaire (nombre de questions relatives à la sécurité mériteraient d’ailleurs d’être mises en liaison avec les problématiques présentes de l’éducation nationale) et qui nous permette ensuite et logiquement de placer la France au cœur des défis stratégiques de demain.

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