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Droite, l'accident industriel : quel avenir pour les Républicains après la claque ?
©MARTIN BUREAU / AFP

Un futur explosif

François Fillon sera finalement arrivé troisième au premier tour de l’élection présidentielle avec 19,91% des suffrages et l'avenir est plus qu'incertain pour la droite. Au delà des affaires, cet échec s'explique par l’ambiguïté idéologique et stratégique du candidat.

Guillaume Bernard

Guillaume Bernard

Guillaume Bernard, docteur et habilité à diriger des recherches en histoire des institutions et des idées politiques, est maître de conférences à l'ICES (Institut Catholique d'Études Supérieures).

Il enseigne ou a enseigné dans divers autres établissements comme Sciences-Po Paris. Il a rédigé ou codirigé un certain nombre d'ouvrages scientifiques parmi lesquels Dictionnaire de la politique et de l'administration (PUF, 2011) et Introduction à l'histoire du droit et des institutions (Studyrama, 2éd., 2011), ou destinés au grand public, dont L'instruction civique pour les nuls (First, 2e éd., 2015). Il est également l'auteur de La guerre à droite aura bien lieu, (Desclée de Brouwer, 2016).

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Atlantico : Selon vous, que peut faire la droite pour échapper à l'explosion du parti ? Au vu des résultats du premier tour que paye-t-elle au-delà des affaires de François Fillon ?

Guillaume Bernard : Il faut avant tout identifier les raisons de l'échec. En l'occurrence, il me semble que François Fillon a d'une certaine manière fait la même erreur que Marine Le Pen pendant cette campagne, c’est-à-dire qu'ils ont fait une campagne de second tour au premier. Marine Le Pen parce qu'elle n'a pas suffisamment exploité les sujets sur lesquels elle apparaissait comme étant la plus crédible (immigration, sécurité…) et a cherché à jouer sa campagne sur des questions économiques et européennes. 

François Fillon, lui, l'a emporté lors de la primaire de la droite avec une identité conservatrice (qu'elle soit fausse ou réelle). Or, il n'a cessé tout au long de la campagne de chercher à endiguer Emmanuel Macron en offrant une grande place au centre-droit et en particulier à l'UDI. Ce qui, sans aucun doute, a démobilisé une partie de ses électeurs qui ne lui ont finalement pas été fidèles. En fait, François Fillon a dorloté si j'ose dire la partie de l'électorat de droite modérée qui l'a finalement "trahie" et est passée chez Emmanuel Macron. Donc il faut essayer d'identifier les raisons de ce score (qui est médiocre) et la principale raison selon moi, c'est l'ambiguïté idéologique et stratégique de François Fillon. Il est désigné contre la ligne Juppé et il a pourtant cherché à satisfaire les revendications des juppéistes. C'est la ligne de fracture qui passe au sein de la droite et qui à mon sens risque dans les années à venir de faire que la recomposition à droite sera inévitable. Ils n'ont clairement pas assumé la droitisation de leur électorat. 

Quels sont ces fractures idéologiques ? La droite n'a-t-elle pas su penser le monde dans lequel nous vivons ?

En fait je crois que la leçon incontestable de ce premier tour est que les partis qui ont gouverné sous la cinquième République (le PS d'un côté et le parti néo-gaulliste de l'autre) sont des partis qui ont cherché à réunir des options philosophiques distinctes. Ca a fonctionné jusqu’à présent car on avait une cristallisation du clivage grâce notamment à l'élection présidentielle et au phénomène majoritaire qui suivait lors des législatives. Or là, avec l'émergence du Front National, ça a complètement perturbé ce fonctionnement. Ce qui fait que les divergences idéologiques au sein de la droite sont apparues plus clairement que jamais. 

Il y a trois types de fractures au sein de la droite : une fracture sociologique, idéologique et stratégique. 

D'abord sociologique, c’est-à-dire la droite d'en haut et la droite d'en bas. Le parfait exemple se trouve dans la Manif pour tous.  Il y a la base qui se mobilise indépendamment de la quasi-totalité des ténors de la droite. 

Idéologique ensuite, entre les libéraux d'un côté et les conservateurs de l'autre. (Quand je parle de  libéralisme, c'est au sens philosophique du terme, au sens sociétal). Fillon a bien essayé de les unir mais ça ne peut pas tenir indéfiniment. 

Enfin stratégique. C’est-à-dire que l'essentiel des ténors de la droite  veulent le Front Républicain, quelques hommes politiques d'importance eux, veulent le ni ni et tout une partie de l'électorat est prête à trouver un accord avec le Front National. Cette distorsion entre la direction du parti et l'électorat ne peut que pousser inévitablement à un éparpillement du parti. Il y aura évidemment des électeurs de François Fillon qui iront voter Marine Le Pen. On ignore encore dans quelle proportion mais cette divergence va être lourde de conséquence. 

On a donc, à l'issue de ce scrutin, une tripolarisation qui s'impose : Un bloc de gauche qui s'assume socialiste (Jean-Luc Mélenchon et Benoit Hamon), un bloc libéral modéré (avec Emmanuel Macron et une partie de François Fillon) et puis un bloc de droite (composé de NPA du FN et d'un peu de François Fillon). La fracture passe au sein de la droite et au sein de la gauche beaucoup plus qu'entre la droite et la gauche. 

La droite doit-elle exploser pour mieux se reconstruire selon vous ?

J'essaye d'analyser. En répondant oui, je sortirai de mon rôle d'analyste et j'apparaitrai comme étant partisan d'une solution. Mais oui je considère que la réorganisation du spectre politique doit se faire selon des clivages doctrinaux clairs. Il faut une clarification idéologique pour que les électeurs aient confiance  dans leurs élus. Ce qui explique l'énorme échec de Benoit Hamon et celui (plus relatif) de François Fillon c'est qu'ils étaient tous les deux en train d'essayer de marier de positions contradictoires. 

Pour Benoit Hamon, c'est le mariage entre le revenu universel et le fait d'être favorable à la construction européenne (qui est quelque chose  plutôt d'obédience libérale). Ça ne passe pas. Pareil pour François Fillon qui défend des positions économiques libérales et qui est conservateur socialement et culturellement. Il y a des incompatibilités entre ces deux propositions qui font que ça n'a pas fait recette. Alors qu'Emmanuel Macron lui, en apparaissant et de droite et de gauche, a réussi l'unification idéologique du libéralisme économique et culturelle. 

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