Dons de vêtements : ces intervenants pour qui le recyclage se révèle une affaire juteuse<!-- --> | Atlantico.fr
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Les centres de récupération des vêtements s'imposent un peu partout dans les magasins.
Les centres de récupération des vêtements s'imposent un peu partout dans les magasins.
©Reuters

Business fripes

Ces dernières années ont vu l'arrivée de nouvelles manières d'acheter des vêtements. Parmi elles, l'achat de "seconde main", qui s'inscrit dans une tendance beaucoup plus globale : le recyclage de vêtements. Car près de 33% des dons de vêtements passés sont réutilisés pour en faire d'autres, et alimentent donc un marché de recyclage de matières premières.

Gérard Bertonili

Gérard Bertonili

Gérard Bertonili est économiste et chercheur au CNRS, il est spécialisé dans les déchets. Il a notamment écrit A la recherche du vêtement biologique, Atlas des déchets et Des équevilles aux déchets ultimes : Le Grand Lyon et les déchets.

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Alain  Claudot

Alain Claudot

Alain Claudot est Directeur Général d’Eco TLC, éco-organisme de la filière Textile, Linge de maison et Chaussures.

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Atlantico: A l'heure où les centres de récupération des vêtements s'imposent un peu partout dans les magasins, de plus en plus de vêtements ont droit à une deuxième vie. Comment les vêtements sont-ils recyclés ? 

Alain Claudot : Le processus est simple. Les vêtements sont apportés à un centre de tri industriel, chaque sachet est ouvert, les pièces sont vérifiées à la main. Si elles sont encore en assez bon état pour être portées, elles entreront dans la partie réutilisable. C'est le cas de 66% des vêtements. Dans ce cas elles seront triées par taille, couleur, saison... et seront revendues sur le marché de la seconde main. Si les vêtements ont un trou ou sont déchirés, ils iront en filière de recyclage. Il y a trois méthodes principales de recyclage : la première consiste à découper le coton pour en faire des chiffons qui auront un usage industriel (Ils serviront alors à nettoyer les machines et à les graisser, etc.) cela représente 20 000 tonnes par an; la deuxième est l'effilochage, on défibre les matières, c'est-à-dire on remet les vêtements à l'état de fibres, les fibres sont réutilisées pour fabriquer de nouveaux vêtements, ou des matériaux non-tissés comme l’isolant. Enfin, la dernière façon de recycler un vêtement est de le broyer en petits morceaux pour donner de la flexibilité à des matières comme le béton par exemple, cela évite les fissures, ou dans les matières plastiques. Enfin avec la poussière de ces vêtements, on peut floquer des t-shirts ou faire de la neige artificielle. 

Pour comparer avec d'autres secteurs, 98% des gens disent qu'ils recyclent le verre mais les organismes n'en collectent que 83% : recycler le verre est quasiment un automatisme. Quant au textile, 75% des français disent qu'ils recyclent les tissus or nous n'en récupérons que 27%. Soit pour 600 000 tonnes de vêtements vendus par an, nous collectons 153 000 tonnes.  Les gens ont une attitude différente avec les vêtements, quand un objet en verre est cassé, on le jette. C'est moins évident avec un vêtement qui ont une valeur sentimentale, on est plus réticents à "remettre dans la boucle"  un vêtement que l'on appréciait

Gérard BertoniliUne partie des vêtements récoltés peut être réutilisée comme des vêtements. Certains sont mis en pièces pour servir de chiffons pour les industriels. On a aussi l'effilochage avec les vêtements usagés, on transforme les vêtements en gris fils avec lesquels on fabrique par exemple des chemises de bûcheron, des moquettes, des tapis de sol de voitures. On peut aussi les broyer, dans ce cas les textiles sont utilisés comme matériaux d'isolation. 

Où vont les vêtements récoltés par les entreprises et les organismes de recyclage ? Dans quels volumes ? Sont-ils vendus ou donnés ?  

Alain Claudot : Des associations reprennent les vêtements et ne gardent que ceux qu'elles pensent pouvoir vendre. Ceux qu'elles ne gardent pas, rejoignent les vêtements récoltés par les entreprises et les organismes de recyclage. Ces derniers suivent le même processus. Peu importe l'endroit où est collecté le vêtement, ils sont tous réunis dans un centre de tri. À la sortie du centre de tri, les vêtements sont vendus pour compenser la gratuité du service de collecte. Ils sont vendus majoritairement en Afrique (80%), à l'Europe de l'est (10%), les 10% restants restent en France et rejoignent les friperies et boutiques de seconde main.

Gérard Bertonili : Les vêtements vont dans des centres de tri ou sont séparés les objets n'ayant rien  à faire dans les conteneurs, les vêtements qui peuvent encore être utilisés et ceux qui sont importables en l'état. A la sortie du centre de tri, des négociants rachètent les vêtements et les revendent aux négociants africains en majorité. Le négociant connait bien le marché du textile à l'étranger, il peut être spécialisé dans certains vêtements. Il peut y avoir tout une chaîne de négociants qui revendent à de plus petits. Le négociant assure aussi le transport vers les pays de ses clients. Les centres de tri y gagnent de l'argent mais sur la base de gros volumes, les opérations y sont manuelles, il se peut donc qu'elles soient délocalisées. 

Un vêtement recyclé est-il plus vendeur qu'un vêtement non recyclé ? Le recyclage est-il devenu un atout, un argument marketing ? 

Alain ClaudotNous avons fait une étude conjointe avec l'Institut Français de la Mode et il s'avère que non, le label recyclé n'est pas particulièrement vendeur. En fait, les ventes sont les mêmes que des produits non recyclés. Les gens n'ont pas d'appréhension concernant l'hygiène mais ils n'obéissent pas non plus à une conscience écologique. Tout ce qu'ils veulent, c'est un vêtement joli. 

Gérard BertoniliLa clientèle est fragmentée. Une partie est ouverte à l'écologie et achète un produit parce qu'il est écologique et/ou recyclé. Pour la grande majorité, s'ils achètent un produit c'est parce qu'ils en aiment le look et le prix. 

Remarque t-on une hausse d'entreprises intéressées par les vêtements recyclés ? 

Alain Claudot : De plus en plus d'entreprises semblent s'intéresser au recyclage des vêtements. Cela peut être un moyen de contrôler un peu mieux le cours du coton qui a connu de grandes variations, relevant ainsi d'une envie de sécuriser les sources d’approvisionnement. De plus, être tourné vers l'écologie peut être un plus pour leur image de marque. La culture de coton représente seulement 3% des terres cultivés mais 25% en termes de pesticides. Si les entreprises peuvent être écologiques pour le même prix, elles se tourneront vers le recyclage de vêtements. Pour le moment le coton recyclé est un peu plus cher que le coton vierge mais il a un impact environnemental moindre. 

Peut-on dire qu'un marché du vêtement recyclé se crée ? Y a-t-il des industriels qui se lancent dans ce secteur ? 

Gérard Bertonili : Certaines entreprises profitent de cette tendance, certaines font par exemple des matériaux à partir de laine recyclée, mais on est loin d'une majorité. Quelques centres de tri délocalisés y gagnent aussi, ainsi que les négociants. Le problème est que le marché de la fripe est plus faible qu’auparavant car le prix des vêtements a baissé et donc ce n'est plus aussi avantageux qu'avant d'acheter de la fripe. De plus, il y avait un intérêt pour les matières comme la laine ou le lin, aujourd'hui la majorité des vêtements est fabriquée à partir de tissus synthétiques qui sont plus difficiles à recycler. 

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