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Discours de campagne pour Hollande et candidatures à la primaire de droite… Les combattants sont en place, les arguments aussi : voilà ce que la campagne présidentielle 2017 nous réserve
©Wikipedia / Wolfgang Staudt from Saarbruecken

Starting-block

Au lendemain du discours de François Hollande salle Wagram, que beaucoup considèrent comme un discours d'entrée en campagne, et alors que la campagne de la primaire à droite bat son plein, l'échiquier se met progressivement en place pour 2017.

Frédéric Dabi

Frédéric Dabi

Frédéric Dabi est directeur général adjoint de l'Ifop et directeur du pôle Opinion et Stratégies d’entreprise.

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Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Atlantico : Dans quelle mesure François Hollande a-t-il défini son axe de campagne lors de son discours de Wagram ce jeudi matin ? Que laisse-t-il présager en termes d'offre politique, sur quels sujets attaquera-t-il ses concurrents ? 

Frédéric Dabi : Lors de ce discours, que l'on pourrait qualifier de fondateur pour lui ou de refondateur, François Hollande a défini son axe de campagne. Même s'il s'agissait d'un discours présidentiel, il est apparu, dans cette ambiance confinée propre aux meetings, comme un futur candidat. La candidature de François Hollande a d'ailleurs été intégrée par l'opinion : selon un sondage Ifop pour le JDD, si seulement 15% des Français souhaitent que François Hollande soit candidat, ils sont 74% à pronostiquer sa candidature.

En certains aspects, l'axe de campagne de François Hollande rappelle l'axe de campagne victorieux de François Mitterrand en 1988 face à Jacques Chirac. François Hollande veut apparaître comme le garant, le rempart du modèle social et des valeurs de la démocratie. François Mitterrand avait lui aussi eu recours à cette stratégie face à ce qu'il appelait les bandes et les factions du RPR. Ce jeudi, François Hollande a mis l'accent sur la démocratie qui est plus forte que le terrorisme, l'Etat de droit qui est la seule arme. Il le fait clairement contre un camp, les Républicains, dans le cadre de la primaire et contre un homme, Nicolas Sarkozy. Il a très peu attaqué Alain Juppé, en-dehors d'une petite pique sur l'identité heureuse ; il a peu attaqué Bruno Le Maire, en-dehors d'une pique sur la réforme du collège unique. François Hollande veut apparaître comme un président - comme il l'a dit dans une sorte d'anaphore de fin de discours - qui ne laissera pas la France se déchirer, qui ne laissera pas le modèle social être remis en cause.

Son axe de campagne lui permet de sortir de la démocratie et des valeurs pour finir sur l'économie, parler du modèle social et mettre en avant son bilan. Est-ce une stratégie qui va payer ? L'avenir nous le dira. François Hollande reste un président très impopulaire, y compris à gauche. L'un de ses espoirs est que cette affirmation, cette attaque assez forte tout au long de son discours contre Nicolas Sarkozy, lui permette de recréer le clivage gauche-droite et de faire revenir à lui les sympathisants de gauche.

Bruno Cautrès : Depuis plusieurs mois en fait François Hollande balise, à travers une série de discours importants, les axes de sa campagne de 2017. Son discours de Wagram s’inscrit parfaitement dans cette perspective même si son objectif officiel était de parler de terrorisme et de démocratie. A travers ce thème il s’agissait pour François Hollande de se positionner, comme il fait depuis le début 2015 après Charlie, comme le rassembleur et le protecteur des français, comme le garant des institutions et valeurs démocratiques face au terrorisme. Il s’agit ainsi de se mettre au centre de gravité des tensions et des angoisses des français en montrant qu’il est le seul à pouvoir protéger contre trois dangers : celui des terroristes et de la guerre contre l'Etat islamique, celui du Front national et des tensions sur les questions d’identité et de sécurité, celui du retour de la droite et de ses projets socio-économiques portant atteinte au "modèle social français". Ces trois thèmes sont omniprésents dans les discours politiques de François Hollande  depuis plusieurs mois. Il fera donc sans doute campagne sur ces trois volets simultanément afin de montrer qu’il est le seul à incarner le posture du rassembleur face à des diviseurs, alors même que le contexte post-attentats et la menace terroriste rendent l’unité et la cohésion nationale encore plus importante à tenir.

En sachant quels sont les candidats à droite qui pourront se présenter à la primaire (et ceux qui ne le pourront pas), autour de quels sujets le candidat vainqueur présentera-t-il son projet aux Français en mai prochain ? Quels seront les thèmes forts développés ?

Frédéric Dabi : Pour l'instant, la liste finale des candidats pouvant se présenter n'est pas connue. 5 candidats sont sûrs de pouvoir concourir : Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire, Alain Juppé, François Fillon et Jean-Frédéric Poisson (qui par définition est qualifié automatiquement).

Un programme doit répondre à une attente des électeurs. On l'a vu à la Baule, on l'a vu à Chatou pour Juppé, on l'a vu chez François Fillon à Sablé-sur-Sarthe, on le verra à Sète pour Bruno Le Maire : les thématiques identitaires, sécuritaires, économiques, sont très fortes. La droite cherche une rupture avec les années Hollande.

Etant donné que la logique des primaires est une logique de surenchère mais aussi de distinction, on peut envisager l'émergence d'autres thèmes. A l'image de l'éducation qu'essaie de porter Bruno Le Maire, les candidats vont peut-être essayer de sortir du schéma qui reste pour l'instant très identitaire-sécuritaire (car ces sujets sont très fortement attendus par les sympathisants du Front national et les sympathisants de droite) et d'élargir à d'autres domaines.

Le fait d'aborder un thème surprenant, moins attendu, permettra peut-être d'élargir la participation car pour l'instant le corps électoral de la primaire de la droite est réduit : selon la dernière enquête Ifop/Fiducial pour Paris Match, I-Télé et Sud Radio, 8% des Français se disent tout à fait certains d'aller voter. Quel pourrait être ce thème innovant ? Cela demeure l'une des inconnues de la campagne pour l'instant mais dans un contexte de Brexit, pourquoi pas l'Europe ?

Les candidats vont essayer d'amener le débat et les thématiques là où ils sont le plus à l'aise : François Fillon sur l'économie, Alain Juppé sur l'incarnation raisonnable de la nation, Le Maire sur la nouveauté et Sarkozy sur le triptyque sécurité-identité-laïcité. Mais le sondage Atlantico sur les priorités des Français montre qu'il y a des passages obligés dont ne peuvent pas s'extraire les candidats.

Bruno Cautrès : Quel que soit le vainqueur de la primaire, Alain Juppé ou Nicolas Sarkozy, les questions économiques/sociales (dépenses publiques et impôts occuperont une grande place, mais aussi les 35 heures et le contrat de travail, l’ISF, le financement et l’accès aux dépenses sociales) et les questions sur l’identité nationale, la sécurité intérieure et extérieure de la France, l’immigration, seront les deux thèmes forts de leur campagne présidentielle. L’importance relative de ces deux thèmes et la manière dont ils seront traités ne seront en revanche pas équivalentes. Une candidature Sarkozy à la présidentielle accentuera la dimension « identitaire » tandis qu’une candidature Juppé accentuera la dimension socio-économique. Les candidatures Fillon ou Le Maire, qui ne sont pas les mieux placées pour le moment dans la perspective de gagner la primaire, accentueraient la dimension de remise en cause très forte du "modèle social" français.

Par ailleurs, qu'en est-il du Front national ?

Bruno Cautrès : Le Front national fera campagne sur ses thèmes de prédilection : les questions identitaires et sécuritaires, la question de l’islam, la question de la sortie de la France de l’UE ou de la zone euro ainsi que les questions sociales. Traitées dans la perspective du Front national les questions sociales ou économiques sont fondamentalement liées à ses positions sur l’immigration. Le Front national a développé, notamment sous la présidence de Marine Le Pen, une perspective qui explique en particulier les soutiens dont il dispose dans les couches populaires ou auprès des français les moins lotis en capital économique ou culturel : c’est le "welfare chauvin". Il s’agit de montrer que le FN souhaite préserver les acquis sociaux des français mais que pour ce faire il faut en réserver l’accès aux nationaux. Cette position qui, dans les discours en tout cas, se montre favorable au social est une des données qui différencie fortement les électeurs du FN et ceux de la droite qui sont en favorables à moins de dépenses sociales, à la fin des 35 heures, à moins de fonctionnaires ou à la fin de l’ISF. Par ailleurs, la campagne de Marine Le Pen mettra sans doute en avant le besoin de renouvellement que ressentent les français ; l’argument consistera à dire qu’après les présidences Sarkozy et Hollande il est temps de laisser sa chance au parti qui n’a pas exercé les responsabilités.

Au regard des différents sondages, et en tenant compte du fait que les Français pourront changer d'avis pendant la campagne, que laisse présager la confrontation entre ces trois blocs  ?

Frédéric Dabi : Nous sommes à un tournant. Traditionnellement, avant une élection présidentielle, la thématique majeure relève de l'économie ou du social et les préoccupations des Français sont polarisées sur des thématiques de crise (emploi, pouvoir d'achat). Aujourd'hui, comme l'a montré le sondage que l'Ifop a réalisé pour Atlantico, nous assistons à une inversion de paradigme extraordinaire puisque le premier sujet qui compte est la sécurité et la lutte contre le terrorisme à 58% contre 17% pour l'emploi, soit 41 points d'écart.

On avait vu en 2002 le thème de la sécurité monter en fin de campagne et devancer de peu le thème de l'emploi avant le 21 avril. Mais là, on constate un écrasement, une polarisation du débat sur les questions liées à l'identité, l'insécurité et au terrorisme.

L'une des stratégies de François Hollande est peut-être de casser cet écrasement du champ politique et de la toile de fond de la campagne en ne parlant pas d'identité mais d'idée, en disant que la France, ce n'est pas une identité mais une idée, un projet.

Ce paradigme très identitaire, terroriste, sécuritaire est susceptible de favoriser Nicolas Sarkozy dans la mesure où cela met en avant le quinquennat passé à travers le prisme de l'autorité, de la fermeté, du Président ancien ministre de l'Intérieur, et laisse de côté les thématiques économiques et sociales pour lesquelles le bilan de Nicolas Sarkozy, même à droite, est jugé de manière assez voire très sévère. 

Bruno Cautrès : Cela laisse tout d’abord présager une lutte à mort pour la qualification au second tour. Cette élection signera la fin de la vie politique d’un ou de deux des principaux candidats : François Hollande, Alain Juppé ou Nicolas Sarkozy. Aucun des trois ne laissera facilement l’un des deux autres ou les deux autres en être responsable. Le second tour de la présidentielle 2017 est une banquette à deux fauteuils dont l’un semble plus ou moins réservé depuis un bon moment. Qui obtiendra le second siège est la balle de match de la présidentielle 2017. La confrontation entre les trois blocs sera rude mais elle le sera également avant la campagne présidentielle à l’intérieur de la gauche et de la droite. Une fois leurs candidats choisis, les deux blocs de la gauche et de la droite se reformeront contrairement à une idée répandue selon laquelle ce serait la fin du "gauche/droite". La dimension gauche/droite est toujours structurante de la vie politique française ainsi que dans les autres pays européens pour une raison assez simple : les structures sociales de nos démocraties, le rapport et l’expérience ordinaire qu’ont les citoyens vis-à-vis des inégalités, ont persisté malgré les transformations de nos sociétés et la fluidité ou mobilité que l’on rencontre dans les grands centres urbains.

Mais si la dimension gauche/droite est très résiliente elle est aujourd’hui complétée, remise en partie en cause, par une autre dimension : la question de l’ouverture de nos sociétés, de leur intégration européenne et dans l’économie mondialisée. Le prévisible bon résultat de la candidate du FN au premier tour de la présidentielle montrera encore une fois que notre vie politique est structurée par une "tripartition" gauche/droite/FN. Au soir du premier tour de la présidentielle l’ampleur du score de la candidate du FN et l’orientation politique (gauche ou droite) de son concurrent au deuxième tour indiqueront des choses importantes sur les effets de cette "tripartition" dans notre vie politique. La question des recompositions à l’intérieur des deux blocs de la gauche et de la droite se posera fortement, peut-être plus fortement qu’elle ne s’est jamais posée sous la Vème République. La question de la réforme démocratique de la France se posera également et constituera l’un des grands challenges du futur chef de l’exécutif.

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