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©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Gradient social et géographique

Des chercheurs français viennent de publier une étude qui montre que la probabilité pour une personne d’être en situation de surpoids est très fortement liée au niveau de précarité de son environnement de résidence.

Thierry Feuillet

Thierry Feuillet

Thierry Feuillet est maître de conférences en géographie théorique et quantitative à l'université Paris 8 Vincennes Saint-Denis.

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Atlantico : Vous publiez avec huit coauteurs au article consacré à l'influence du cadre de vie sur l'obésité, basée sur l'Etude NutriNet-Santé.  Avant votre étude, que nous apprenait déjà la géographie sur les liens entre environnement précaire et obésité ? 

Thierry Feuillet : On sait que les caractéristiques du lieu de résidence influencent partiellement les comportements (et les états de santé associés) de différentes manières, à travers ce qu’on appelle les effets de quartiers. Dans les pays occidentalisés, de nombreuses études ont en effet montré une relation positive entre le niveau de désavantage social du quartier de résidence. Par exemple au début des années 1990 a été lancée aux Pays-Bas une étude prospective de cohorte nommée GLOBE, dédiée précisément à cette question. Au niveau européen, le projet Spotlight, impliquant des participants de 5 métropoles européennes, avaient également montré récemment des relations inverses significatives entre le niveau socioéconomiques des quartiers et l’indice de masse corporelle moyen. Aux USA de nombreuses études similaires ont également été publiées.

Cette relation entre contexte socio-économique résidentiel et obésité n’est pas directe. Dans les chaînes causales théoriques, on considère que les caractéristiques de l’environnement de vie (environnement bâti et social) influencent les comportements obésogènes (qualité de l’alimentation et niveau d’activité physique) et le manque de sommeil, qui eux-mêmes déterminent l’obésité. Les quartiers les plus défavorisés sont considérés comme étant en moyenne moins favorables à des comportements sains (offres alimentaires moins riches, aménités et infrastructures favorables à la mobilité active plus rares, etc.). Ainsi, le niveau de défaveur sociale des quartiers apparaît comme un bon indicateur de ces différentes composantes obsésogènes.

Votre étude se démarque par l'utilisation d'une échelle d'observation très fine, l'Iris (Îlot regroupé pour l'information statistique), qui équivaut à un quartier d'environ 2 000 habitants. Que permet ce changement d'échelle ?

L’IRIS est en effet l’échelle d’agrégation des données populationnelles la plus fine en France. Etant donné que les participants de l’étude sont localisés à leur adresse de résidence, on a pu associer à chacun d’eux les caractéristiques socio-économiques de leur IRIS de résidence. Cela nous a donc permis de gagner en finesse dans les mesures d’exposition, par rapport à des études se contentant de données agrégées à la commune ou au département.

Vous démontrez que les niveaux moyens de personnes en surpoids varient en fonction des contextes urbains. Comment l'expliquer ?

Les effets de la géographie sur les comportements individuels jouent à plusieurs échelles. A échelle fine, les effets de quartier concernent les effets de l’environnement situé à proximité directe de lieu de résidence. Mais à une échelle supérieure, il faut aussi considérer la position géographique du quartier au sein du système urbain, qui est lui-même très hiérarchisé. Ainsi pour un même niveau de précarité, deux quartiers peuvent être situés dans des contextes urbains très différents : l’un en centre-ville d’une grande ville, l’autre dans la ceinture périurbaine d’une ville moyenne. Les implications en termes d’accessibilité, de distances aux bassins d’emplois, aux transports en commun, etc., sont considérables et influencent en retour les comportements liés à l’obésité. Ainsi, pour appréhender toute la complexité de la géographie de l’obésité, il convient de tenir compte de ces différentes échelles et mécanismes.

Le lien entre la précarité sociale d'un quartier et l'obésité est-il systématique ? En France, quelles sont les zones les plus "à risques" ?

Nous avons effectivement montré que ce lien était variable selon les contextes urbains (pour les raisons évoquées juste au-dessus), ce qui représente la principale originalité de notre étude. Ce lien est particulièrement fort dans les banlieues des grandes aires urbaines (notamment dans la petite couronne parisienne), faible ou nul en milieu rural ou périurbain, et moyen dans les villles-centres (une ville-centre correspond à la plus grande ville d’une agglomération). Nous avons aussi montré qu’en banlieue, la relation était non-linéaire, et particulièrement forte dans les quartiers modérément défavorisés. Ces résultats permettent de cibler des territoires dans lesquels des interventions spécifiques des décideurs publics, en termes de messages de santé publique ou d’aménagements par exemple, seraient particulièrement efficaces pour lutter contre ce fléau que représente l’obésité.

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