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Diesel, dangereux ou pas pour Ia santé ? La réponse de Loik Le Floch Prigent aux Docteurs Thomas Bourdrel, Florence Trébuchonet et Pierre Souvet
©Reuters

Réponse (bis)

"Condamner une technique, un produit, une industrie, c’est une lourde responsabilité, c’est celle qui incombe aux politiques, compte tenu de ce qu’on leur présente comme arguments pour ou contre" estime Loick Le Floch Prigent.

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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A la suite de mon article sur le diesel, vous avez bien voulu réagir et je vous en remercie. Ceci est une réponse à votre droit de réponse, pour moi il y a débat, pour vous il semble clos, je vais donc tenter de le réouvrir.

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Je n’ai, bien sûr, jamais  remis en cause la dangerosité de la pollution de l’air et je mets cette mauvaise lecture de mes propos sous le signe de l’agacement qu’a provoqué chez vous ma défense du diesel. Pour le reste je vais préciser mon angle de vue.

Industriel de l’énergie pendant un quart de siècle j’ai été confronté aux emballements médiatiques conduisant à des arrêts brutaux de fabrications avec tout ce que cela comporte de fermetures d’ateliers ou d’usines. Produits pharmaceutiques à effets secondaires, produits chimiques à dangerosité signalée…j’ai eu ma part de décisions délicates et assumées. En ce qui concerne le carburant diesel, mon passé de raffineur est simple, l’Etat me demandait de mettre l’accent sur la production de l’essence sans plomb, tandis qu’il incitait les constructeurs automobiles à réaliser des voitures diesel en leur donnant un avantage fiscal. J’avais donc double peine, puisque je devais exporter mon surplus d’essence et importer le carburant diesel. L’explication de l’époque était que notre industrie excellait dans la fabrication de ces moteurs diesel et que la consommation au kilomètre était inférieure de 25% par rapport aux moteurs à essence. Ainsi la population française, allemande et européenne s’est lancée dans l’achat de véhicules diesel, en France 75% jusqu’à ces dernières années. La condamnation par les médias du diesel a terrorisé les consommateurs qui sont venus me demander ce qu’ils pouvaient faire, en particulier dans les campagnes, en Bretagne, chez moi, car le véhicule individuel y est obligatoire et un changement onéreux : nouvel investissement et consommation supérieure. C’est avant tout à eux que je me suis adressé, après avoir travaillé sur le sujet, consulté  et rencontré un grand nombre de scientifiques.

Les particules émises par les moteurs diesel sont classées « cancérogène certain » par l’OMS. C’est exact, mais qu’est-ce que cela veut dire ? C’est le Centre International de Recherche sur le Cancer(CIRC), agence de l’OMS, qui propose cette classification. Celui-ci avertit d’un « danger » mais ne mesure pas la probabilité qu’un cancer surviendra. Ainsi dans cette catégorie 1 il y a la viande rouge, la viande transformée par salaison, maturation, fermentation et fumaison, le vin, le rayonnement solaire, le « radon » que côtoient tous les habitants de Bretagne et de Corse… Nous savons donc ce que le CIRC nous déclare dangereux, à nous de savoir comment gérer le risque. On va se protéger la peau l’été, mais on ne va pas faire déménager tous les bretons…Il y a donc une différence entre danger et risque !

En allant plus loin pour savoir pourquoi le diesel a rejoint une centaine d’autres produits classés « cancérogènes avérés » par le CIRC, on trouve en 2012 une étude qui traite du risque encouru par des mineurs respirant l’air vicié de vieux moteurs diesel dans une atmosphère confinée ! Et encore, on arrivait surtout à démontrer que le risque principal, « statistique », était celui des fumeurs !

Pour moi on est là aux limites de ce que la science peut dire, c’est-à-dire que l’on réalise des associations, des corrélations, mais on n’a pas suffisamment de connaissances sur la causalité, on ne sait pas comment se réalise la cancérogénèse, on a confondu l’épidémiologie, la toxicologie avec la génotoxicologie, c’est-à-dire que l’on a confondu la statistique avec la science.

Pour les industriels du secteur, ils auront à se défendre tout seuls, mais si les particules fines sont plus nombreuses et les Nox également, il leur revient de mettre les dispositifs adéquats pour rendre le diesel au même niveau que le moteur à essence.  Ils disent que c’est le cas, vérifions ! Mais il reste que s’ils y arrivent la pollution du diesel est 25% en dessous du véhicule à essence ! A eux de le prouver, à vous les médecins comme à tous les consommateurs. Ces fameuses particules fines font d’ailleurs débat car les émetteurs sont nombreux, et il parait difficile d’en sélectionner un particulier. J’ai proposé par exemple que l’on examine ce que les vents d’Est nous amènent en France à partir des centrales à charbon et lignite allemandes ou polonaises.

Maintenant il est clair que la pollution de l’air dans les agglomérations pose des problèmes respiratoires et que vous sonnez l’alarme à juste titre sur les conséquences de la circulation croissante des véhicules individuels à émissions carbonées…et autres. La science a encore beaucoup de travail à accomplir pour trouver les relations de causalité et les communications scientifiques dont vous faites état sont encore parcellaires à cet égard.

 Condamner une technique, un produit, une industrie, c’est une lourde responsabilité, c’est celle qui incombe aux politiques, compte tenu de ce qu’on leur présente comme arguments pour ou contre. Pour ma part je considère aujourd’hui qu’il n’y a pas de différence significative entre les véhicules essence ou diesel. Les pouvoirs publics peuvent en décider autrement, mais sans tirer argument de résultats scientifiques non conclusifs, faisant objets de débats.

La presse plébiscite le véhicule électrique comme solution miracle à la pollution urbaine, c’est également ce que prépare la démocratie à la chinoise. Il reste néanmoins à considérer l’ensemble des pollutions liées à cette filière, car on peut résoudre un problème à un endroit donné et en créer d’autres bien plus inquiétants à côté. La science peut encore là éclairer, dire ce à quoi elle est arrivée aujourd’hui, mais elle ne peut décider qui « mérite » d’être dépollué et qui « mérite » d’être pollué.  

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