Diana 15 ans après : l'icône usée par l’overdose d’intimité qu’elle avait elle-même créée<!-- --> | Atlantico.fr
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Le 31 août 1997, la princesse Diana perdait la vie dans un grave accident de voiture.
Le 31 août 1997, la princesse Diana perdait la vie dans un grave accident de voiture.
©Reuters

Icône fânée

Il y a 15 ans, les yeux du monde entier étaient tournés vers le drame qui se jouait sous le pont de l'Alma. Lady Diana, la princesse la plus médiatisée de l'époque venait de perdre la vie dans un grave accident de voiture. Même après sa mort, elle reste l'objet de tous les fantasmes.

Patrick Weber

Patrick Weber

Patrick Weber est journaliste, écrivain et scénariste, spécialiste des monarchies européennes. Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie, il devient journaliste de presse écrite et de télévision.Il dirige successivement Média MarketingFlairTélé Moustique et Télé Pocket.

Il est chroniqueur royal et a déjà publié de nombreux romans dont Diana : Princesse brisée (2007), Le diable de Rome (2008), ou Aryens (2011)

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Atlantico : Le 31 août 1997, la princesse Diana perdait la vie dans un grave accident de voiture. Elle a longtemps été au centre de folles rumeurs qui ont construit son mythe. Mais 15 après, peut-on dire qu'il perdure ou au contraire s'est-il essoufflé ?

Patrick Weber : Je ne suis pas convaincu que le mythe de Diana se soit jamais essoufflé. Ce qui est sûr, c’est que les gens continuent à s’intéresser à elle, sinon il n’y aurait pas un projet de biopic en cours et tous ces remous autour du personnage. Mais je pense que l’image de Lady Diana a vraiment changé, car elle incarne une facette de la monarchie qui est désormais dépassée.

Si on remonte le temps, les premières années après sa mort, les acteurs du drame étaient divisés en deux camps distincts : on avait d’un côté les bons, à savoir Diana et ses enfants et de l’autre les méchants en la personne de la Reine, du Duc d’Edimbourg, et bien sûr de Camilla qui incarnait réellement un sorte de sorcière comme on peut en voir dans les contes de fées.

Désormais les perceptions ont un peu changé : la Reine vient de célébrer son jubilé, évènement qui a démontré qu’elle n’a jamais été plus populaire ; tout le monde s’accorde à dire que Charles sera le nouveau roi d’Angleterre. Il a pu épouser Camilla qui semble revenir en odeur de sainteté auprès de l’opinion publique et de la famille royale. Quant au Duc d’Edimbourg, on a oublié les accusations ridicules et surréalistes qui pesaient sur lui et qui allaient jusqu’à dire qu’il avait voulu assassiner sa belle-fille.

Aussi d’une certaine façon la réussite de Diana – marquer son temps et rester dans les mémoires – a aussi été son échec car elle a renvoyé une image de la monarchie biaisée par un mélange des genres en basculant tout le temps entre royauté et show business, créant une sorte de monarchie « bling bling » qui aujourd’hui est complètement passée de mode. La nouvelle princesse, Kate Middleton symbolise d’ailleurs parfaitement ce changement de paradigme puisqu’elle est l’exact opposé de Diana.

A-t-on une idée des sommes que, morte, Diana a rapportées au gouvernement  britannique grâce à tous ses produits dérivés (figurines, effigies, porte-clés etc) ?

Il est vrai que Diana a généré un très juteux business mais pas forcément là où on le croit. L’image de Diana n’a pas été si rentable que cela à la maison royale en termes de merchandising. En revanche c’était une véritable mine d’or pour les éditeurs de magazines. Finalement, quand elle est morte, on avait tué leur poule aux œufs d’or. En effet, le simple fait de mettre Diana en couverture garantissait au moins 200 000 tirages. Ajoutez à cela le fait que la vie de cette femme étaient tout simplement romanesque cela en faisait la cliente idéale pour le storytelling.

A côté de cela, les figurines, les assiettes, les effigies et tout ce que l’on peut trouver dans les palais royaux de Buckingham et Windsor sont dans un premier temps très peu de choses et avant tout font partie d’une image bien plus institutionnalisée de la famille royale. Diana y est très présente mais finalement au même titre que les autres, il n’y a jamais eu de volonté de la mettre plus en avant.  

Ainsi, l’impact de Diana aura été avant tout médiatique et elle a incarné un tournant de l’image de la famille royale. Elle est restée la princesse des cœurs, on l’a beaucoup répété après sa mort et c’est finalement l’image qu’elle a voulu laisser. A son contact et au regard de son impact, la famille royale a été obligée de s’humaniser, d’apparaître un peu plus proche des gens. Ce mouvement n’est d’ailleurs pas spécifiquement anglais, il a été observé dans quasiment toutes les monarchies européennes. Il s’est plus ressenti en Angleterre car c’est la monarchie qui a l’image la plus forte et dont la Reine est restée le plus longtemps sur le trône.

Avant Diana, il semblait normal que la Reine soit l’incarnation d’une certaine rigueur et d’une droiture, désormais elle a tenté d’assouplir ses positions.

Vous avez pointé du doigt le fait qu’elle ne bénéficie plus de la même image désormais, dans ce cas qu’elle place occupe-t-elle à la fois dans la famille royale et chez le peuple ?

Diana aura eu un grand mérite, elle aura été la première à utiliser pleinement les médias. Pour l’époque, c’est quelque chose d’extraordinaire. On peut citer la fameuse interview qu’elle avait accordé à la BBC où elle expliquait que son couple était instable. Tous ses mots sont minutieusement choisis. Elle avait une façon d’incliner la tête ou de baisser les paupières qui participait d’une grande maîtrise des médias. C’est d’autant plus paradoxal que Diana n’était ni très cultivée ni particulièrement intelligente en revanche elle contrebalançait ces faiblesses par une connaissance assez fine des gens et une très bonne intuition.

Elle a aussi bâti son image en réaction à la famille royale. En réalité, elle est issue d’une famille aristocratique et la famille royale cherchait simplement une pouliche pour garantir une descendance au trône et elle n’a jamais compris cet enjeu central de son mariage. Lady Diana a été bercée par les romans à l’eau de rose et attendait réellement son prince charmant, une fois qu’elle a compris qui était son « prince », elle a été brisée. Finalement, elle a été jetée dans un film dont elle ne comprenait pas le scénario. Elle s’est rendue compte assez tard du piège dans lequel elle était tombée – un piège d’ailleurs pas si surprenant car c’était la règle générale de la monarchie depuis des siècles.  

Quoiqu’il en soit, elle n’a plus l’image de la sainte qui lui a été donnée après sa mort et qui finalement allait de pair avec son destin tragique. Grace de Monaco et Marylin Monroe ont eu des morts tragiques qui ont favorisé la construction de leur mythe. La particularité de Diana c’est qu’elle bénéficiait d’un soutien quasi unanime mondialement : c’était une rose pure. Maintenant on sait que la réalité est différente et que c’était une femme capable de se montrer assez calculatrice et parfois un peu perverse. C’est une facette que les gens n’ont connu que bien plus tard. Diana reste cependant une héroïne mais dont les admirateurs connaissent les sombres penchants.

Vous parlez du mythe de Marylin Monroe, comment expliquer que celui-ci se perpétue et que celui de Diana semble s’atténuer ?

C’est lié dans un premier temps à la différence de métier. Marilyn Monroe a été rendue immortelle par ses chansons et ses films. A contrario, on ne peut pas passer des vidéos de Lady Diana en boucle. D’autre part, la part de mystère qui entoure la vie et la mort de Marilyn Monroe est plus profonde, car en réalité Diana s’est entièrement livrée aux médias et tous les mystères qui ont un tant entourés sa mort se sont révélés ou dégonflés avec le temps.

Diana fait-elle figure d’exception, demeure-t-elle la seule princesse à bénéficier d’une côte de popularité si durable ?

Les princesses ont toujours eu une très grande côte de popularité en Europe que ce soit en Belgique ou au Danemark par exemple. Mais Diana a tellement mis en scène les déboires de sa vie que le public a fini par se passionner comme le feraient les spectateurs d’un soap opera. La seule différence c’est que dans ces histoires l’héroine n’a pas ce destin.

Qu’est-ce-que ce personnage nous apprend de son époque ?

C’est Elisabeth II qui avait fait entrer les caméras dans la vie de sa famille pour des raisons de communication mais finalement elle a ouvert une boîte de pandore qu’elle n’a jamais réussi à refermer car les médias ont toujours voulu en savoir plus. Ce déchaînement médiatique qui a pris naissance avec la Reine s’est révélé avec Diana et de son mariage qui a été un évènement planétaire.

Avant cette époque, jamais les journalistes ne se seraient aventurés à pister avec autant d’acharnement un membre de la famille royale. Cet engouement a été attisé par la constance de la monarchie à ne jamais s’exprimer et répondre à la presse – ce fameux never explain, never complain – et les tabloïds qui se développaient à l’époque y ont vu un filon royal sans jeux de mots. Jamais l’incursion de l’intime dans l’espace public n’aura été aussi fort qu’à cette époque là.

Propos recueillis par Priscilla Romain

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