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Dettes publiques : pas d'effacement possible sans une véritable règle d'or
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Eurêka !

La règle d’or en voie d’instauration est faussement rigoureuse, car elle se fonde sur des statistiques de croissance potentiellement surévaluées. Mais les politiques rechignent à perdre l’un de leurs arguments électoraux préférés, la croissance économique future. (2ème partie de notre mini série sur l'effacement des dettes publiques)

Gérard Thoris

Gérard Thoris

Gérard Thoris est maître de conférence à Sciences Po. il a notamment rédigé une Analyse économique des systèmes (Paris, Armand Colin, 1997), contribue au Rapport Antheios et publie régulièrement des articles en matière de politique économique et sociale (Sociétal, Revue française des finances publiques…).

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A lire également : Dettes publiques : l’heure de l’effacement est venue ! 

Le programme de remise des dettes publiques que nous proposons n’a rien d’un programme laxiste. Il est en réalité plus rigoureux que la future règle d’or européenne. Simplement, il annonce que, derrière la rigueur, il existe une lueur.

On hésite à qualifier les analyses de la situation budgétaire actuelle de la zone européenne. Soit elles manifestent une ignorance profonde des mécanismes économiques, et on peut s’interroger sur les lumières de l’intelligence collective, soit elles jouent à fond la carte de l’angélisme et on peut s’interroger sur les fondements de la démocratie. Restons-en à la France : le Président sortant et son challenger ont tous les deux promis d’arriver à l’équilibre budgétaire pour la fin du quinquennat qui s’ouvre. Ce faisant, ils ont estimé en être quittes avec les exigences du Pacte de stabilité et de croissance. Pourtant, celles-ci comportent deux critères : et le taux de déficit budgétaire, et le taux de dette publique. Or, un calcul arithmétique simple montre que, partant d’un taux d’endettement public de 85 % et considérant que l’on arrive à l’équilibre budgétaire sans dommage dans 5 ans, le taux d’endettement public atteindra 100 % du PIB. A ce niveau de dette, à supposer que nous conservions le taux d’intérêt nominal de 3 % sur les obligations publiques, le montant des intérêts à payer absorbera toute la croissance réelle potentielle de 3 %.

Evidemment, on peut vendre à l’opinion une croissance future de 5 %, comme au bon vieux temps tellement décrié des Trente glorieuses – Jean Fourastié avait retenu ce titre pour convaincre les sceptiques, déjà, des bénéfices de la croissance économique ! Mais la croissance ne se décrète pas ! De plus, le stock de dettes publiques est, au moins pour la France, la preuve que les politiques de relance par le déficit budgétaire sont incapables de stimuler la croissance économique privée. L’équilibre budgétaire ne pourra donc être trouvé dans de nouvelles dépenses. Que ce soit par des impôts ou par des réductions de dépenses, la vengeance du multiplicateur de dépense publique risque d’être terrible. Vraisemblablement devenu un diviseur en cas de hausse du déficit budgétaire, il pourrait bien garder sa force de multiplication, à la baisse cette fois, en cas de politique d’amortissement de la dette publique. On pourrait ainsi imaginer qu’il faille deux points de rigueur pour un point d’amélioration de la situation budgétaire. Dans ce contexte, nous en sommes réduits à être comme Sisyphe, à enchaîner les plans de rigueur sans jamais en voir les effets, à payer les intérêts de la dette sans jamais réussir à restituer le capital.

C’est pour éviter cela qu’il devient chaque jour plus urgent de remettre des dettes qui ne pourront pas être remboursées. C’est pour que, après des années d’effort, on puisse dire que le problème de la dette est derrière nous et qu’un futur est redevenu possible pour les jeunes générations.

Cependant, les conditions tellement gracieuses de cette remise des dettes exigent d’éviter que l’on ne recommence trop tôt. En termes techniques, il faut rendre l’aléa moral impossible. Or, la règle d’or en voie d’instauration est faussement rigoureuse. Elle prévoit un déficit structurel maximum de 0,5 % du PIB. Pour un pays comme la France, c’est déjà assez considérable. Mais il faut bien reconnaître que la définition même du déficit structurel est tout sauf objective. Elle est fondée sur une estimation du potentiel de croissance. Il suffit donc que la croissance potentielle soit surévaluée pour que le déficit structurel soit minoré. Or, que savons-nous du stock de capital productif après la crise économique que nous venons de traverser ? Quand le taux d’utilisation des capacités de production est si faible pendant si longtemps, peut-on assurer que le rythme d'accumulation du capital ne sera pas réduit par rapport aux normes passées ? La règle d’or vaudra donc ce que vaudront les statistiques publiées de la croissance potentielle. On se prépare à de beaux débats.

Voilà pourquoi nous préférons la règle d’un équilibre budgétaire sur les sept dernières années. Une politique de déficit budgétaire reste possible à condition de dégager les excédents de manière anticipée. Evidemment, les hommes politiques perdront l’un de leurs arguments électoraux préférés, c’est-à-dire vendre la croissance économique future, ce qui est devenu aujourd’hui accumuler des dettes sans collatéraux.

Une fois les choses remises en place sur ce sujet, il restera d’autres vrais sujets. On n’arrive pas à se souvenir que c’est sur des chiffres d’avant la crise de 2008 que la Commission européenne avait publié un rapport sur la soutenabilité de la dette publique. Il ne concernait que le poids à venir des dépenses de vieillissement et de santé qui lui sont liés. Avant la crise encore une fois, il était possible d’atteindre le ratio de dette publique de 60 % en 2060 grâce à un effort budgétaire de 5,5 % du PIB[1]. Décidément, l’avenir n’est pas écrit !


[1] http://ec.europa.eu/economy_finance/publications/publication15998_en.pdf

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