Détricotage judiciaire : en finir avec les peines "plancher" ne résoudra jamais le problème de la récidive<!-- --> | Atlantico.fr
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La gauche veut s'attaquer à l'épineuse question de la lutte contre la récidive en proposant une nouvelle approche axée sur la réinsertion.
La gauche veut s'attaquer à l'épineuse question de la lutte contre la récidive en proposant une nouvelle approche axée sur la réinsertion.
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Angélisme

Christiane Taubira lance ce mardi la "conférence de consensus" sur la récidive. Elle y présentera les grandes lignes de sa politique pénale, basée sur l'individualisation des décisions de justice et la recherche d'alternatives à l'incarcération.

François-Henri  Briard

François-Henri Briard

François-Henri Briard est avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation et président de l'Institut Vergennes. Il est membre de la Société historique de la Cour suprême des Etats-Unis d'Amérique.

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Serpent de mer du débat public sur la politique pénale et sujet récurrent des campagnes électorales, la récidive revient sur le devant de la scène avec la « conférence de consensus » annoncée ce mardi 18 septembre par la garde des Sceaux. Chacun se souvient des engagements du candidat Hollande pour diminuer la population carcérale et supprimer les peines plancher ainsi que la rétention de sûreté. Confronté au réel problème de la hausse de la récidive, le gouvernement entend aujourd’hui remettre en cause plusieurs des mesures adoptées par la majorité présidentielle de 2007, dans des conditions qui appellent trois réserves majeures.

La première est bien sûr celle de la gesticulation législative : une fois encore, le Parlement sera appelé à défaire ce qui a été laborieusement élaboré voici à peine cinq ans, dans des conditions qui témoignent de ce mal français incurable à vouloir modifier les lois en permanence. Il est regrettable que la matière pénale n’échappe pas à ce travers hexagonal, source d’insécurité juridique et d’affaiblissement de l’autorité de la loi. Les inspirateurs des changements normatifs feraient bien de se souvenir de la mise en garde du père de l’Esprit des lois, qui disait qu’il ne faut toucher aux lois que d’une main tremblante.

Ensuite, il n’existe aucune raison juridique sérieuse de s’attaquer aux peines minimales et à la rétention de sûreté, sous le prétexte fallacieux de préserver les principes de nécessité et d’individualisation des peines. On sait en effet depuis la décision du Conseil constitutionnel n° 2007-554 DC du 9 aout 2007 que l’article 8 de la Déclaration de 1789 ne fait pas obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions et n’implique pas davantage que la peine soit exclusivement déterminée en fonction de la personnalité de l’auteur de l’infraction.

Le dispositif actuellement en vigueur, destiné à dissuader les récidivistes par la menace d’une peine plus lourde pour les infractions les plus graves (avec des niveaux de peine minimale assez bas), permet en tout état de cause aux juridictions, dans les limites fixées par la loi, de prononcer des peines et de fixer leur régime en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de leur auteur, de prononcer aussi des peines inférieures au seuil légal quand l’intéressé présente des garanties d’insertion ou de réinsertion, de prononcer des sursis, au moins partiels, à l’exécution de la peine dans le cadre du régime de mise à l’épreuve et de prendre en considération les troubles psychiques ou neuropsychiques de l’auteur de l’infraction. C’est à ce prix que la loi voulue par le Président Sarkozy et sa majorité a été déclarée conforme à la Constitution. Que veut-on de plus ? La volonté affichée aujourd’hui de préserver l’individualisation des peines en matière de peines minimales ne correspond en réalité à aucune nécessité juridique sérieuse. Quant à la rétention de sûreté, qui n’est pas une peine mais un placement en centre dans un centre socio-médico-judiciaire pour les individus particulièrement dangereux, elle a elle aussi été jugée parfaitement constitutionnelle (décision n°2008-562 DC du 21 février 2008).

Enfin, et surtout, les services de police et de gendarmerie de tous les pays développés ont constaté que les peines minimales ont un impact effectif de neutralisation (la personne incarcérée ne peut commettre de nouvelle infraction) ainsi qu’un effet dissuasif réel que nul ne peut nier (la prison ne fait pas peur qu’aux honnêtes gens…). Quant au suivi des criminels les plus dangereux, est-il réellement besoin de rechercher un « consensus » qui relève de l’évidence et d’une nécessité qui a d’ailleurs été soulignée par le président de la République lui-même voici quelques jours à Pierrefeu-du-Var ? Les solutions alternatives de type bracelet électronique, probation et contrôle judiciaire ont leur propre utilité, nul ne saurait le contester. Mais elles ne sauraient remplacer la détention carcérale, dont les vertus sont connues depuis les origines de l’humanité et qui demeure indispensable dans un contexte d’augmentation et d’aggravation de la criminalité.

La gestion de la question carcérale, notamment au regard de la surpopulation, obéit d’ailleurs à des paramètres propres, qui n’ont avec la récidive que des liens partiels et indirects. En définitive, voici donc beaucoup de bruit et d’agitation pour bien peu de nécessité. Cette opération de « consensus » en perspective permet en tout cas de rappeler que l’enfer est pavé de bonnes intentions et de se souvenir que l’angélisme pénal est le fossoyeur de la démocratie. Souhaitons que les parangons des libertés publiques n’oublient pas une double priorité : la préservation de la liberté d’aller et de venir des citoyens et la sauvegarde  du droit fondamental qu’est la sécurité des personnes et des biens.

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