Démission des parents ou manque de déontologie des psychiatres : qui est responsable de la surmédicalisation des enfants ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Santé
Démission des parents ou manque de déontologie des psychiatres : qui est responsable de la surmédicalisation des enfants ?
©

Hyperdépendance

Une étude réalisée par le laboratoire Celtipharm et publiée par Le Parisien révèle que la consommation de Ritaline, médicament destiné à corriger des troubles liés à l’hyperactivité de l’enfant, a augmenté de près de 70% en 5 ans.

Monique de Kermadec

Monique de Kermadec

Monique de Kermadec

Psychologue clinicienne et psychanaliste, spécialiste de la précocité et la réussite chez l'enfant et l'adulte. Elle est l'auteur de Le petit surdoué de six mois à six ans et de Pour que mon enfant réussisse parus chez Albin Michel.

Voir la bio »

Atlantico : Bien qu’une part de cette explosion puisse être également imputée à des usages détournés du médicament (étudiants en recherche de performance avant des examens, drogués ou parents cherchant à améliorer leurs capacités de concentration), le débat autour de la surmédication des enfants est relancé. Qui est responsable de la surmédication des enfants : les parents ou les psychiatres ?

Monique de Kermadec : Je pense que cela répond avant tout à un phénomène auquel nous sommes plus sensibles aujourd’hui, à savoir le manque d’attention et les difficultés de concentration de nombreux enfants. On constate que certains écoutent effectivement très peu en classe ou ont du mal à suivre un cours du début jusqu’à la fin. Parfois, on associe tout de suite cela à une hyperactivité – qui est l’indication de la Ritaline - alors que ce n’est pas nécessairement une véritable hyperactivité. Un enfant peut par exemple se disperser pour des raisons d’anxiété.

Dans la prescription de la Ritaline, il est important que le pédiatre ou le spécialiste suive tout un protocole, c’est-à-dire faire administrer certains tests à l’enfant pour bien faire la part entre ces deux situations. S’il s’agit d’anxiété, comme c’est parfois le cas, la Ritaline ne sert strictement à rien, et ne devrait pas être donnée. Par contre la Ritaline peut être une alliée en cas d’hyperactivité avérée. Il faut cependant qu’elle soit donnée par un spécialiste, qui puisse à la fois la doser et déterminer les durées de prises puisque généralement elle n’est prescrite que pendant les temps de fréquentation scolaire (pendant les vacances, les jeunes ne prennent pas de traitement).

Les psychiatres prescrivent-ils trop facilement ce type de médicament, par facilité ?

Chez moi, parmi tous les enfants et les adolescents que je reçois, j’ai rarement vu de mauvaise prescription. Il arrive quelques rares fois qu’il y ait eu une prescription un peu rapide sans tenir compte de ce protocole et où la distinction claire entre une véritable et une fausse hyperactivité n’était pas établie. Mais je dois dire que dans l’ensemble des consultations que j’ai réalisé, la majeure partie des prescriptions était vraiment indiquée.

Doit-on y voir un énième signe d’une tendance à la démission parentale, voulant quedes parents trop occupés délèguent les problèmes d’éducation de leurs enfants à d’autres, par exemple à des médicaments ?

On peut surtout y voir le désir d’un résultat rapide. On vit dans une société ou l'on veut avoir du résultat tout de suite et la tentation est grande de prescrire à la moindre difficulté de concentration. Cela afin d’obtenir très rapidement de meilleurs résultats scolaires. On sait en effet que si les parents demandent de la Ritaline, ou vont consulter, c’est parce qu’ils craignent l’échec scolaire.

Quelles peuvent être les conséquences d’une utilisation récurrente de Ritaline ou de molécules apparentées sur la santé psychique des enfants ?

Si la Ritaline n’est pas indiquée parce qu’il ne s’agit pas d’une véritable hyperactivité, cela n’aura aucun effet sur le comportement de l’enfant. Médicalement, il est vrai que l’on préfère ne pas donner ce traitement lorsqu’il n’est pas indiqué parce que c’est malgré tout un psychostimulant. Ce n’est pas quelque chose que l’on doit prendre à la légère, il faut qu’il y ait une indication thérapeutique posée par un spécialiste et ce n’est pas un médicament que l’on partage, même au sein d'une même famille.

Que faire avec un enfant turbulent, hyperactif ou qui éprouve des difficultés manifestes à se concentrer ?

À ce moment, ne jamais hésiter : il faut consulter. La meilleure personne à consulter c’est un psychologue qui pourra tout d’abord faire passer un « test de QI », qui n’est pas du tout pour là déterminer l’intelligence de l’enfant dans ce cas, mais dont une partie va permettre d’apprécier les troubles de la concentration pour établir, notamment, s’il s’agit d’une anxiété ou d’une véritable hyperactivité. Il est nécessaire de mettre en œuvre des inventaires et de soumettre des questionnaires aux familles et aux enseignants pour compléter le protocole. Il y a vraiment une analyse approfondie qui doit se faire avant de prescrire de la Ritaline.

N’y a-t-il pas d’autres moyens que la Ritaline pour soulager un enfant hyperactif, et ses parents ?

La relaxation peut aider un peu, mais ça ne va pas nécessairement aider à la focalisation de la pensée. Elle peut obtenir quelques résultats sur le besoin de bouger de l’enfant. Mais lorsque celui-ci a aussi une fuite de la pensée et une difficulté à concentrer son attention intellectuelle sur certaines choses, il est vrai qu’un traitement est parfois nécessaire.

La Ritaline n’est ni un médicament monstrueux, ni un médicament miracle. C’est un médicament qui peut être utile lorsque son indication est bien posée. On ne le prend pas à vie, mais pendant le temps de la scolarité, et bien souvent c’est un traitement qui est arrêté à l’adolescence. Il ne faut pas que le parent en ait peur si l’indication est bien posée.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !