Déficit commercial record : que se passe-t-il sur le commerce extérieur français ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une photo prise le 13 mars 2017 à Paris montre le logo de la Banque de France.
Une photo prise le 13 mars 2017 à Paris montre le logo de la Banque de France.
©Jacques DEMARTHON / AFP

Rapport annuel de la Banque de France

La Banque de France vient de publier son rapport annuel 2020 sur la balance des paiements et la position extérieure de la France. Le solde des transactions courantes en 2020 s’est dégradé par rapport à 2019 et s’est creusé de 78,7 milliards d’euros soit 30,2% du PIB.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Mardi 20 juillet, la Banque de France a publié son rapport annuel sur la position extérieure économique de la France pour 2020. Le solde des transactions courantes en 2020 s’est dégradé par rapport à 2019 et s’est creusé de 78,7 milliards d’euros soit 30,2% du PIB. Comment expliquer ce déficit qui a atteint un niveau historique depuis 1982 ? Payons-nous le prix de la Covid ou de faits qui demeurent plus anciens ?

Michel Ruimy : Les résultats, bien piètres, de la France en matière de commerce extérieur résultent essentiellement de la conjugaison de deux chocs. Les restrictions mises en place lors du premier confinement, plus strict qu’ailleurs, ont entravé la capacité des personnes à consommer notamment du fait de la fermeture des commerces mais aussi des limitations imposées aux déplacements (choc de demande) tout en réduisant la capacité des individus à travailler et/ou des firmes à organiser leur production (choc d’offre).

Les effets de ces mesures ayant été fortement différenciés selon les secteurs, la spécialisation de l’économie a donc joué un rôle important dans la réaction des exportations. Dans les années 2000, la spécialisation de la France s’est accentuée, principalement du fait de réussites dans l’aéronautique. Ces succès, qui sont intervenus dans un contexte de désindustrialisation du territoire et d’externalisation de la production dans d’autres secteurs comme la construction automobile, ont contribué à accroître la concentration de nos exportations. Si, dans un premier temps, cette spécialisation s’est révélée porteuse dans un contexte d’essor rapide du trafic aérien au niveau mondial, la crise sanitaire a révélé les faiblesses de cette forte exposition aux chocs sectoriels. Quant aux importations, elles sont restées significativement inferieures à leur niveau d’avant-crise du fait, en particulier, de l’instauration de nouvelles restrictions sanitaires lors de la deuxième vague épidémique.

Au total, la chute des résultats du commerce extérieur de la France s’explique davantage par la sous-performance globale de l’économie du fait de l’intensité des confinements et, dans une certaine mesure, par un effet de spécialisation sectorielle (L’aéronautique a été fortement touchée par une moindre activité des compagnies aériennes du fait des limitations sur les voyages mais aussi du côté de l’offre en raison des difficultés qui ont perturbé le fonctionnement des chaînes de valeur) que par un effet de spécialisation géographique (Une part importante de nos exportations est, en général, destinée à nos partenaires les plus proches au plan géographique qui ont été aussi fortement touchés par la pandémie).

Y-a-t-il un risque que cette situation devienne structurelle ? Les secteurs industriels français affectés par la crise sanitaire sont-ils trop fragiles ?

Les points forts de l’économie française sont devenus des points de fragilité qui ont rendu notre pays vulnérable face à la crise sanitaire. Sans une stratégie appropriée, cette situation risque d’affaiblir durablement nos exportations dans un contexte de poursuite de la pandémie.

A la différence de l’Allemagne qui a bénéficié, en 2020, d’une plus grande diversification dans ses secteurs d’avantages comparatifs (Les pertes dans l’aéronautique, secteur moins marqué qu’en France, ont été entièrement compensées par des gains dans d’autres domaines tels que la chimie, l’électrique, l’électronique…), la France est « aéro-dépendante » depuis de nombreuses années.

Cette spécialisation invite à la vigilance du fait, en particulier, des problématiques futures liées à l’empreinte carbone du transport aérien. D’autant que si nous observons, pour l’année 2020, la spécialisation sectorielle de la France, nous pouvons constater un manque de relais de croissance. Par exemple, si la construction automobile a été défavorablement touchée par la crise de la Covid-19 au cours des premiers mois de la pandémie, elle a connu un rebond au cours du second semestre. D’autres secteurs comme l’agroalimentaire ont, eux, plutôt favorisé les exportations, y compris au cœur de la première vague mais leur activité a eu tendance à s’estomper au cours des six derniers mis de l’année.

Comment réagit le gouvernement pour limiter la « casse » ? À terme que devons-nous faire pour renforcer notre commerce extérieur ?

De manière générale, l’économie française possède des atouts : nombre élevé de créations d'entreprises, bonne qualité des formations d’élite mais il ne faut pas oublier la liste beaucoup plus longue de ses problèmes structurels : mauvaise qualité d’ensemble du système éducatif, faiblesse de l’employabilité d’un grand nombre de jeunes, des compétences de la population active, de la modernisation des entreprises mais aussi une forte pression fiscale qui crée des distorsions au détriment de l’emploi…

Dans un environnement post-Covid, il conviendra de renforcer l’offre exportatrice de la France c’est-à-dire que le tissu productif national doit se transformer (L’économie française ne se redressera pas seulement grâce aux créateurs d’entreprises issus des bonnes formations) pour faire apparaître de nouveaux points forts et permettre à la croissance de l’économie de demeurer compatible avec l’équilibre des échanges extérieurs. Pour cela, il faudra tenir compte d’autres déterminants des exportations liés, par exemple, à la structure microéconomique et sectorielle du tissu d’exportateurs, ou encore aux politiques de soutien aux entreprises mises en œuvre.

Espérons que le plan de relance « France relance », présenté en septembre 2020, permettra une refondation économique, sociale et écologique du pays.

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