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Pourquoi les entrepreneurs français qui réussissent sont ceux qui partent s'installer à l'étranger
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La semaine de Jean-Marc Sylvestre

La politique du gouvernement continue d'évoluer en totale contradiction avec le monde des affaires, de l'entreprise et de la production de richesses.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Alors que le président de la République avait manifesté l’intention de se rapprocher du monde de l’entreprise, la semaine qui vient de s’écouler à montré que dans les faits, François Hollande est retombé dans une logique politique de préservation des intérêts immédiats de sa majorité… et cela au détriments de l’avenir et des réalités de l’économie.

Nous avons aujourd’hui un pouvoir politique complètement déconnecté, qui évolue en contradiction de plus en plus fragrante avec le monde des affaires, de l’entreprise et de la production de richesses.Il n'y a pas de climat particulièrement conflictuel, il a désormais une étonnante indifférence réciproque.

A la fin du mois d’août, divine surprise, les chefs d’entreprise croient percevoir une certaine attention bienveillante du président et de ses ministres à l’égard de leur problèmes et de leurs contraintes. Pour la première fois, la majorité des ministres du gouvernement annonçaient comme objectif la nécessite de restaurer la compétitivité. Pour la première fois, un gouvernement socialiste disait implicitement que les modèles Keynésien de relance par la demande n'étaient plus adaptés à la situation, pour essayer d’imaginer un soutien de l’offre productive des entreprises. 

On n’avait pas encore sorti Schumpeter de son placard mais enfin, ou était en train de tuer Keynes. Avec préméditation.

Au lendemain d’une réforme des retraites parfaitement honteuse dans la mesure où elle ne résolvait aucun problème, le Premier ministre annonçait que la hausse de la cotisation vieillesse payée par l’employeur serait entièrement compensée par la baisse de charges sur la famille et la maladie.

Personne n’a été dupe. Parce qu'il faudra bien compenser la baisse des recettes sur la maladie ou la famille. Tout le monde a pensé qu’une fois de plus ce gouvernement cachait la poussière sous les tapis, mais on a fait comme si c’était bien. Quelques jours plus tard, Pierre Moscovici et Arnaud Montebourg viennent câliner les patrons qui se sont mis au vert sur le campus d’HEC, il annoncent une grande politique industrielle sur le thème "l'Etat doit jouer son rôle mais rien que son rôle" à ce moment-là, on s’en souvient, Denis Kessler a failli s’étouffer en riant… et, cerise sur le gâteau patronal, François Hollande lui-même annonce dans le journal Le Monde, le soir même, une pause fiscale.

Alors à partir de cette seconde, le monde des affaires a sorti les calculettes. Si le gouvernement s’engage à ne pas augmenter la pression fiscale, et s'il veut respecter son engagement budgétaire, c’est qu’il va baisser les dépenses publiques, c’est logique ! les patrons se disent qu'après tout, les politiques ont enfin compris comment marche l’économie.

Eh bien les politiques qui nous gouvernent ne savent faire qu'une seule chose : de la politique à court terme et calmer la grogne, attendre qu'elle passe et demain est un autre jour... Les deux dernières semaines nous ont montré que la gouvernance française n'avait rien changé dans sa logique de fonctionnement.

Le président de la République défend toujours l’idée que la croissance finira bien par revenir (comment, par où, personne ne le sait et pour cause, la croissance ne tombe pas du ciel, elle se fabrique), du coup ses ministres ne sont pas les gérants de l’avenir, ils sont les administrateurs d’intérêts et d’avantages acquis.

La prochaine loi de finance est un pur scandale. Elle n’organise aucune réduction de dépenses publiques ou sociales. Rien sur les retraites, rien sur l’assurance chômage, rien sur le mille-feuille administratif, rien sur les montagnes d’aides et de subventions et de prestations, rien sur les effectifs, rien sur la productivité administrative, rien sur les collectivités locales. Donc si les dépenses publiques ne baissent pas, il faudra encore remonter les impôts. Mais ce n’est pas tout, le gouvernement, la semaine dernière, a laissé voter une loi sur le logement qui est une loi purement politique voulue par Cécile Duflot pour rassurer ses militants verts, les associations de mal logés et les courants d’extrême gauche. C’est une loi catastrophe qui laisse croire qu'en encadrant le prix des loyers, on pourra plus facilement construire des logements, c’est une loi malheureuse qui institue une sorte de sécurité sociale des loyers, censée garantir le paiement des loyers mais ne peut pas marcher. Parce que l’Etat se retrouverait avec des milliers de locataires qui n’auraient plus aucun intérêt à payer leurs loyers.

Cette semaine, le président de la République a protégé sa majorité et notamment le courant écologique. Ce qui ne changera rien dans l’équilibre des forces, il existe une majorité de verts pour ne pas se reconnaître dans la politique conduite par François Hollande, d’où cette sorte d’ultimatum qui lui a été posé pour prouver qu'il est capable de réaliser la transition énergétique. Le président de la République a 6 jours pour promettre l’irréalisable c’est-à-dire prendre des mesures qui risquent d’enfoncer encore plus la compétitivité. Les entreprises françaises n’ont pas besoin de taxes nouvelles, elles demandent des allègements. Elles ont aussi besoin d’une énergie à bas coût… D’une expérimentation sur les gaz de schistes. Bref tout l’inverse de ce que prônent les écologistes.  

Pour ne pas affronter la réalité de l’économie qui commande des réformes et ne pas risquer une fracture au sein de sa majorité, le président de la République, occupe personnellement la scène médiatique en s’inventant un rôle d’influence au niveau internationale. Les risques de frappe en Syrie s’éloignent, l’accord entre les Russes et les Américains sur le contrôle des stocks de gaz du côté de Damas, dessine une solution de retour au calme. François Hollande explique lui, à qui veut l’entendre, que c’est grâce à la France et à ses positions courageuses que les Américains et les Russes ont pu ébaucher un début de solution. Sans doute. Henri Kissinger qui était interrogé vendredi par Christine Ockrent pour la chaîne iTélé avait lui une autre explication. Beaucoup moins glorieuse pour la France. "Quand les Britanniques sont d’accord avec nous, c’est parce qu’ils trouvent que nos positions sont intelligentes, disait-il,  quand les Français sont d’accord avec nous c’est parce qu’ils nous trouvent stupides et qu’ils se sentent obligés de nous faire la leçon."

Bref, il n’est pas certains que la précipitation avec laquelle le président français a annoncé sa décision de frapper Damas ait contribué à augmenter son crédit de stratège militaro-diplomatique dans la zone du Moyen-Orient. Pour la frange de l’opinion française qui n’adhère pas à cette politique de menace militaire, les fidèles de François Hollande ont agité sur le plan intérieur la menace du Front national. Ça marche toujours. Ça fait débat dans les médias. Si ça n’occupe pas l’opinion publique ça détourne les commentateurs des vrais sujets.

Les vrais sujets : 

- c’est d’abord que la reprise de la croissance se confirme partout dans le monde (y compris en Chine, y compris en Europe), partout sauf en France...

- c'est ensuite que les entreprises françaises ont pris leur parti d’une gouvernance complètement à côté de la plaque et du coup elles s’arrangent de plus en plus pour travailler ailleurs... Personne n’en parle mais les exemples sont légions cette semaine.

Il est évident que tous ces sujets soulignent le caractère de l’exception française qui devrait interpeller le pouvoir politique, parce qu'il a évidemment une part de responsabilité. Plutôt que d’affronter cette réalité, il protège, il conserve et il étouffe.

La reprise économique a maintenant touché le monde entier. La Chine qui s’était essoufflée a renoué avec les taux de croissance à deux chiffres depuis le mois de juin. Avec 7% de croissance seulement, Pékin risquait un nouveau Tienanmen. C’est du moins, en raccourci le raisonnement que faisaient les autorités chinoises lors du dernier forum de Davos en janvier dernier : "avec 10% de croissance on sait gérer plus d’un milliard d’individus, avec moins de 7% on ne sait plus faire..." Ils ont donc fait au deuxième trimestre de cette année ce qu'il fallait faire pour restaurer une activité forte : baisse de l’imposition des petites et moyennes entreprises, desserrement de certains salaires, libération de crédit à la consommation... Sans parler de l’impact fort de la reprise américaine. Quand l’économie américaine va mieux, les magasins américains se remplissent, les commandes affluent et les usines de Shanghai tournent plus vite. Dans la foulée, 'l'Inde, le Brésil  et l'Afrique ont retrouvé leur dynamisme.

L’Europe elle-même en a bien sûr profité… La Grande Bretagne d’abord, qui s’affranchit de sa dépendance au secteur financier en reconstruisant son industrie avec du militaire, de l’automobile, de l’aéronautique, de la pharmacie, de l’agro-alimentaire. Sa recette ? Des faibles coûts salariaux et peu d’impôts. Des marchés à l’exportation qui s’ouvrent en Europe et qui confortent la conviction des chefs d’entreprise britanniques qu'il leur faut rester dans l’Europe et même si possible dans la zone euro. Ça marche.

La Grèce, l’Italie, l’Espagne et le Portugal sont pratiquement sortis des zones à risques. Leurs recettes ? Ils ont bien sûr profité des aides européennes mais ils ont aussi payé très cher. Ils sont en voie de rééquilibrage financier et de reprise économique. Leurs recettes ? Des réductions de dépenses publiques et par conséquent des baisses d’impôt. Une baisse importante du prix des actifs immobiliers et des actifs de production, c’est-à-dire de la valeur des entreprises. Ce qui a attiré les investisseurs et dopé les exportations. Leur compétitivité est meilleure.

La France elle, est restée à l’écart de ce mouvement puisqu'elle n’a pas fait les réformes qu'il aurait fallu faire pour alléger les dépenses publiques, donc les impôts.

Tout se passe d’ailleurs en France comme si les chefs d’entreprise s'étaient résignés à une situation dont ils ne peuvent plus rien attendre. Alors les représentants syndicaux du Medef vont continuer de se battre pour obtenir plus de compétitivité. Et alléger le fardeau des plus coincés. C’est-à-dire des PME. Ils obtiendront quelques compromis, juste suffisants pour dissuader les chefs d’entreprises de se révolter à leur manière c’est-à-dire par une grève de l’impôt. "On arrêterait de payer la TVA pendant un mois, m’expliquait un adhèrent de la CGPME, que ça ferait bouger le gouvernement. Bercy a très peur de ce type de mouvement. Les services de renseignements considèrent que les patrons de petites et moyennes entreprises sont capables de passer à l’acte. Entre la pression fiscale, la tracasserie administrative et la multiplication des contrôle fiscaux, beaucoup sont à bout de nerf.

Les grands patrons, eux, continuent de croître mais exclusivement à l’étranger. L’industrie du luxe, PPR, Hermès et LVMH profitent à plein de la reprise dans les pays émergents. Avec des taux de croissance à deux chiffres, il exportent massivement auprès des populations riches installées dans les grandes villes de Chine ou de l’Inde… Mais en plus, ils commencent à investir dans l’industrie du luxe local. LVMH a cette semaine levé un milliard de dollars sur le marché chinois pour investir dans des entreprises artisanales et de création afin de développer un luxe made in china.

Les grands sociétés de fourniture d'énergie ou d’environnement, Areva, Suez, EDF, Veolia, sont reparties à la conquête des pays du Soleil levant non sans avoir planté leur tentes commerciales en Afrique .

Bolloré a décidé d’accéléré le mouvement chez Vivendi en prenant la vice-présidence et surtout en lançant son programme de scission. SFR sera séparé et coté en Bourse. Il aura ainsi plus de moyens et de liberté pour se développer. Quand à Vivendi, il se recentre sur la musique et les médias à l’échelle internationale de façon à trouver un modelé de croissance au groupe Canal dont le potentiel franco-français est épuisé.

Mais pour Bolloré, l’avenir industriel porte sur la voiture électrique et les batteries. Le projet dévoilé cette semaine fait rêver tous les analystes financiers. S’allier à Renault (qui est devenu le deuxième constructeur mondial) pour diffuser l'autolib dans le monde entier. Le projet autolib, fait aussi saliver tous les constructeurs automobiles au point peut être de venir en espionner les logiciels. La raison de cette fièvre est triple.

D’abord parce que le système marche. Contrairement à ce qu'on pouvait craindre il n'y a pas de bug dans le fonctionnement. Les clients sont nombreux et satisfaits. Ensuite c’est la première expérience a grande échelle de voiture électrique. Enfin, ça offre un développement considérable à l’industrie automobile, parce que le système apporte une solution au problème de transport dans les grandes villes des pays émergents .

Pratiquement toutes les entreprises du Cac 40 sont prises d’une frénésie d'activité et de développement mais à l’étranger : les banques ont sécurisé leur activité (Bâle 3 sera appliqué avec un peu de souplesse), elle sont très présentes en Europe, dans l’industrie alimentaires, Danone est à 80% sur l’étranger, les Bondelles aussi etc.

Toute ces grandes entreprises sont d’ailleurs sous évaluées par la Bourse compte tenu de leur ADN français... Cette sous-évaluation explique que les fonds étrangers se mettent à acheter français, d’où la remontée très spectaculaire de la Bourse de Paris .

Contrairement à ce que le ministre de l’Economie français a failli expliquer la semaine dernière, la Bourse de Paris ne remonte pas parce que les investisseurs étrangers et les épargnants achèteraient la politique économique prudente de la France ou ses perspectives. La Bourse de Paris monte parce que les investisseurs achètent des entreprises qui se sont affranchies justement du risque français. Les investisseurs achètent français quand le français est sécurisé offshore. Terrible constat pour le gouvernement.

C’est bien pour les entreprises françaises, mais c’est catastrophique pour le potentiel de l’Hexagone.

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