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1981 / 2012 : le match des soirées TV
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Debrief

Les soirées électorales, sur TF1, France 2 et les chaînes d'information en continu, ont surtout été l'occasion pour les hommes politiques de venir délivrer leurs éléments de langage. Mais cette soirée a aussi nourri le souvenir de 1981, lorsque pour la première fois un socialiste accédait à l'Elysée.

Christian Delporte

Christian Delporte

Christian Delporte est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Versailles Saint-Quentin et directeur du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines. Il dirige également la revue Le Temps des médias.

Son dernier livre est intitulé Les grands débats politiques : ces émissions qui on fait l'opinion (Flammarion, 2012).

Il est par ailleurs Président de la Société pour l’histoire des médias et directeur de la revue Le Temps des médias. A son actif plusieurs ouvrages, dont Une histoire de la langue de bois (Flammarion, 2009), Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine (avec Jean-François Sirinelli et Jean-Yves Mollier, PUF, 2010), et Les grands débats politiques : ces émissions qui ont fait l'opinion (Flammarion, 2012).

 

Son dernier livre est intitulé "Come back, ou l'art de revenir en politique" (Flammarion, 2014).

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Atlantico : Que retenez-vous de la soirée électorale de ce dimanche ? Quels en sont les moments marquants ?

Christian Delporte : Le moment précis de 20 heures, d’abord. Les résultats (assez fiables, du reste) ont eu beau circuler longtemps auparavant sur Twitter, l’image du nouveau président sur les écrans de télévision reste plus qu’un instant de confirmation : il est une séquence d’émotion (de joie ou de tristesse) collective irremplaçable. Sur le plan télévisuel, on retiendra les images de la Bastille, bien sûr, mais aussi des scènes qui frisent la téléréalité : la porte de François Hollande, à Tulle, « vedette » du quart d’heure précédent 20 heures, la course à moto de Tulle à Brive… Pour un peu, on s’attendait à ce qu’un avion de TF1 ou France 2 suive celui de Hollande jusqu’au Bourget !

Une soirée électorale devrait comporter des résultats, ceux des scores réalisés dans les villes, les départements, les régions : pas assez spectaculaire, apparemment, puisque la télévision s’en est passé. Aucune analyse politique non plus, si ce n’est un numéro de duettiste sur France 2 entre Franz-Olivier Giesbert et Frank Tapiro qui n’a pas dû beaucoup éclairer le téléspectateur-électeur.

Sur le plan politique, les débats ont vite tourné court, faute de combattants. Les hommes politiques sont juste venus délivrer leurs éléments de langage. Les lieutenants de Hollande avaient un message : « surtout, pas d’euphorie ». Ceux de Sarkozy, minimisant la défaite, étaient surtout venus lancer le « 3e tour », celui des législatives, sur le thème : « évitons qu’un même camp monopolise tous les pouvoirs ». C’est même par cela qu’a commencé Jean-François Copé. Bref, rien que de très classique. Le même discours à chaque élection présidentielle…

En quoi celle-ci est-elle différente des précédentes ? 

La télévision cherche le spectacle absolu, le rythme, l’émotion, l’image étonnante. On l’avait déjà vu dans la soirée du premier tour. Les Français sont de simples spectateurs. Sous prétexte de leur faire vivre l’événement, on les prive de toute proximité avec leur vote : comment ont-ils voté, ici ou là ? On l’ignore ou presque. Quelle différence avec les premières soirées électorales : en 65, on accumulait les chiffres locaux ! C’était assez indigeste, mais on n’avait ni estimation globale ni débat.

Aujourd’hui, la télévision fait de l’élection un spectacle. On peut s’en réjouir ou le déplorer, mais c’est comme cela… Les télévisions ont aussi tiré les leçons de la soirée du premier tour, marquée par une cacophonie des débats qui desservait la démocratie. Avec moins d’acteurs sur les plateaux, les échanges ont été facilité, et il faut dire que les porte-parole ont prudemment évité les affrontements stériles.

En 1981, l'émotion était sans doute plus considérable, tant le pouvoir semblait inaccessible pour la gauche.Les débats étaient beaucoup plus violents, comme si le droite n'acceptait pas sa défaite. Ici, rien de semblable. Mais cette soirée a nourri le souvenir de 81 avec Tulle, si proche dans l'imaginaire que Château-Chinon, et le symbole de la Bastille. Reste que Hollande a été plus présent, tenant à parler à la Bastille, alors que Mitterrand en avait été absent. Pas de revanche de la gauche, finalement, mais la joie de renouer avec la liesse de 81, en quelque sorte. Bref, beaucoup d'émotion, pas de rancoeur exprimée et une droite au profil bas qui a évité de se déchirer en direct.

Comment jugez-vous le discours de Nicolas Sarkozy ?

Ce fut le premier grand moment de la soirée. Habilement, Nicolas Sarkozy s’est démarqué de l’erreur de Valery Giscard d’Estaing, en 1981 : défait, il était resté silencieux. Lui a voulu intervenir le premier, et dans des termes qui font plutôt honneur à la République. C’était digne, et je crois qu’on lui accordera crédit sur ce point. Je crois que ce discours, très personnel, marquera les esprits. Il semblait improviser, mais je crois que tous les mots ont été soupesés. A ce stade (et la patte de Henri Guaino était perceptible), un président battu veut légitimement laisser son empreinte dans l’histoire.

Et celui de François Hollande ?

Le premier discours d’un président élu est toujours un exercice difficile. Il est souvent convenu. Les propos de François Hollande m’ont donné la curieuse impression qu’il avait du mal à se dégager de sa campagne. Basculer dans la peau du chef de l’Etat ne se fait jamais d’un coup. Sans doute, aussi, a-t-il voulu faire simple, se montrer proche des Français. Bref, ce n’était pas très bon, mais les discours de ses prédécesseurs ne l’étaient guère non plus. On l’oubliera sans doute comme on a gommé les autres de nos mémoires. Les premiers gestes symboliques, au lendemain de son investiture, auront une autre importance et tout autre écho.


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