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Débat sur le burkini : pourquoi le relativisme des Américains est révélateur d'une incompréhension de ce qu'est la France
©Reuters

Tribune

Interpréter les réalités françaises à travers le prisme américain, bien que les valeurs centrales de nos deux pays soient communes, ne permet peut-être pas d'analyser de façon pertinente une situation complexe.

simone rodan

Simone Rodan-Benzaquen

Simone Rodan-Benzaquen est Directrice Générale d'AJC Europe.

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Un récent article du New York Times estimait que l'interdiction du burkini par certains maires français était motivée par une tendance française "colonialiste" et "raciste" envers les musulmans. L'article est signé par un des éditorialistes de ce journal dont la chronique  "L'interprète" vise à explorer "les idées et le contexte derrière les évènements majeurs du monde".

Interpréter les réalités françaises à travers le prisme américain, bien que les valeurs centrales de nos deux pays soient communes, ne permet peut-être pas d'analyser de façon pertinente une situation complexe.

Car ce que l'auteur oublie de prendre en compte c'est que le burkini n'est pas uniquement l'expression d'une simple croyance religieuse. L'idéologie réactionnaire des salafistes mène une campagne politique dans notre pays sur tous les fronts et rendre les femmes invisibles dans l'espace public en fait partie. Le burkini en est un énième symbole.  

La société française se trouve prise au piège. Soit elle ne répond pas et encourage ses ennemis à poursuivre leurs provocations et revendications, soit elle réplique et la controverse engendrée donnera le sentiment de pointer du doigt les musulmans et de les pousser à être solidaires de rigoristes avec lesquels ils n'ont rien à voir.  

On peut considérer que les maires qui ont interdit le burkini sont tombés dans ce piège. Plutôt que d'insister sur un symbole très minoritaire, le gouvernement, les responsables politiques et la société civile devraient davantage traiter les causes profondes de l'islamisme et du salafisme dans notre pays. 

Dans tous les cas, le manque de compréhension des enjeux et le relativisme - du New York Times ou d'ailleurs - sur ces questions qui touchent aux valeurs fondamentales de la France sont inquiétants.

Plutôt que de donner la place au directeur du CCIF (comme le New York Times l'a fait dans un précédent article) le journal devrait peut-être donner la parole à des femmes musulmanes qui se battent justement contre l'enfermement de leurs corps et les revendications des islamistes. 

Prenons par exemple Fatiha Daoudi, docteure en science politique marocaine, qui explique dans le Huffington Post Maghreb qu’ "il [le burkini] fait partie d'une stratégie qui, si elle est encouragée par des avis permissifs, finira par arriver à son but final : interdire l'espace public aux femmes !" ?

Pourquoi ne pas écouter également la journaliste franco-tunisienne Sonia Mabrouk qui dénonce à ce sujet la "provocation mise en scène par les exploiteurs de [sa] religion" qu’elle qualifie de "stratégie de conquête des esprits ?" Il y a de plus en plus de forces qui veulent implanter un islam rigoriste, obscurantiste, au cœur de nos sociétés [françaises] profitant d’un manque de repères. C’est une guerre d’usure qui nous est opposée. Elle teste notre résistance et nos défenses. C’est le cas avec le burkini. Le but est de nous faire reculer en nous culpabilisant sur la liberté de ces femmes à disposer de leur corps" ajoute-t-elle. 

Ainsi en parlant de la France, l'"interprète" du New York Times oublie que notre pays s'est construit sur les valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité mais aussi de laïcité, héritière de plusieurs guerres de religions entre protestants et catholiques. Il s'est aussi construit sur la libération des femmes et des corps. Pour la plupart des Français, le fait de couvrir les corps des femmes apparaît davantage comme une terrible régression que comme une liberté.

Bien sur, je ne l'ignore pas, la vision américaine est très différente et comprendre l'approche française n’est pas simple. On peut même être en désaccord. 

Mais les États-Unis et la France ont les mêmes ennemis, ceux qui veulent voir la fin des démocraties et des valeurs de liberté, de diversité et de coexistence. Plutôt que de condamner la France, les Américains devraient essayer de comprendre ce qui est réellement en jeu.

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