Débat législatives 2024 : sur l’économie, le match des demi-habiles (et des dépenses non financées)<!-- --> | Atlantico.fr
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Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard lors du débat télévisé diffusé sur TF1 dans le cadre de la campagne des législatives.
Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard lors du débat télévisé diffusé sur TF1 dans le cadre de la campagne des législatives.
©DIMITAR DILKOFF / POOL / AFP

Réformes

Jordan Bardella, Manuel Bompard et Gabriel Attal ont participé à un débat sur TF1 mardi soir. Plusieurs thèmes ont été abordés, dont le pouvoir d’achat, le Smic ou les retraites.

Jean-Luc Demarty

Jean-Luc Demarty est ancien Directeur Général du Commerce Extérieur de la Commission Européenne (2011-2019), ancien Directeur Général Adjoint et Directeur Général de l'Agriculture de la Commission Européenne (2000-2010) et ancien Conseiller au cabinet de Jacques Delors (1981-1984; 1988-1995).

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Le débat du 25 juin sur TF1 entre les représentants des trois blocs électoraux a été plutôt de bonne qualité, surtout si on le compare aux débats en-dessous du médiocre des élections européennes. Les deux journalistes Gilles Bouleau et Anne-Claire Coudray ont bien contrôlé le débat et avaient visiblement travaillé leur sujet.

Gabriel Attal a été conforme aux attentes, excellent communicateur et maitrisant bien ses dossiers. Il a pointé de façon efficace les incohérences du programme de Jordan Bardella, sans toutefois arriver à gommer complètement son ton professoral. Toutefois il aurait pu mieux argumenter contre les excès du programme dément du Nouveau Front Populaire dont les dépenses annuelles supplémentaires vont de 150 à 250 milliards d’Euros selon les estimations et dont les recettes fiscales supplémentaires sont de l’ordre de 100 milliards d’Euros. Ainsi il a renouvelé l’erreur habituelle sur les retraites en se concentrant exclusivement sur la mise en cause de l’équilibre financier du régime par le retour en arrière du programme de ses concurrents au lieu de poser la véritable question de l’insuffisante quantité de travail totale et individuelle fournie par les Français dans l’année et tout au long de la vie. Même après la réforme Macron, la France applique l’âge de départ à la retraite le plus précoce de l’UE.

S’agissant de la hausse de 15 % du Smic du programme du NFP, Gabriel Attal a à juste titre dénoncé les destructions d’emploi et les difficultés des entreprises qu’elle entrainerait. Toutefois il n’a pas été capable de mettre en cause le keynesianisme pour les nuls du NFP. Si la distribution massive de pouvoir d’achat va stimuler la consommation, ce sera exclusivement au bénéfice des importations avec un commerce extérieur déjà déficitaire de 100 milliards d’Euros. Non seulement l’appareil productif français sera incapable de répondre à la demande supplémentaire, mais il sera mis en difficulté par des hausses de salaires inconsidérées. Cet effet a déjà été constaté en 1981 sous Mitterrand avec une relance trois fois inférieure et un appareil productif en meilleur état. En outre les dépenses du programme de Gabriel Attal, même si elles sont modestes par rapport aux excès de ses concurrents, ne sont pas financées.

Jordan Bardella a survécu grâce à sa résilience impressionnante dans les débats. Il a bien mis en cause l’arrogance professorale de Gabriel Attal, mais de façon trop répétitive au risque d’apparaître lui-même arrogant. Par rapport au rétropédalage sur son programme économique dont Jordan Bardella a donné l’impression lors de sa conférence de presse du 24 juin, le débat du 25 juin est une déception. Il a clarifié que sa réforme des retraites reviendrait à 62 ans pour 42 ans de cotisations ce qui est un recul même par rapport à la réforme Touraine sous Hollande. Il a réintroduit son exemption grotesque de l’impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans que Gabriel Attal a facilement ridiculisé. Jordan Bardella a été pris en défaut sur son chiffrage du coût de la baisse de la TVA sur l’énergie et les carburants qui s’élève à 17 milliards d’Euros et non à 12 milliards. Enfin son moratoire sur les éoliennes est apparu non crédible compte tenu de la très forte croissance prévisible de la demande d’électricité qui ne pourra pas être satisfaite par des centrales nucléaires supplémentaires avant 2035.

Le coût total du programme de Jordan Bardella, de l’ordre de 50 milliards d’Euros, n’est pas sérieusement financé à l’exception d’une poignée de milliards d’Euros à la crédibilité douteuse. La réduction de 2 milliards d’Euros de la contribution de la France au budget de l’UE est moins irréaliste qu’il n’y paraît à première vue. En effet dans la foulée de l’énorme correction dont bénéficiait le Royaume Uni depuis 1980, 5 Etats Membres, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche, la Suède et le Danemark ont réussi à obtenir également une correction financière en leur faveur depuis 25 ans avant le grand élargissement de 2004. La France et l’Italie auraient désormais une légitimité à demander soit une correction analogue, soit la suppression du mécanisme. Dans les deux cas la France serait gagnante, mais certainement pas à hauteur de 2 milliards d’Euros. Une telle négociation pourrait être menée en 2025 pour les perspectives financières post 2027.

Manuel Bompard a été très habile. Il a déroulé son programme en réussissant à en cacher les excès derrière les échanges agressifs entre Jordan Bardella et Gabriel Attal. Il a même mis une cravate, rouge bien sûr, probablement pour la première fois de sa vie. Par exemple personne n’a évoqué le caractère confiscatoire du taux marginal de l’impôt sur le revenu à 90 % auquel il faut encore ajouter la CSG progressive. Les contribuables aux taux marginaux élevés vont immédiatement fuir la France et l’attractivité pour les investisseurs étrangers va s’effondrer. Bompard s’est avéré un communicateur calme et articulé, curieusement sous la surveillance de la lie de LFI, derrière lui en studio. Il n’a été vraiment mis en difficulté que deux fois, sur le nucléaire et sur son affirmation mensongère de baisse du pouvoir d’achat que Gilles Bouleau a contré immédiatement. Il y a au moins une centaine de milliards d’Euros de déficit net qui porterait le déficit public de la France à 8 % du PIB, alors que la France vient d’entrer dans la procédure européenne de déficit excessif. Ce programme n’a évidemment aucune crédibilité.

Le reste du débat a été consacré aux questions régaliennes, la sécurité, l’immigration, l’école. Chacun des débatteurs a présenté plutôt bien sa ligne respective. Jordan Bardella a été convaincant, même si le plafond annuel de 10.000 immigrés légaux n’est guère crédible. C’est malheureusement bien davantage sur ces questions que sur l’économie que se joue l’élection. De ce point de vue Bardella garde l’avantage. 

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